"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Au Bénin

Un gouvernement de curares ?

In le Matinal-3 juillet 2008
Je n’ai pas l’habitude des grands mots. Mais, dans certaines situations bien précises on est obligé d’y recourir, parce qu’on ne trouve pas d’autres mots plus indiqués, capables de transmettre ses propres ressentiments. Un curare ? C’est une substance organique, d’origine végétale. Autrefois utilisé comme poison, aujourd’hui, il intervient en médecine contre certains tétanos graves. Sa spécialité ? Il peut bloquer temporairement la plaque neuromusculaire, facilitant ainsi le traitement d’un tétanos grave. Sa dangerosité ? En cas d’abus, il entraîne une paralysie généralisée,…la mort.

La comparaison avec le gouvernement Yayi ? Très simple : C’est un gouvernement qui prend des mesures économiques, temporairement salvatrices, mais qui, à la longue, se transforment en catastrophes économiques. « Gouverner, c’est prévoir », aimait à répéter le président Soglo. En lieu et place de vaccins (mesures préventives), le gouvernement s’est spécialisé en administrateur de sérums (mesures curatives). Dépassant totalement la dose, mettant dangereusement le pays en péril économique. Je laisse les autres errements économiques pour m’intéresser au plus actuel : le blocage des prix des produits de première nécessité depuis environ trois mois. Ce qui a coûté une bagatelle d’environ 80 milliards. Un luxe dont on pouvait se passer. Car, au moment où les autres gouvernements ont laissé le marché se réajuster, bravant les troubles sociaux, le nôtre s’est comporté en Père Noël. La raison avancée ? Les élections municipales que la Fcbe n’aimerait pas perdre. Et elle les a perdues. Conséquence, l’Etat se retrouve avec quatre-vingts milliards gaspillés pour revenir trois mois plus tard sur le point de départ. Où sont passés les quatre-vingts milliards ? Dans la poche des commerçants véreux. Ils ont profité de la détaxation pour faire des stocks importants. Attendant le moment où l’Etat cessera de subventionner pour vendre. Ce faisant, ils gagnent à tous les coups. De gros bénéfices. Ceux qui ont construit les villas de la Cen-sad savent de quoi je parle. On leur a permis d’importer du fer sans taxes. Ils ont affrété des bateaux remplis de fer qu’ils ont déversé sur le marché… Au nom de la Cen-Sad.

Quand la politique prime sur l’économie, on aboutit forcément à des situations de ce genre. Ce qui ne devrait pas être le cas. On a un président Docteur en économie. On a un ministre des Finances. Dans le gouvernement, on a un certain Koupaki (ancien Directeur de Cabinet de Ouattara), cadre émérite dont la compétence dépasse nos frontières. On a aussi un conseiller débarqué de la Bceao. La cellule macro-économique est dans les mains du seul agrégé en économie que nous avons : Géro Amoussouga. Alors, qu’est-ce qui se passe ? Comment peut-on réunir tous ces « cerveaux » pour aboutir à ce résultat ? Pourquoi bloquer les prix des produits de première nécessité, à coup de quatre-vingts milliards pour revenir à la case de départ ? Et gare à vous messieurs, si vous me dites que « c’est parce que les Chinois mangent maintenant trois fois par jour » qu’il y a crise. Surtout pas ça. Et même dans ce cas, vous auriez pu nous dire de manger une fois par jour pour compenser ce déficit créé par les Chinois. On aurait pu économiser ces 80 milliards pour les investir dans de vrais projets réducteurs de pauvreté !!!

Fin de l’Etat-providence ?

En droit constitutionnel, on nous apprend que l’Etat-providence est un Etat qui a un rôle d’assistance particulièrement important. L’Etat-providence se donne le pouvoir d’intervenir dans l’économie comme bon lui semble, « …de fournir une protection sociale aux citoyens, et de corriger les injustices sociales résultant de l’économie de marché ». C’est la négation de l’Etat-gendarme qui se limite aux fonctions régaliennes : police, armée et justice. En définitive, l’Etat providence est la négation même de l’économie de marché. Dans les années soixante, la plupart des pays africains ont adopté l’Etat-providence : Guinée, Angola, Congo, Algérie,… Tous ont échoué lamentablement.

