Le football béninois malmené par ses dirigeants
In le Matinal[29 novembre 2007]
La saison 2006-2007 a été marquée par plusieurs évènements tristes en passant par les difficultés rencontrées par l'instance nationale pour désigner l'équipe championne, les dysfonctionnements internes au comité exécutif et une cacophonie incroyable en présence des plus hautes autorités du pays lors de la finale de coupe du Bénin. Des faits qui prouvent que le football béninois a encore du chemin à faire. ...
C'est une certitude. Le football béninois est désormais à la croisée des chemins. La saison 2006-2007 a été celle de tous les maux. Une saison qui a permis au public sportif béninois de se rendre compte de la vraie santé du sport roi marqué par les errements des responsables et une vieille méthode de travail. Les 34 journées du championnat national de football ont été ainsi marquées par de nombreuses situations qui méritent d'être dénoncées aux Béninois qui s'apprêtent à faire le déplacement de Sékondi pour pousser leur équipe nationale à l'occasion de la Coupe d'Afrique des nations (Can Ghana 2008). Ce public ne croit plus en effet au football national. Les deux raisons qui les amènent désormais à remplir le stade sont les Ecureuils et la présence du président de la République, le Docteur Yayi Boni. A part ces deux facteurs, vous ne verrez personne au stade lors du championnat. Le record est peut-être de 50 spectateurs y compris les vendeuses qui opèrent sur place. Les supporters n'ont plus envie de faire le déplacement pour suivre des rencontres insipides et marquées surtout par des passes imprécises et une condition physique des joueurs qui laisse à désirer. Ils sont soumis à un rythme infernal qui ne leur permet pas de développer leur jeu comme il se doit. Trois matchs au programme par semaine au Bénin. Cela sort de l'ordinaire. Même en Europe où le football est développé, on joue une fois dans la semaine et au plus deux fois si le club participe à une coupe d'Europe. Mais au Bénin, comme les dirigeants du football aiment lancer tardivement la saison, ils ne peuvent que faire des calendriers d'enfer. Ainsi, les joueurs sont envoyés au purgatoire par ces responsables qui n'ont peut être jamais touché au ballon dans leur vie. Et après pour faire le bilan, on commence par tourner en rond soit pour avantager X soit pour culpabiliser Y de n'avoir pas fait partie de la mafia. Ils mettent donc le temps qu'ils veulent pour donner le verdict d'une saison bien truquée sur le terrain. C'est encore le cas de celle qui vient de prendre fin. Une saison marquée par des truquages bien orchestrés par le bureau fédéral en commun accord avec des arbitres qui ne font que signer par cette manière leur arrêt. La preuve, le seul crédible aujourd'hui c'est bel et bien Bonaventure Coffi Codjia. Et du fait de sa probité, ce dernier est souvent écarté.
L'arbitrage, une plaie à soigner
Il faut tout simplement reconnaître que les arbitres béninois ont encore du chemin à faire. Ils sont souvent menacés du fait de certaines décisions que le public n'apprécie pas. On leur reproche d'être au cœur de la mafia du football béninois. Certains ont même été molestés et giflés. D'aucuns diront que c'est mérité. Car le football est un jeu et il faut être impartial sur le terrain. La commission centrale d'arbitrage (Cca) de la Fédération béninoise de football (Fbf) a été plusieurs fois pointée du doigt. Certains arbitres ont même la particularité d'être souvent repêchés pour officier des matchs dans l'intérêt d'un quelconque membre de la Fbf qui voudrait bien que son équipe fasse une bonne saison. Il faudra forcément une formation continue pour certains arbitres désormais limités. Et Bonaventure Coffi Codjia doit être associé pour que le Bénin présente une nouvelle image au plan continental.
