"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

ON DIT CROIX DU SUD, ET VOUS PENSEZ ASTROLOGIE ? VOUS AVEZ TORT !

AU BENIN, IL S'AGIT D'UNE BRADERIE…

Chronique de TLF du 24/09/07


N'allez surtout pas croire que je suis devenu ardent syndicaliste, quand vous lirez la déclaration qui va suivre. Je ne fais en fait que prêter ma plume aux travailleurs de l'Hôtel Croix du Sud, pour faire lire à nouveau aux uns et aux autres leur déclaration du jeudi 20 septembre dernier, leur déclaration – de guerre, si on peut dire – à leur ministre de tutelle, le sieur Soumanou Toléba. Citation donc :
 Considérant que la restructuration du secteur du tourisme et de
Ø l'hôtellerie est depuis quelques années indispensable pour un Bénin émergent ;
 Considérant que depuis l'avènement du gouvernement du docteur Yayi
Ø Boni, il a toujours eu la volonté déclarée d'associer le personnel de l'Hôtel Croix du Sud à la reprise du processus de la cession ;
 Considérant que depuis janvier 2007, les travailleurs s'attendaient à
Ø une invitation de la part des autorités en charge du dossier de cession de l'Hôtel Croix du Sud ;
 Considérant que suite aux rencontres des 15 et 19 juin 2007, la
Ø délégation du gouvernement a refusé de livrer le plan social du personnel de l'hôtel prévu après la cession de notre outil de travail ;
 Considérant qu'à la rencontre du 07 septembre 2007, la question du
Ø volet social a été relégué au second plan par le ministre Délégué chargé du Budget, le ministre de la Fonction publique et le ministre de la Culture de l'Artisanat et du Tourisme et que jusqu'à présent, elle n'a pas été débattue avec les travailleurs de l'Hôtel Croix du Sud ;

 Considérant que le ministre de la Culture de l'Artisanat et duØ Tourisme nous a mis devant le fait accompli, par la fameuse cérémonie de « Remise de chèque certifié d'un montant de trois milliards de francs CFA le 03 septembre 2007 » ;
Nous, travailleurs de l'Hôtel Croix du Sud réunis,
1 – Condamnons la gestion opaque et solitaire du processus de la cession de notre outil de travail par le ministre de la Culture, de l'Artisanat et du Tourisme, monsieur Toléba Souleymane Seybou ;
2 – Rejetons la cession gré à gré de notre outil de travail ;
3 – Exigeons la reprise du contrat de cession entre l'Etat béninois et la partie libyenne, par le lancement d'un APPEL D'OFFRE INTERNATIONAL en bonne et due forme, comme le prévoit la constitution de la République du Bénin ;
4 – Exigeons la publication du contrat de cession entre l'Etat béninois et la partie libyenne ;
5 – Exigeons le règlement de nos droits acquis et un dédommagement consistant des fruits de la vente de notre outil de travail, comme le prévoient les textes du B.I.T., allant de 15 à 20% du prix de la vente ;
6 – Exigeons la garantie écrite de l'emploi du personnel, signée par les deux parties, avant et après la reconstruction de l'hôtel ;
7 – Exigeons le relèvement pur et simple, dans les 24 heures, de madame Tchaou A. Colette, de son poste d'Administrateur provisoire ;
8 – Exigeons la nomination, dans les 24 heures, d'un liquidateur pour la reprise en main des archives de l'Hôtel Croix du Sud depuis 1963 jusqu'à nos jours, pour le compte de l'Etat et le suivi de la carrière du personnel ;
9 – Exigeons la vérification par l'Inspection Générale d'Etat, de la gestion provisoire de madame Tchaou A. Colette.
10 – Exigeons l'indemnisation consistante des agents qui, pour cause d'âge et de santé, souhaiteraient jouir de leur retraite ;
11 – Réaffirmons notre disponibilité au dialogue et souhaitons l'implication du chef de l'Etat, le Dr Yayi Boni dans ce processus, afin d'éviter des grincements de dents.
Président Yayi Boni, les travailleurs de l'Hôtel Croix du Sud vous appellent au secours. Nous comptons sur votre engagement patriotique et votre sens de responsabilité.
Cotonou, le 21 septembre 2007.
Le Bureau syndical de l'Hôtel Croix du Sud.

