"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Fixation des prix des intrants agricoles et du coton-graine pour 2008-2009

27-05-2008

 

La une du 27/05/08

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Les non-dits de la décision

 (L’Assemblée nationale interpellée)

Le gouvernement béninois et les acteurs de la filière coton sont à pied d’œuvre pour un bon déroulement et une bonne réussite de la campagne cotonnière 2008 2009. Parlant de réussite de la campagne cotonnière, un certain nombre de conditions sont nécessaires à remplir, dont notamment la fixation du prix de cession de la matière première ainsi que la fixation du prix de cession aux producteurs des intrants agricoles. Cependant, les dernières décisions du gouvernement dans ce cadre  laissent à désirer

C’est désormais chose faite, les prix de cession aussi bien du coton-graine que des intrants agricoles ont été homologués et publiés dimanche dernier. Lesdits prix ont été annoncés par le chef de l’Etat, à l’occasion d’une rencontre avec quelques acteurs de la filière coton. A l’analyse, cet événement qui constitue une étape très importante de tout le processus de commercialisation de l’or blanc dans notre pays, suscite deux interrogations fondamentales.
La première interrogation est celle relative à la hâte qui a caractérisé le processus. Il faut d’ores et déjà souligner que le sursaut auquel nous venons d’assister et qui a débouché sur la fixation et la publication en un temps record des prix susdits, est très louable. De mémoire, le souci de tous les acteurs de la filière est de voir ces différents prix fixés dans un délai assez raisonnable de façon à ce que, aussi bien les producteurs, les importateurs et distributeurs d’intrants que les égreneurs ne se retrouvent plus dans les errements qui, faut-il le rappeler, ont toujours assombri au dernier moment les espoirs fondés sur cette filière.
Une célérité surprenante
Cependant, en tant qu’observateurs avertis de cette filière qui ne cesse d’innover et de surprendre par les intrigues et les méthodes parfois sordides aussi bien de ses acteurs que de certains membres de l’administration centrale, nous avons une fois encore avisé de douter de la franchise et de la sincérité des prix qui nous ont été annoncés par le chef du gouvernement en raison de la célérité surprenante qui a caractérisé le processus. Notre doute a été surtout éveillé par le comportement de certains acteurs non moins importants de la filière qui très curieusement, n’avaient ni été informés comme par le passé, ni été associés aux négociations préalables comme il est de coutume dans la filière. En somme, la célérité qui a caractérisé le processus parait suspecte à maints égards.
La deuxième interrogation qui est la plus importante porte sur l’appui on ne peut plus remarquable une fois encore du gouvernement pour soutenir les acteurs de la sous filière intrant, c’est-à-dire les importateurs et distributeurs d’intrants.
Rappelons que, selon nos informations, l’appel d’offres qui a été lancé par le gouvernement pour l’approvisionnement en intrants agricoles au titre de la campagne cotonnière 2008-2009 porte sur un total de matière de 62 mille tonnes. A en croire le chef de l’Etat dimanche dernier, le prix des engrais est fixé à 235 F CFA le kilogramme, avec une subvention accordée par le gouvernement béninois d’un montant de 111,34 F CFA par kilogramme. Au total, sur la quantité totale de matière commandée pour une campagne réussie, c’est une subvention d’un montant de près de 7 milliards de F CFA que le gouvernement apporte, pour conforter les importateurs et distributeurs d’intrants. Un tel acte du gouvernement, quand on le regarde avec des œillères, ne manque nullement de charme aux yeux du plus crédible des Béninois. Cependant, beaucoup de questions restent à élucider au contribuable béninois.

