Écrit par La Nouvelle Tribune du 12/12/2007
La procédure toujours viciée
La saisine du procureur de la République près le tribunal de première instance de Cotonou des dossiers de malversation n’est
pas faite dans les règles de l’art. Trop d’irrégularités, tant de fond
que de forme, ont entaché la procédure par laquelle celui-ci a été
saisi, si bien qu’il est à craindre que les poursuites ne soient jamais enclenchées.
La
mise en œuvre des poursuites judiciaires contre les personnes mises en
cause dans divers dossiers de malversation n’est pas pour demain,
contrairement aux déclarations tonitruantes d’une certaine société
civile puissamment relayée par une certaine presse. Et ce ne sera pas,disons le tout net, contrairement
aux déclarations des mêmes personnes , par la faute de la justice ,
livrée pour ainsi dire à la vindicte populaire, mais celle du gouvernement lui-même qui se refuse , selon des sources concordantes, à respecter intégralement la procédure de saisine.
C’est vrai, le gouvernement a saisi
le parquet de Cotonou aux fins de poursuites dans le cadre de certains
dossiers de malversations, comme l’a affirmé Jean-Baptiste Elias,
président de l’Observatoire de lutte contre la corruption(Olc) ,
dimanche dernier sur l’émission Ma part de vérité de Golfe Tv . Et le
ministre Cassa n’en a pas dit moins, lundi dernier lors du débat public
organisé par le gouvernement à l’occasion de la deuxième édition de la
journée nationale de lutte contre la corruption. Seulement, là où le
bat blesse, c’est que la manière dont le procureur de la République a été
saisi n’est pas conforme à la procédure habituelle, ce qui de sources
bien informées, empêche ce dernier d’enclencher la procédure de
poursuite, comme l’a écrit une certaine presse
dans son édition d’hier mardi. En effet, il ressort de certaines
indiscrétions, proches du ministère de la justice que la correspondance
adressée au procureur général près le parquet comporte plusieurs
anomalies de forme et de fond. D’abord les anomalies sont liées à la
forme de la correspondance instruisant le procureur général d’engager
des poursuites judiciaires contre les personnes mises en cause dans les
dossiers de malversations. On y lie en effet en objet ce qui est
mentionné en pièces jointes (pj) : « transmission copie du rapport de
vérification de la gestion administrative, comptable, financière et
matérielle de la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee) », alors qu’on aurait pu annoncer directement les poursuites judiciaires
. En outre, dans la même correspondance, il a été demandé au procureur
général d’engager des poursuites contre les personnes mises en cause.
Ce qui est anormal. Car, en fait, ce n’est pas le procureur général qui
engage les poursuites judiciaires, mais plutôt le procureur de la République. Par conséquent, la bonne formulation devait être de demander au procureur général de faire engager et non d’engager des poursuites contre les personnes mises en cause.
Par ailleurs, et c’est là que se situent les graves anomalies de fond, d’autres indiscrétions distillées par des sources proches du ministère de la justice et de la présidence de la République et corroborées par des informations recueillies
au parquet indiquent que les rapports de l’Inspection général d’Etat
(Ige), pour ce qui concerne le dossier Sbee, ou ceux des différentes
commissions diligentées par le chef de l’Etat dans des structures comme
la commission de régulation des marchés publics sur lesquels le
procureur de la République devait se pencher pour engager les poursuites
ne lui seraient pas encore parvenus. A en croire ces sources, celui-ci
n’aurait reçu jusque- là que des relevés de conseils de ministres, appuyés quelquefois par des communications du chef de l’Etat , des pièces comptables relatives à trois ou quatre années de gestion ,
qui ne le renseignent pas sur grand-chose mais point de rapport
d’enquête. Or, d’après les mêmes sources, le procureur ne peut
véritablement mettre en branle la procédure que s’il dispose de tous
les éléments nécessaires. Ces mêmes sources rappellent que dans le dossier des malversations impliquant les haut gradés de la
police, le procureur de la république a bel et bien reçu tous les
éléments du dossier à commencer par le fameux rapport Danon, du
nom de ce commissaire de la police qui a dirigé l’enquête
administrative. Des informations qui viennent battre brèche les
affirmations du ministre de la justice et de Jean-Baptiste Elias, (dans
un rôle qu’on ne lui connaît pas), informations selon lesquelles tout
le nécessaire serait déjà à la disposition du parquet, et que la balle
ne se trouve que dans son camp.
Où
se trouve donc la vérité ? Pour éclairer l’opinion sur la réalité des
chose, il est vivement souhaité que le gouvernement apporte les preuves
de ses allégations ou que le procureur se prononce et dise aux Béninois
ce qu’il a reçu et n’a pas reçu.
Fausse alerte !
L’annonce par un canard hier mardi du démarrage « des auditions judiciaires » dans le dossier des malversations commises à la Société béninoise d’énergie électrique (Sbee) n’est qu’une fausse alerte. C’est
ce qu’il convient de rétablir après les recoupements d’informations et
autres vérifications que nous avons effectués toute la journée du mardi
aussi bien dans les milieux judiciaires que celui de la police
judiciaire. Il ressort de nos recoupements que contrairement à
l’assurance que donnent des milieux proches du pouvoir, tous les
éléments en sont même pas encore transmis à la justice pour l’ouverture
d’une information judiciaire. La grossierté de ladite annonce est par ailleurs si établie que le ministre de la Justice,
Gustave Anani Cassa a lui-même reconnu 24 heures plus tôt soit
exactement le lundi autour de 13 heures qu’aucun juge ni officier de
police judiciaire n’avait encore été instruit pour des enquêtes
préliminaires sur le dossier. Cette annonce donc de démarrage
d’auditions judiciaires qui se révèle fausse amène à s’interroger
davantage sur le jeu du gouvernement dans la gestion de ce dossier sur
lequel le peuple attend d’apprécier la bonne foi du chef de l’Etat et
la sincérité de son engagement à combattre véritablement la corruption
et l’impunité au Bénin.
Ludovic D. Guédénon
Alain C.Assogba