"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Un système sanitaire Béninois aux confins de l’absurdité :

Combattre les racines du mal...

La corruption est un mal aussi bien du point de vue moral que de celui économique, mais elle est davantage nocive quand elle gangrène le secteur de la santé. Or, au vu et au su de tout le monde, le système sanitaire béninois actuel est en train de se transformer en un véritable fertilisant du sol de la corruption en ceci qu’il est dangereusement hybride : le public y côtoie le privé ou pire, le privé se pratique dans le public. Ce qui se passe aujourd’hui dans les hôpitaux du pays est à la fois déontologiquement répugnant et médicalement catastrophique : des médecins officiant dans le public, rémunérés donc par l’État, s’arrogent le privilège d’officier en même temps dans le privé avec des histoires de cliniques privées dont les contours sont totalement nébuleux.

L’État Béninois se fait déposséder chaque jour davantage de son droit légitime de tirer profit de l’expertise des fils du pays dont la formation a pourtant beaucoup coûté aux contribuables béninois. Si quelques Béninois éduqués, instruits, formés et façonnés par les soins des maigres ressources de leur pays ne sont pas capables de faire preuve d’aucune résolution de patriotisme et décident souverainement de s’exiler pour aller troquer leur savoir faire ailleurs, il ne sert à rien de chercher à tout prix à les retenir contre leur volonté. L’un des grands obstacles à l’essor économique et à l’unité politique de l’Afrique est que nous avons tendance à confondre libéralisme, égoïsme et anarchisme. Beaucoup de Béninois considèrent encore le sacrifice pour le bien public comme un symptôme de déraison. Soit. Ainsi, l’égoïsme outrancier qui régit la conduite actuelle de beaucoup d’agents de santé publique condamne à l’échec tous les «efforts» déjà insignifiants de l’État pour redresser le secteur archi moribond de la santé publique. Si j’étais parlementaire j’emploierais toutes les forces de mon âme à d’abord légiférer de manière plus pointilleuse sur le statut des agents de la santé en vue de mieux assainir le secteur et ensuite, je proposerais l’érection d’une commission d’enquête sur non seulement la prolifération des cliniques privées tenues par des médecins officiant dans le public, mais aussi sur l’état de délabrement moral très avancé que connaît ce secteur. Les populations sont déjà épuisées par la lutte qu’elles mènent quotidiennement pour s’assurer les différents repas journaliers. La moindre des choses pour un gouvernement responsable est de s’atteler à les préserver d’un système sanitaire qui laisse la porte ouverte à des méthodes de concupiscence très néfastes pour la prise en change sanitaire. Certaines lenteurs dans les consultations et dans la prise en charge des patients dans les hôpitaux du pays ne sont pas gratuites : tout ceci entre dans une stratégie de décourager les clients du secteur public pour les orienter indirectement vers le secteur privé, principalement celui géré par les mêmes médecins. L’appétit du gain est, sans nul doute, la plus grande source de malheur pour une société. Le grand Sophocle faisait remarquer dans ce sens que : «jamais n’a grandi chez les hommes pire institution que l’argent. C’est l’argent, poursuit Sophocle, qui détruit les États ; c’est lui qui chasse les citoyens de leur maison ; c’est lui dont les leçons vont séduisant les cœurs honnêtes, leur font embrasser l’infamie. Il leur enseigne tous les crimes, il leur apprend l’impiété qui ose tout». Si les médias, au lieu de passer leurs temps à lécher les bottes au Président de la République, pouvaient aller dans les couloirs des hôpitaux et dans les cabinets de consultation pour voir et montrer ce qui s’y passe réellement, les Béninois se rendraient compte que même s’il y a quelques individualités dévouées et honnêtes dans le secteur de la santé, il y en a - et c'est malheureusement la majorité - qui sont en réalité de vils «quarens quem devoret», c’est-à-dire, des «cherche-quoi-dévorer».

Mais lorsque dans une société humaine la vertu et la déontologie sont universellement bafouées et violées sans scrupule, personne ne doit s’étonner à ce qu’une telle société soit quotidiennement et perpétuellement rongée par la misère et le malaise généralisés. Le statut hybride du Centre National Hospitalier et Universitaire (CNHU) (actuel Centre hospitalier Hubert Maga) est une absurdité. Le laisser aller qui s’y constate ainsi que celui qui se constate dans les hôpitaux départementaux ne peuvent plus perdurer : il faut plus de rigueur dans l’administration des hôpitaux ainsi que dans le contrôle de la prestation des agents de santé. Il faut, peut-être, instituer des primes exceptionnelles de rendement et de performance strictement allouées aux agents dont l’abnégation et la conscience professionnelle peuvent servir de référence. Le contribuable béninois mérite bien plus que le service qui lui est réservé actuellement dans les hôpitaux du pays : car en plus de la cherté des médicaments, il est astreint à supporter les contrecoups des manœuvres ignominieuses de certains irrespectueux agents de la santé publique. Nous osons espérer que nos remarques ne manqueront pas de soulever au moins un débat sur la qualité des prestations de service dans le domaine de la santé publique.



regardsurlebenin@gmail.com -
http://www.regard-benin.blogspot.com



01/10/2007
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