Il faut dire que pour faire cette déclaration martiale, les travailleurs de la Croix du Sud s'étaient vêtus de noir des pieds à la tête, démonstration funèbre qui, visiblement, déstabilisa monsieur le ministre de tutelle. D'où le ton mesuré, pacifique et conciliant qu'il adopta pour répondre aux hôteliers. Un ton qui, m'a-t-on dit, n'avait plus rien de commun avec le ton suffisant, méprisant à la limite, qu'il avait adopté à l'une de leurs rencontres auparavant. Mais bon, soyons indulgents : entre le ton qu'avait pu utiliser monsieur le ministre pour s'adresser, entre quatre murs, à des syndicalistes isolés, et le ton qu'il ne pouvait pas ne pas utiliser au dehors, face à des travailleurs regroupés, habillés de noirs et sur pied de guerre, il doit y avoir un léger décalage.
Il faut quand même dire que le jeune Toléba avait, comme disent nos frères Ivoiriens, cherché palabre. La suite des événements, les jours prochains, nous permettra peut être de savoir le pourquoi du comment, mais j'avoue n'avoir pas très bien compris pourquoi il avait cru pouvoir conduire le dossier comme il l'avait fait. Il le sait pourtant, ce jeune homme, que les Béninois ont désormais trouvé l'arme fatale contre les abus et injustices dont ils s'estiment victimes. Cette arme fatale a pour nom Boni Yayi. Depuis l'avènement du changement, on ne compte plus dans le pays, les situations qui n'ont trouvé leur dénouement qu'après des appels au secours adressés depuis la rue, par des manifestations tapageuses, au président de la République.
C'est pourquoi, quand vous avez lu tous les « considérant » que j'ai cités tout à l'heure, vous ne pouvez être que perplexes, comme moi, face à la conduite du jeune ministre dans ce dossier.
Cependant, ce sont les exigences des hôteliers, suite logique des « considérant » qui sont révélateurs des impairs commis par l'imprudent ministre. Revisitons, si vous le voulez, lesdites exigences, et vous verrez qu'effectivement, le jeune Soumanou Toléba a cherché palabre. Hélas ! pour lui, au Bénin, c'est comme en Côte d'Ivoire : qui cherche, trouve.
Ainsi, les points 1, 2, 3 et 4 des exigences sont sans ambiguïtés : halte à la gestion opaque et solitaire du dossier ! Non à la cession gré à gré de l'outil de travail ! Par conséquent, il faut que le contrat de cession entre les parties béninoise et libyenne soit repris, ou même que soit carrément lancé un appel d'offre international, en bonne et due forme. Ou alors, que soit faite la publication du contrat de cession entre l'Etat béninois et la partie libyenne. Pas moins !
Au point 6, les hôteliers exigent une garantie de l'emploi du personnel avant et après la reconstruction de l'hôtel, garantie signée par les deux parties béninoise et libyenne.
Il faut dire que ces hôteliers méfiants ont des raisons d'être si tatillons quant aux garanties : les premiers actes posés par les repreneurs libyens sont en effet assez inquiétants. Ces gens-là, tout ce qui ressemble à un syndicaliste ou à un délégué du personnel semble leur donner de l'urticaire. Pire, considérant sans doute que l'espace de l'hôtel est devenu territoire libyen, ils s'opposent fermement à ce que les employés béninois continuent d'y monter le drapeau béninois. On a du mal à le croire ! On a d'autant plus de mal à le croire que l'espace de l'hôtel est, paraît-il, sur le même titre foncier que l'espace qu'occupe la Présidence de la République. Si les Libyens, qui ne sont pas à une outrance près, considèrent dès à présent l'hôtel qu'ils ont acheté, comme une enclave diplomatique libyenne où des Béninois ne peuvent plus monter les couleurs nationales de leur pays, avouez que ça promet pour la suite !…
