"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

AFFAIRE SBEE

Lutte réelle contre l'impunité ou cri populiste pour la corruption?

Des doigts accusateurs sont pointés. Cependant, les épisodes connus jusque-là sur des dossiers du genre amènent à se demander s'il s'agit encore de populisme contre la corruption ou d'une lutte tranchée contre l'impunité.

 

Après les marches vertes, il faut maintenant lutter contre l'impunité de manière constante et minutieuse. Dans ce dossier de la SBEE, le constat du conseil des ministres est amer. «Complaisance, laxisme, affairisme, distribution abusive de primes, manque de rigueur dans la gestion de la trésorerie, fractionnements abusifs et fantaisistes des commandes, passations de marchés en violation des procédures légales et réglementaires, locations fantaisistes tous azimuts d'immeubles jamais occupés mais payés par la SBEE…» Ce sont là quelques faits relevés par le conseil extraordinaire des ministres du 10 novembre dernier, évoquant les graves irrégularités, malversations, prévarications avérées et crimes économiques constatés à la Société Béninoise d'Energie Electrique (SBEE) par le rapport de l'Inspection générale d'Etat (IGE) sur la période du 1er janvier 2006 au 30 juillet 2007. 18 personnes dont deux députés de la législation en cours, anciens DG de la SBEE, et un ancien ministre, sont tenues responsables de la situation. Pour ces deux députés, madame Célestine Adjanohoun et Luc da Matha Sant'Anna, le conseil des ministres a recommandé la saisine, par le président de la République, du président de l'Assemblée nationale aux fins de la levée de l'immunité parlementaire qui permettra la poursuite des concernés. Quant à l'ex-ministre Kamarou Fassassi, gérant le département des Mines et de l'Energie au moment des faits, le conseil a recommandé la saisine du président de l'Assemblée nationale par le chef de l'Etat aux fins de sa mise en accusation devant la Haute Cour de Justice, conformément aux procédures légales appropriées. Bien mieux que les marches vertes, Boni Yayi a franchi une étape importante dans sa volonté de combattre la mauvaise gouvernance, en demandant la levée de l'immunité de deux personnalités de sa famille politique. En procédant de la sorte, le président de la République a osé. Il a osé citer 18 noms de présumés coupables de la déliquescence de cette société. L'initiative est louable. Mais quelle chance a-t-elle d'aboutir ? Tout le problème est là. Les rapports d'audits de plus de 8.000 pages ont épinglé plusieurs personnalités sans qu'on ne sache à ce jour ce qu'on en a fait. Un diplomate a été accusé récemment dans une affaire scandaleuse, sans suite. Le dossier Sonacop est là avec toutes les complicités et complexités, sans résultat. Où en est-on réellement avec ce dossier ? Mystère.

Dans l'affaire SBEE, il faut aller cette fois-ci jusqu'au bout tout en respectant la personne des mis en cause. Il ne faut surtout pas laisser l'affaire SBEE au jugement populaire qui se consacre en rumeurs et en diffamations sur des personnes de notoriété publique sans que la justice ait délibéré sur les faits d'accusation et que surtout les torts soient redressés. Ce dossier mérite d'être géré avec méthode et munitie car les erreurs à coup sûr seront à l'avantage des incriminés. Et là-dessus, matière reste à s'inquiéter. Deux mis en cause, les notaires Yacoub Latoundji et Jean-Jacques Gbèdo ont déjà clamé haut et fort leur innocence à travers une conférence de presse qu'ils ont animée, le 12 novembre, au lendemain de la publication du communiqué du conseil des ministres. D'autres, à tort ou à raison, leur ont emboîté le pas, comme par le passé dans le dossier des audits.

Il faut donc recentrer le débat sur la lutte contre la corruption. Et de ce point de vue, il convient de chercher à lutter de manière plus méthodique et concertée contre l'impunité. On a cité des noms pour des malversations à la SBEE, certes. Mais au fond la solution est simple : passer à la lutte contre l'impunité. Que dans les dossiers de malversations, à commencer par celui de la SBEE, justice soit rendue de manière exemplaire et que les coupables soient réellement punis. Car la lutte contre la corruption semble être une lutte sans issue. La vraie lutte consiste, dans un Etat de droit, à situer les responsabilités, à dire le droit et à faire rendre gorge aux coupables. Et avec les polémiques de procédure chaque fois ouvertes par le gouvernement, l'on est loin d'en arriver là. Pour y arriver, toutes les institutions de la République devraient travailler en synergie tout en sachant au préalable ce qui est du ressort de chaque institution afin d'éviter les pièges du populisme de courte vue.

 

Alain Sessou

Bimensuel Catholique de Doctrine et d'Information



24/01/2008
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