Enlèvement, tous azimuts des conseillers communaux:
Hold-up sur la volonté des populations
27
mai 2008
Il est un fait au Bénin que la politique est un jeu
hautement prisé par tous. Et comme les règles de ce jeu ne sont jamais
clairement définies, chacun y va de sa technique. Mais le procédé actuellement
en voie de généralisation, qui consiste à « enlever » des élus du peuple pour
s’assurer leurs voix, est à tout point de vue dangereux pour la pérennisation du
jeu démocratique et de l’esprit de la décentralisation.
Les nouvelles sont des plus alarmantes, mais dans l’indifférence presque totale. Ici c’est une quinzaine, ailleurs c’est trois, autrefois c’était une dizaine. Des conseillers communaux disparaissent de leur domicile, de leurs lieux de travail et parfois de leur localité à la suite des élections. Pour l’heure, cela ne concerne que les élections communales et locales, et ceci semble ne pas beaucoup émouvoir les responsables politiques, ni les autorités politico administratives du pays. Mais il faut craindre que la situation ne se généralise et que l’on ne tombe dans des travers. En effet, il y a cinq ans environ, on a soupçonné l’actuel député Rachidi Gbadamassi d’avoir « séquestré » dans un cadre bien doré hors du Bénin, une dizaine de conseillers communaux de la ville de Parakou pour avoir la mairie de la cité des Koburu. La pratique a fort bien marché pour l’ancien maire de Parakou. Mais le président Mathieu Kérékou avait en son temps dénoncé la chose, sous des airs moqueurs qu’on lui connaît. Le Général Kérékou avait dénoncé le hold-up électoral que les politiciens organisent sur le dos des populations. Aujourd’hui, la technique de Rachidi Gbadamassi fait école. A Savalou, c’est Edgar Alia, politicien et élu du peuple qu’on accuse d’avoir « enlevé » une quinzaine de personnes, élus communaux qu’il « garde » avec lui quelque part sur la planète, et ce n’est pas peu dire, pour être sûr de gagner la mairie de Savalou. Et comme il n’y a jamais deux sans trois, dans la ville de Zè, la presse signale aussi la disparition de trois conseillers déclarés élus par la Cena. La chose a paru bien singulière en 2002 lorsqu’elle a été portée à la connaissance de tous. Mais aujourd’hui, il semble qu’elle se banalise, ce qui est justement inquiétant pour la démocratie béninoise, et pour l’esprit de la décentralisation. Car, où se trouve donc l’esprit démocratique du jeu politique, lorsque l’on conditionne des individus, une fois élus par le peuple, pour qu’ils donnent leurs voix à un homme de main choisi par un chef politique ? Que dire du comportement des élus qui choisissent de se faire « conditionner » et qui font ainsi un hold-up sur les ambitions du peuple en « vendant » leur mandat contre des privilèges pécuniaires qu’on leur miroite ? Il y a là une dérive patente de l’intelligence démocratique. Et quand on affirme qu’à Savalou un homme politique garde par devers lui, des enseignants et un médecin anesthésiste qui ont délaissé leur emploi à des fins ainsi purement égoïstes, le citoyen béninois s’offusque : peut-on ainsi mettre en péril la vie des populations, au nom d’une soi-disant politique orientée vers leur bien-être ? Beaucoup de populations avaient misé au début du processus de la décentralisation, sur ce sentier pour sortir leur localité de la paupérisation de laquelle le pouvoir central ne pouvait les sortir. Aujourd’hui, par leurs pratiques peu orthodoxes, il est clair que les politiciens mettent peu à peu en péril la décentralisation et prennent en otage de ce côté aussi, la liberté des citoyens.
Craindre des dérives autodestructrices…
Il est une phrase qui circule bien actuellement au niveau de la classe politique nationale. C’est celle qui consiste à dire qu’ « on sait quand ça commence mais on ne sait quand ça finit » en parlant des dérives de la démocratie qui pourrait conduire au pire. Au sujet de la technique de disparition des conseillers communaux, la même phrase pourrait seoir. On « enlève » aujourd’hui des conseillers, peut-être cette fois-ci en leur promettant de l’argent et en leur faisant miroiter des merveilles. Mais que se passera-t-il lorsque les politiciens moins fortunés voudront aussi se garantir des votes ? Il faut craindre que prochainement en effet, l’on kidnappe des individus pour de vrai. Il faut craindre qu’au-delà des conseillers, l’on enlève désormais des probables députés, des probables présidents de la République, et que de mécontentement en exacerbation, on en arrive à se méfier les uns des autres, que de simples individus ne soient plus disposés à se présenter aux élections. De là au pire, le pas est vite franchi. Pour l’heure, il faut s’attendre à ce que dans les prochaines semaines, des conseillers communaux se livrent des guerres intestines dans plusieurs localités du pays. Il faut s’attendre à ce que plusieurs maires soient destitués par la suite lorsque les populations auront constaté qu’on leur a volé leur réel maire. Et avec tout cela, il faut craindre que la deuxième phase de la décentralisation soit mal réussie au Bénin. Un autre pas en arrière dans le processus d’émergence du pays.
Askanda Bachabi
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