Des points d’ombre
D’abord, quand on fait le point, le poids de la subvention accordée aux importateurs et distributeurs d’intrants est de 30% environ. Ensuite, quand on prend en compte la subvention de 111,34 F CFA accordée par le gouvernement, le prix de cession des engrais revient à 346 F CFA. La question que se pose alors le contribuable est de savoir comment le Bénin, un pays côtier peut accepter un prix si fort ? Qu’en est-il de ce prix dans les pays enclavés ? Dans ces conditions, quels sont alors les éléments d’appréciations sur la base desquels le gouvernement a dû accepter une telle offre qu’il est actuellement obligé de subventionner ? Afin de permettre au contribuable béninois d’analyser la pertinence de son action envers ces opérateurs économiques, le gouvernement devrait nous avoir préalablement fixés sur le prix proposé par ceux-ci, ce prix qui leur a justement permis de gagner l’appel d’offres. Cela nous paraît évidemment très important pour apprécier le sérieux de l’offre faite par eux et qui leur a permis d’être adjudicataires de l’appel d’offres relatif à la campagne cotonnière en cours.
Le contribuable béninois est aussi préoccupé de connaître les raisons qui ont pu motiver le choix du gouvernement de supporter à cette hauteur des charges relatives aux opérations d’importation et de distribution des intrants.
Nous ne devons pas oublier en effet que c’est dans le contexte d’un appel d’offres que ces distributeurs ont été exclusivement retenus pour importer les intrants nécessaires pour la campagne cotonnière 2008-2009. Nous devons aussi avoir présent à l’esprit que dans cette course pour gagner ce marché des intrants, d’autres sociétés ont été éliminées, surtout en raison des prix qu’ils ont offerts. De ce point de vue, les informations relatives au prix de cession proposé par l’actuel adjudicataire qui se trouve être en même temps et curieusement bénéficiaire de la subvention du gouvernement, peut nous permettre de vérifier si l’offre faite par celui-ci pour gagner l’appel d’offre n’avait pas tout simplement pour objectif d’écarter les autres concurrents de la course.

Une subvention forcée
Par ailleurs, tout se passe comme si à un moment donné du processus d’approvisionnement des producteurs en intrants agricoles, le gouvernement a remis en cause les accords conclus dans le cadre de l’appel d’offre afférents audit processus, faisant du coup des autres sociétés prétendues défaillantes, des victimes. Si l’on suppose que dans le cadre du présent processus d’approvisionnement en intrants agricoles, des raisons objectives ont pu justifier la révision à la hausse du prix proposé par l’actuel adjudicataire ce qui pourrait représenter un prétexte valable pour justifier la subvention dont est question, on se demande si le gouvernement devrait décider proprio mutu de procéder à une subvention ? N’avait-il pas la possibilité de déclarer simplement infructueux le précédent appel d’offres et de procéder à une reprise du processus ?
Sur tout un autre plan, à supposer même que les prix des matières premières aient augmenté sur le marché international et que le fournisseur de l’actuel adjudicataire doive se rétracter (ce qui juridiquement resterait à prouver par ailleurs), la différence de 7 milliards nous paraît tout de même trop élevée. En effet, nous devons admettre que l’opérateur économique qui a annoncé un prix dans le cadre d’un appel d’offre a dû jouer, non seulement sur les impondérables, mais a également prévu une certaine marge de manœuvre susceptible de le mettre à l’abri des conséquences d’une fluctuation éventuelle du marché ! Toujours est-il que nous ne devons pas perdre de vue que c’est le contribuable béninois qui supporte la charge représentée par la présente subvention. De ce point de vue, faire supporter une telle charge au contribuable nous paraît excessif, sauf à l’Etat de nous faire les clarifications qui s’imposent. A cet égard, la représentation nationale doit jouer pleinement son rôle et doit pouvoir faire l’écho des préoccupations du contribuable que nous sommes.
Les questions liées à la commercialisation du coton dans notre pays sont des questions de gros intérêts. Mais cet état de chose ne doit pas justifier que dans la recherche de la sauvegarde de ces intérêts, le peuple soit mis en minorité. En cela, la grande responsabilité dont doit faire preuve le gouvernement l’oblige à ne pas donner l’impression à une frange de citoyens d’être marginalisée au profit d’une minorité.

Georges Akpo


27/05/2008
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