Au Bénin, le vocable n’est pas nouveau. Les révolutionnaires des années soixante quinze ont voulu nous faire croire à un pays où « il fera bon vivre pour chacun et pour tous ». Un véritable Etat providentiel s’est installé et cherchait même à savoir comment chaque Béninois prenait son déjeuner. Toutes les sociétés ont été nationalisées. L’Etat fixait les prix, réglémentait le marché. L’Etat choisissait ce que le bon révolutionnaire devait manger et ce qu’il ne devait pas. Résultat en 1989 : toutes les sociétés d’Etat ont fait faillite. Les Banques (Bcb, Bbd…) ont fermé leur porte. Plus d’un an de salaires dus aux fonctionnaires et une économie en déconfiture totale. Le dirigisme économique n’a jamais fait du bien à un pays. Cet Etat, disait de Tocqueville, « se veut si bienveillant envers ses citoyens, qu’il entend se substituer à eux dans l’organisation de leur propre vie ».

Même la Chine, dernier rempart du communisme mondial, n’en veut plus. Kadhafi qui fait aujourd’hui la grande gueule à travers l’Afrique avec son machin de Cen-Sad est un adepte de l’Etat-providence. Mais tous ceux qui sont allés en Libye savent que les Libyens vivent mal. Très mal. On ne saurait même pas parler de pauvres. Ils sont pratiquement des mendiants. Malgré leur pétrole. Pourtant le Libyen ne connaît pas de taxes. L’Etat fait tout à sa place et, en définitive, ne fait… rien. Aujourd’hui, au Bénin, après vingt ans d’errements socialistes, on retombe dans les mêmes travers. Le président Boni Yayi, devrait savoir, comme Corneille, que « le pire des Etats, c’est l’Etat populaire ». Aujourd’hui au Bénin, qu’est ce qui n’est pas subventionné ? Je me le demande. Le ciment est subventionné. Le pétrole l’est depuis deux…ans. Les intrants agricoles sont subventionnés. Le fer à béton aussi. Les produits de première nécessité sont subventionnés. Riz, sucre, lait, tomates…L’Etat intervient sur tout. L’Etat fixe les prix de tout. Sur le plan de la santé, les soins sont gratuits de 0 à 5 ans. Mêmes nos libidos sont subventionnées à travers la césarienne qui est décrétée gratuite. Les lits conjugaux sont en attente d’être subventionnés. Matelas, oreillers…capotes !!! Sur le plan de l’éducation, l’école primaire est dite gratuite même si les enfants continuent de payer pour aller aux toilettes à Houéyiho. Celle maternelle complètement gratuite. Les frais d’inscription sont supprimés dans les universités. Les femmes ont-elles marché ? Micro crédits. Plus d’une dizaine de milliards tous les ans. A Porto-Novo, milliards. A Cotonou, milliards. A Abomey, milliards. Milliards, milliards, milliards… !!! Mêmes les artisans ont le milliard.

Grands Dieux : quelle économie peut supporter de telles contraintes ? Nous n’avons ni pétrole, ni or, ni diamant. Le budget est essentiellement fiscal. Par quelle alchimie tenir toutes ces promesses ? C’est vrai, le président Yayi Boni a fait l’option d’écouter le peuple. Mais il doit éviter de chercher à plaire à tout prix au peuple. « Je ne connais pas le secret du succès, mais, je puis vous indiquer le chemin de l’échec : essayer de plaire à tout le monde », disait déjà Voltaire, il y a plus de deux siècles. Le dirigisme économique ne paye plus. C’est démodé. L’Etat-providence a montré toutes ses faiblesses. Il faut l’oublier. Trop d’interventions tue l’économie. Enfin le gouvernement actuel devrait écrire cette pensée de deTocqueville en lettres d’or, à l’entrée de la salle du conseil des Ministres : « le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui ».

 

Charles Toko



04/07/2008
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