"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Economie

Le débat interdit du franc CFA

Chère Dida,

La dégringolade persistante du dollar s'explique par le déséquilibre de la balance des paiements américains et la crise du crédit qui secoue les Etats-Unis. Cette situation, engendre des dégâts collatéraux extrêmement fâcheux, sur les économies déjà fragiles des pays de la zone franc CFA.
La parité fixe entre l'euro et le franc CFA en est la cause. Dans cette correspondance, j'explique en quoi ce système de change porte en lui, les germes du sous développement de nos pays.

Le débat sur l'avenir du franc CFA est un débat interdit. Les intellectuels et surtout les hommes politiques Africains n'en veulent pas. Ils préfèrent le confort du statut quo et la politique de l'autruche, à l'âpreté d'un débat nécessaire et incontournable, devant débouché sur des décisions courageuses, responsables et salvatrices. Preuve en est, leur silence coupable, face à la situation extrêmement alarmante du dollar, vis-à-vis de l'euro et par ricochet, du franc CFA.

En effet, le mutisme des dirigeants des 14 pays de la zone franc CFA, contraste fortement avec les inquiétudes et préoccupations clairement exprimées par les dirigeants européens, réunis le mois dernier à Bruxelles, sur l'envolée de l'euro face au billet vert. Et pour cause, les Européens sont unanimes à reconnaître l'impact négatif de cette situation sur leurs exportations et, se disent prêts à agir.

Pourtant, si l'accès de faiblesse du dollar menace l'économie européenne, elle menace aussi et plus que jamais, les économies africaines de la zone franc CFA à travers : la baisse de leurs recettes d'exportation issues des matières premières, la hausse de leurs importations, l'accentuation du déséquilibre de leurs balances des paiements, la perte de compétitivité et in fine, une surévaluation de faite de leur devise commune – le franc CFA.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, tôt ou tard une correction devra se faire. Dans le cas du franc CFA, et en l'absence d'un mécanisme de change flottant, la dévaluation apparaîtra encore une fois inéluctable. Encore une fois, elle sera justifiée, mais injuste car, brutale, autoritaire, sans concertation et arbitraire.
Encore une fois, elle dévaluera sans commune mesure le travail des 120 millions d'habitants de la zone. Elle piétinera sans retenue aucune, leurs durs labeurs, avec le sentiment proclamé d'un service rendu.

En vérité, le silence des dirigeants africains dans le contexte actuel, est l'aveu d'un échec et d'une impuissance. Car, ils savent mieux que quiconque que c'est la Banque Centrale Européenne (BCE) qui détermine l'orientation de la politique monétaire au sein de la zone franc CFA. Et c'est justement là que réside la grande aberration.

En effet, l'objectif de la BCE est la lutte contre l'inflation qui passe par le relèvement de ses taux. La hausse de l'inflation en zone euro – 3.3% en février – présage de la poursuite par la BCE d'une politique monétaire restrictive.
Le problème vient du fait que des taux élevés en zone euro, entraîne de facto des taux élevés en zone franc CFA, avec comme conséquences : le renchérissement du coût du crédit, lequel freine les investissements, pénalise la production, assomme la croissance et retarde le développement économique et social dans l'ensemble de la zone franc CFA.

Cette situation inique et unique au monde, n'a que trop perduré. Comment accepter encore longtemps, qu'une politique monétaire définie à Francfort par la BCE, sans la moindre prise en compte de la situation économique réelle de la zone franc CFA, s'applique dans cette zone, avec les conséquences néfastes et prévisibles que l'on sait ?!
J'entends encore résonner l'absurdité du raisonnement de certains, consistant à dire que ce système monétaire « colonial » nous préserve de l'inflation. Mais à quel prix ? Est-ce l'aveu que nous ne sommes pas assez responsables pour gérer notre monnaie ? !

L'affaiblissement du dollar aggrave le déséquilibre de la balance des paiements des pays de la zone franc CFA, présage d'un ajustement brutal au travers d'une dévaluation cynique, si rien n'est fait. Il met en lumière, l'incongruité du système de change fixe entre l'euro et le franc CFA. Sur ce point, le débat jusque là interdit doit avoir lieu.

L'instauration d'un système de change flottant entre le franc CFA et un panier de monnaies composé de l'euro et du dollar, permettra d'amortir les chocs monétaires et contribuera sans aucun doute, au développement des pays de la zone franc CFA. Telle est ma conviction profonde que je développerai vendredi prochain.
D'ici là, portes-toi bien.

Par Edgard VODOUHE
Professeur de Finance, Université Paris 12
Spécialiste de la Gestion alternative
Risk Manager, Luxembourg
In optioninfo.com



05/04/2008
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