Trois mois pour connaître le champion
C'est bien au Bénin que ça se passe. Le championnat national de football, qui a pris fin le 12 août 2007, n'a consacré son champion que le 13 novembre. Soit exactement trois mois et un jour. Cela témoigne parfaitement l'état du football béninois. Les dirigeants fédéraux, englués dans des querelles sans fondement, ont passé tout le temps à errer parce que le club champion, Tonnerre de Bohicon ne fait pas le jeu de la Fédération. Et c'est malgré eux qu'ils ont été contraints de donner la décision qui consacre les joueurs de Bohicon. Dans un pays qui se respecte, on ne peut pas gérer un sport de cette manière. Au Bénin, les responsables ont cette sale habitude de désigner un champion dans les bureaux alors que le titre se joue sur le terrain. Magouille, intrigue et injustice sont donc de mise à la Fédération béninoise de football (Fbf). Et même pour sauver un quidam on préfère sacrifier les plus délaissés. L'équipe d'Espoir de Savalou, reléguée en 2è division, vient de subir la loi des plus puissants au dépens d'Avrankou Omnisport bien soutenu par le comité exécutif. Le triste feuilleton du football béninois se poursuit avec les tractations de dernière heure pour donner les résultats de la saison 2006-2007 de football. L'excellence étant totalement foulée au pied à la Fbf, on préfère maintenant s'en prendre aux petits poucets. C'est ainsi que l'équipe d'Avrankou Omnisport a été sauvée d'une relégation pourtant évidente à l'issue de la saison. Pour avoir été bien protégé par un membre influent de la Fédération qui en est d'ailleurs le président, les supporters du club d'Avrankou peuvent garder le sourire aux lèvres. « Si mon club descend en 2è division, le bureau exécutif de la Fbf sera cassé », aurait révélé ce membre du comité exécutif le mardi 13 novembre 2007 au siège de la Fédération. Ce responsable n'a pas accepté que son équipe descende en 2è division et a amené les autres membres du bureau à faire son jeu. Et comme ils sont aussi complaisants dans leur gestion, ils ont tout simplement décidé de sacrifier l'équipe d'Espoir de Savalou. Cette dernière ne pourra certainement rien faire puisqu'elle ne peut compter sur aucun membre de la Fbf. Des indiscrétions font croire que c'est l'équipe des Dragons qui a porté des réserves qui ont permis à Avrankou de s'en sortir. Mais ce qu'ils oublient c'est que les combines sont possibles. D'ailleurs aucune preuve n'a été exhibée. La presse a eu l'information dans les coulisses. Et ce qui étonne c'est que les responsables n'ont pas daigné produire des documents officiels à envoyer aux clubs pour les informer. Ils attendent toujours que les acteurs grognent pour prendre les décisions. Comment comprendre que l'équipe d'Avrankou qui comptait 22 points et qui était en dernière position remonte aussi facilement à la 15è place avec 33 points ? Au lieu de s'occuper de leurs clubs, certains responsables ont passé leur temps dans les avions. C'est ce qui explique d'ailleurs les multiples reports de la délibération. Dans les autres pays, à la fin du championnat, la meilleure équipe jubile sur le terrain. Mais au Bénin c'est à partir de ce moment que les calculs commencent.
La Ccrps dans le rouge
Les membres de la Commission centrale des règlements, pénalités et sanctions (Ccrps) ont encore montré leur limite lors de la saison 2006-2007. Incapable de produire des fiches de match et les procès verbaux d'homologation, cette commission n'a pas été en mesure de donner des résultats convaincants. Les membres ne peuvent même pas homologuer un match dans un bref délai. Ils mettent trop de temps pour le faire. Cette commission a même été désavouée par la Fédération qui avait déjà balayé son résultat à l'issue des travaux. La Ccrps n'a pas le poids nécessaire pour faire le travail et manque d'arguments pour convaincre la Fédération. Les membres de cette commission n'ont même pas à leur disposition les matériels pour réussir leur mission et n'ont visiblement plus les moyens pour réussir. Son président, Bruno Didavi en est bien conscient. Lui qui n'aurait pas voulu retoucher au classement proposé par sa commission. Mais il était bien seul dans sa logique de transparence. Les autres étant acquis à la cause d'Avrankou qui doit selon eux jouer en 1ère division la saison prochaine. C'est ce qui explique d'ailleurs les longues tractations du mardi 13 novembre 2007 au siège de la Fbf. La Ccrps n'existe que de nom et les membres doivent démissionner pour se refaire une nouvelle santé.
