"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Chronique:

Le temps de la résistance


17-06-2008

Il attendait le droit et voici l'iniquité, la justice et voici les cris. Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, qui joignent champ à champ jusqu'à ne plus laisser de place et rester seuls habitants au milieu du pays.
ISAIE 5.7,8
Vincent Foly m'a rappelé à mon engagement et il a raison. Ces quatre dernières semaines, en effet, je me suis tu.
Par honte d'avoir échoué. Révolté de ne pas avoir été entendu dans ce qui me paraissait évident déjà, mais que j'ai décidé de souligner à trois reprises successives au risque de paraître radoteur : la situation sociale au Bénin se détériore plus que jamais. Les récentes élections municipales et leurs conséquences dangereuses n'en sont qu'un reflet. La crise d'intelligence qu'elles frisent participe de la même catégorie de nuisance. A tout prendre en compte, il y a certainement là une conspiration contre le peuple qu'il ne convient plus seulement de dénoncer, mais de déjouer. Je veux dire qu'il est temps maintenant d'entrer en résistance, que si nous ne savons plus ce que nous souhaitions, les faits et la vie de tous les jours nous indiquent au moins désormais ce qui ne nous arrange pas.


Premièrement, que cela plaise ou non, Monsieur Boni Yayi est un être humain. Doté d'intelligence comme tout autre, mais aussi, pareillement, de la capacité de se tromper. Pour l'instant, les événements ne nous indiquent que cette dernière faculté. Mais pour l'instant aussi, la racaille opportuniste s'est frayée un redoutable chemin d'assouvissement à travers une propagande douteuse pour lui faire croire que ses erreurs et ses mauvaises directives ne dérangent personne. Toutefois l'histoire est têtue et les résultats des dernières élections auraient dus être perçus comme un indicateur. Mais là aussi, la réaction enregistrée est peu rassurante sur l'amour effectif de la classe dirigeante pour ce peuple.

En 1990, je publiais dans la revue littéraire de l'Université d'Ohio, avec Guy Ossito Midiohouan, un article sur les relations entre le pouvoir politique et la création artistique au Togo. Nous y remarquions comment, grâce à une propagande officielle, la mythopolitique a induit la population dans une espèce d'asservissement dont les schèmes pouvaient s'étendre jusque dans la créativité, jusque dans le droit à une autonomie organisationnelle, jusque dans le silence sur sa propre faim. En analysant les proto mouvements de rébellion intellectuelle qui agissaient déjà en sourdine, nous avions anticipé la longue et malheureuse crise qui devrait paralyser ensuite, pendant une quinzaine d'années ce charmant pays. Les séquelles frappent encore nos cousins de là-bas et voici le moment pour nous de glisser sur une piste similaire. Je veux dire que pour illustrer cette analyse, nous nous étions reposés essentiellement sur trois publications de propagandes en une vingtaine d'années de pouvoir et que, ici, aujourd'hui, en à peine deux ans, nous avons déjà battu ce record, sans compter les quelques manuscrits sur lesquels il m'a été humblement demandé de réagir.


Deuxièmement, et je me répète, Monsieur Yayi Boni est le président de la République. Cela veut dire qu'en tout temps et en tout lieu, il agit et s'exprime en mon nom. Et que j'ai le droit, aujourd'hui ou demain, de lui demander des comptes sur ce qu'il a fait en mon nom. Qu'aujourd'hui ou demain, je le tiens comme unique responsable de ce que disent et font les flagorneurs qu'il tolère dans son giron, comme unique responsable de la faim de mon peuple qui, soyons sérieux, n'est pas que le fait de la vie chère, mais plus généralement le fait que certaines crapules croient et agissent comme si nos ressources communes étaient leur dénier personnel, en toute impunité.


Troisièmement, même ce type de pagaille, nous ne l'aurions pas inventé. Il n'y a aucune raison que les mêmes causes, dans les mêmes conditions ne produisent pas les mêmes effets. J'entends qu'il est temps de revenir sur les mauvais pas. Que le chef de l'Etat veuille être seul maître à bord, je le consens. Qu'il décide de ne pas associer les politiciens à sa gestion, cela se comprend. Mais qu'il ramasse des individus sans scrupule pour faire pire, là, il y a quelque chose de fâcheux que le peuple auquel j'appartiens aussi s'apprête à dégurgiter.

Camille Amouro



18/06/2008
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