Le point 7, que je me permets de vous retranscrire en intégralité est assez intéressant : « Exigeons le relèvement pur et simple, dans les 24 heures, de madame Tchaou A. Colette, de son poste d'Administrateur provisoire. »
Ce point 7 est assez intéressant, ai-je dit, parce que c'est une exigence qui paraît excessive : 24 heures pour faire déguerpir une dame ! Comme a dit un insolent : « Hôteliers, et la galanterie, bordel !… »
Le problème, c'est que quand on vous raconte certains exploits de la dame, vous comprenez mieux le radicalisme des travailleurs. Un radicalisme qui vient d'ailleurs de très loin puisque depuis l'entrée de leur outil de travail dans le patrimoine de l'Etat, celui-ci, sans y avoir jamais envoyé le moindre sou de subvention, y a toujours envoyé des fonctionnaires comme administrateurs ; des fonctionnaires qui s'appliquent à appliquer à fond l'adage selon lequel « qui travaille à l'hôtel vit de l'hôtel. »
Mais tant que la chose restait dans les limites du supportable, les hôteliers contenait leur radicalisme. Or, avec dame Tchaou, ce n'est pas à fond que l'adage est appliqué, mais à mort. Ainsi, non contente de gagner un salaire de fonctionnaire international, madame ne se gène guère pour emmener régulièrement chez elle des vivres de l'hôtel : poulets, conserves, vins fins, boissons alcoolisées et autres menus produits d'entretien.
C'est pourtant cette personne à l'intégrité, disons, défaillante que les Libyens ont conservé à la tête de l'hôtel, pour sa gérance. C'est d'ailleurs sûrement ce maintien à ce poste inexplicable, qui explique que dans leur point 8, les travailleurs ont exigé la nomination, dans les 24 heures, d'un liquidateur pour la reprise en main des archives de l'hôtel depuis 1963 jusqu'à nos jours, pour le compte de l'Etat et le suivi de la carrière du personnel. Ils pensent sans doute, ces soupçonneux, que si c'est dame Tchaou qui, pour le compte des Libyens, va avoir la haute main sur les archives vieilles de quarante quatre ans de leur outil de travail, il va y avoir pour eux du sport et pour l'hôtel, péril en la demeure.
Leur point 9 enfonce d'ailleurs et le clou, et dame Tchaou puisqu'il exige, citation : «La vérification, par l'Inspection Générale d'Etat, de la gestion provisoire de madame Tchaou A. Colette. » Fin de citation.
C'est pourtant un autre point, le point 11 qui risque d'enfoncer le jeune ministre. Les hôteliers y réaffirment leur disponibilité au dialogue, et souhaitent l'implication du chef de l'Etat dans le processus afin, disent-ils, d'éviter des grincements de dents. Ils n'ont d'ailleurs pas manqué de terminer leur déclaration par l'appel aux vertus désormais magiques au Bénin, l'appel au chef de l'Etat, citation : « Président Yayi Boni, les travailleurs de l'Hôtel Croix du Sud vous appellent au secours. Nous comptons sur votre engagement patriotique et votre sens de responsabilité. » Fin de citation.
Ca y est ! ils ont sorti l'arme fatale. Combien voulez-vous parier, citoyens, que Boni Yayi va les recevoir incessamment, et qu'il va désavouer son ministre qui, vous l'imaginez, n'a sûrement pas passé un week-end de toute sérénité et de tout repos.
Bien fait pour lui ! C'est lui-même qui a cherché palabre. Et au Bénin comme en Côte d'Ivoire, qui cherche palabre, trouve wahala !…
C'est ce que je crois.
T.L.F



27/09/2007
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 1346 autres membres