Une finale de la coupe du Bénin à oublier
C'est encore un autre spectacle de mauvais goût. D'abord, la finale a été reportée deux fois de suite sans raison valable. Et le jeudi 15 novembre 2007, choisi pour ce match a été marqué par des incidents déplorables et une organisation bâclée par des responsables qui n'ont même pas daigné se présenter. Certains se sont faits tout simplement attendre. La preuve, un membre très influent du bureau fédéral ne s'est présenté qu'après 30 minutes de jeu alors que les ministres des Sports et de l'enseignement supérieur, le recteur de l'Université d'Abomey-Calavi (Uac), le directeur général du Centre national des œuvres universitaires (Cenou) et le président de l'Association sportive Oussou Saka (Asos) de Porto-Novo s'étaient déjà installés. Triste n'est-ce pas ? Les patrons du football qui s'amènent comme un roi. En ce moment c'est un autre spectacle désolant que les supporters d'Asos ont offert. L'arbitre, Crespin Aguidissou a même reçu à la tête un projectile à la mi-temps. Une pause qui va durer une heure. Du jamais vu. Au Bénin, il faut visiblement s'attendre à tout. Le ministre des Sports, Galiou Soglo a été contraint de descendre dans les vestiaires pour discuter avec le corps arbitral qui a réclamé la sécurité avant de continuer. Et ce n'est qu'après cela qu'un certain responsable de la Fédération est aussi descendu. Ceci pour ne rien faire puisque déjà devancé par le ministre qui a décanté la situation. Et même s'il a tenté de se montrer comme étant un responsable sérieux, le public a compris que c'est une farce. Les autorités fédérales doivent avoir honte. C'est une scène qu'on n'espère plus vivre.
La qualification des Ecureuils en question
Les Ecureuils ont peut être réalisé l'exploit de la qualification pour la Can Ghana 2008. Mais cela fait partie déjà des évènements du passé. En plus, cette qualification c'est l'arbre qui cache la forêt. Le Bénin n'avait jusque là rien prouvé. Et les joueurs, qui ont réussi cette performance, évoluent tous à l'extérieur du pays et sont déjà proches de la fin de leur cycle. C'est en plus une génération spontanée que le Bénin va perdre dans les prochains mois car on ne pense jamais à la relève. Les autorités béninoises prennent cette victoire comme une réussite à fêter pendant une période illimitée. Elles doivent d'ores et déjà oublier ce fait pour penser à la préparation de l'équipe. Les vrais acteurs n'ont jamais fait de tapage. C'est donc les menus fretins qui s'agitent. L'entraîneur Edmé Codjo qui a commencé la campagne avec les Ecureuils, l'ex-ministre des Sports, Théophile Montcho, l'entraîneur Wabi Gomez, et les joueurs ont été pour beaucoup dans cette qualification. Mais ils ne font pas de bruit pour se signaler. Pour rappel, c'est le ministre Montcho qui été le premier à démanteler le réseau mafieux de la Fbf en exigeant en commun accord avec le gouvernement le recrutement d'un entraîneur national pour mettre fin au processus de recrutement de Didier Notheaux. Les Ecureuils doivent réussir. Il faut un vrai sérieux dans l'organisation sinon le Bénin ne pourra rien prouver au Ghana en janvier prochain. Les débâcles enregistrées dans les matchs amicaux de préparation doivent servir de baromètre à l'équipe toujours limitée. Certains joueurs ne parviennent pas à demeurer constants dans leur prestation et ne doivent pas être surpris de ne pas faire le déplacement de Sékondi.
Epiphane Axel Bognanho