"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

FLAMBÉE DES PRIX DANS LES MARCHÉS DU BÉNIN


Commerçants et clients entre déprime et désespoir
   
     

         In L'autre quotidien

     A Cotonou, la hausse vertigineuse qui gagne les prix des denrées de première nécessité est en train de précariser davantage la vie dans les ménages. Une inflation sans précédent qui impose aux familles, un flirt constant avec l’extrême pauvreté.     

   Quand manger à sa faim, boire à sa soif et dormir de son paisible sommeil deviennent un luxe qui échappe à la majorité de la population, il saute alors aux yeux que les droits les plus élémentaires de la personne humaine sont ainsi piétinés. A Cotonou, les prix des denrées de première nécessité sont en train d’évoluer du simple au double. Huile, poissons, crevettes, conserves, viande, sucre, maïs pour ne citer que ces produits échappent progressivement à la bourse du citoyen moyen. 11 heures dans le marché de St Michel à Cotonou. Le soleil est au zénith, et malgré son ardeur, l’astre diurne qui darde ses rayons sur le cuir chevelu des cotonois ne semble guère perturber les ménagères et autres dames qui se faufilent allégrement entre les étals de ce grand marché, beaucoup moins grand que Dantokpa, l’un des plus immenses de la sous région. La quête méticuleuse des éternelles denrées nécessaires à la préparation du repas quotidien semble être l’unique source de préoccupation de ces dames, qui se promènent d’étalages en étalages, à la recherche de la commerçante la moins disante sur le produit de leur choix. Voilà près d’une heure que Sidonie, ménagère habitant Jéricho est à la recherche des légumes et autres épices devant l’aider dans la préparation de la soupe familiale. Avec 3500 Fcfa, elle n’arrive toujours pas à boucler ses achats, la hausse des prix des denrées dépassant tout entendement. Malgré tous les marchandages, les négociations à la limite de la supplique, Sidonie ne parvient toujours pas à arracher à la vendeuse, le bout de viande pourtant indispensable à sa sauce. Après plus de 30 minutes d’intense marchandage, elle réussit, non sans peine à s’adjuger le kilogramme de la viande de boeuf avec os à 1700 Fcfa, alors qu’elle prenait cette même quantité à 1300 F à peine une semaine auparavant. Devant l’étalage d’huile, elle bute une fois de plus contre l’obstacle ‘’prix’’. En quelques jours, le prix du litre d’huile d’arachide est passé de 750 à 850 Fcfa, l’huile de palme vendu jusqu’à une date récente à 500 Fcfa est passé à 900, voire 1200 francs pour celle qui filtrée et qui est communément appelée ‘’Zomi’’. Face aux prix des épices et autres condiments, Sidonie comprend qu’elle n’est pas au bout de ses peines. Elle rechigne longtemps devant les quatre crevettes fumées - pas plus grosses que le pouce de sa main - que la vendeuse s’apprête à lui vendre à 250 Fcfa. Elle pense qu’en temps normal, ces quatre crevettes lui reviendraient à peine à 100 Cfa. D’un geste indolent, elle jette sur le panier de la vendeuse, l’équivalent numéraire du produit ainsi acheté. Alors qu’elle se prêtait jusque là à nos questions, elle regarde soudainement son poignet, lit sur le cadran de sa montre, douze heures, elle qui était dans ce marché depuis 9 heures. «J’espère que mon mari me comprendra» nous lance-t-elle, en se ruant vers le portail du marché. Dantokpa, Vodjè, St Michel, Ganhi, Gbégamey, Wologuèdè Etc. aucun marché n’échappe à cette flambée des prix. Même les petits kiosques, les supérettes et autres boutiques installées au coin des rues connaissent la même situation. Partout, les prix du riz, de l’huile, de la farine, du pain et autres produits de consommation courante dépassent l’entendement des clients. Conséquence : les ménagères sont contraintes de faire des pieds et des mains pour s’en procurer.

    Le pouvoir interpellé

   Cette augmentation inconsidérée des prix du riz (plus de 150 FCfa sur le kilo), du lait en poudre qui est passé de 900 à 1500 FCfa, voire du pain dont les nouveaux prix affichent 165 FCfa pour la baguette dite de référence de 210 gr, est venu se greffer à la hausse des coûts du gaz butane, de la viande, des carburants et tout dernièrement de l’huile (350 FCfa sur le litre) pour précariser davantage les foyers. « Tous les produits ont augmenté de prix au même moment alors que nos maigres ressources ne parviennent même pas à couvrir toutes nos charges » se plaint une jeune femme, un panier presque vide à la main. « On n’en peut plus… Regardez toutes ces dames qui sont encore dans le marché alors que 13 heures vont bientôt sonner. Elles sont logées à la même enseigne que moi, obligées qu’elles sont de marchander sans répit pour acheter les condiments nécessaires à la préparation des repas ». Au même titre que leur clientèle, les vendeuses se plaignent de la mévente et de la cherté des produits auprès de leurs grossistes. Agathe Sènou, vendeuse de boîtes de conserve au marché Dantokpa exprime avec dépit ce ras-le-bol général. « Le calvaire que nous vivons avec ces hausses répétées des prix depuis plusieurs semaines dégrade sérieusement la qualité de vie dans nos familles. Autant nous avons des difficultés à nous approvisionner chez les grossistes, autant nos clients ont du mal à venir acheter nos produits aux prix majorés ». La conséquence, estime cette quadragénaire aux dents jaunies par les noix de kolas, c’est qu’il y a mévente généralisée». «Comment voulez-vous qu’on s’en sorte dans ces conditions ?» s’interroge-t-elle. Dans tous les marchés sillonnés, la sérénité ambiante se rompt brutalement une fois qu’on aborde la question relative à la hausse des prix des denrées de première nécessité. Le verbe sec et le ton très amer des femmes aussi bien vendeuses que clientes n’ont d’égal que le degré de leur exaspération. « Nous en avons marre…Marre de cette situation qui va de mal en pire». Elles pointent un doigt accusateur vers le pouvoir central, incapable selon elles de mettre en place une politique cohérente pour contenir cette flambée. Face à cette flambée généralisée, le gouvernement réfléchit-il aux diverses mesures d’allègement fiscal et autres subventions sur les produits alimentaires qui pourront alourdir en aval, le panier de la ménagère ? La suppression des droits de douane sur les produits de grande consommation et de la suppression de la Tva (taxe sur la valeur ajoutée) relative à la farine et au pain sont des pistes que le président Boni Yayi et son équipe doivent sonder pour circonscrire le renchérissement drastique de tous les produits à usage courant sans exclusive du pain, de l’huile, de la tomate, du sucre, du lait… et même de l’électricité et du gaz butane.

Rhétice Déogratias

 



02/11/2007
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