"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

HISTORIQUE DECLARATION de COTONOU


L’AUTRE QUOTIDIEN  - - 17 mars

Le régime entre l’écoute et la réplique

 

La déclaration de mercredi dernier provenait de quatre formations politiques dont trois (le Psd, la Rb et le Madep) sont issues de ce que l’on a appelé le groupe de Wologuèdè a la veille du second tour des élections présidentielles de 2006. Ce groupe –faut-il le rappeler, avait préféré porter son choix sur le candidat Boni Yayi en appelant ses électeurs à voter pour le candidat du changement, au lieu de le faire pour l’autre candidat, également mieux placé après les résultats du premier tour, Adrien Houngbédji. On suppose que cette décision a été prise, en toute liberté et en toute connaissance de cause. Si les raisons et les engagements supposés ou réellement conclus, qui les ont fondés à faire le choix de Yayi au lieu de Houngbédji leur semblent ne plus tenir la route, aujourd’hui, compte tenu des promesses qu’ils estiment que le pouvoir n’a pas tenues, il est tout à fait concevable qu’ils expriment leurs déceptions et leurs craintes. Parmi tous les reproches qu’ils ont faits, tout n’est pas totalement faux, même si on peut s’interroger sur les motivations profondes et politiciennes de certaines critiques concertant la gouvernance. Tout ne saurait être totalement faux, parce que comme on le dit souvent, il n’y a pas de fumée sans feu.. Aucun système n’est parfait et tout homme est perfectible quel que soit son génie ou sa baraka. C’est pour cette raison qu’au lendemain de la déclaration des quatre formations, les points de vue ne sont pas aussi unanimes sur les réactions et les répliques à apporter aux critiques de ceux que la presse qualifie, depuis la crise des désignations des représentants de l’Assemblée nationale à la Cena, de « minorité parlementaire ». Certains sont pondérés et pensent qu’il faudra prendre ces critiques aux mots, en prenant le temps de la réflexion sur les répliques à leur apporter : corriger le tir dans certains domaines, dialoguer, si cela est possible, mais ne pas céder sur l’essentiel pour ne pas fourvoyer les aspirations d’un grand nombre d’électeurs qui ont porté en avril 2006, leur choix sur un candidat qui promettait que « ça doit changer », et pour ne pas tendre la perche à ceux qui intimement refusent la nouvelle donne et rêveraient peut-être de l’inverser. La logique de tout pouvoir, fut-il de l’opposition, est la conquête ou la reconquête du pouvoir.

D’autres dans la mouvance présidentielle, pensent qu’il faudra être, ici et maintenant offensif, « démasquer » une opposition qui n’a pas voulu, depuis toujours, dire son nom et qui agirait comme un cheval de Troie, stratégiquement arrimée à la mouvance. Pour ces derniers, attendre trop serait laisser le temps aux adversaires -dont ils doutent de la sincérité de la démarche critique- d’imprimer à l’opinion publique la marque de la diabolisation du régime, de son président et de ses actions pour le changement. On notera que le hiatus entre ces deux conceptions a dû fortement temporiser les multiples mouvements massifs et spontanéistes des centaines de mouvements yayistes et les réactions officielles regroupées pour des répliques appropriées à la solennité populaire de la déclaration. Sans le savoir, la tension politique a lancé la campagne précocement, en dehors de délai légal. Mais le doute sur les motivations profondes de toutes les composantes politiques qui ont suscité ou organisé la déclaration de mercredi dernier, met une bonne partie des soutiens au chef de l’Etat dans l’attentisme. L’embarras se résume en ceci : d’une part, ne pas être trop réactif pour donner l’impression de panique du régime, d’autre part, être conscient que cette déclaration n’est pas naïve et neutre, surtout intervenant en pleine période électorale, et initiée par des formations politiques qui ne peuvent ne pas avoir un but politique à leur action. La motivation de tout parti politique étant la conquête ou la reconquête du pouvoir, quelle que soit la justesse de son discours et de ses observations. Ce doute sur les motivations profondes des auteurs de la déclaration et la volonté d’un certain nombre de mouvanciers de chercher une réponse adaptée et intelligente à « l’offensive » des quatre formations politiques a sans doute ralenti l’ardeur activistes des uns et des autres. Toutefois, il semble pour la plupart de ceux qui soutiennent le régime, qu’ils soient partisans de l’action réflexive mais vigilante ou partisans de l’activisme combattant, que le débat bien que profond est pour le moment électoraliste, et que les armes doivent être aussi électoralistes, défensives pour ne pas troubler l’électorat. Après les élections, il y aurait peut-être plus de sérénité, de clarté dans le paysage politique pour imaginer, en toute connaissance de cause, si le dialogue est possible, dans quelles conditions et pour quels objectifs politiques. Comme le rappelait Alexandre Hountondji, ce week-end, ces quatre formations ont bénéficié de places ministériels dans l’un ou l’autre des gouvernements formés par Boni Yayi depuis son investiture et ce n’est donc pas dans ce domaine de partage du pouvoir qu’ils auraient à se plaindre. Même s’il sied pour la gouvernance concertée de tendre une oreille attentive à leurs critiques, la question de confiance demeure entière pour les supporters du régime et s’articule autour de l’irréversibilité de la politique actuelle du changement qui impose des remises en ordre, des accélérations de l’action et du rythme que sans nul doute certains n’arrivent pas encore à suivre. Tout se jouera donc après les élections, et la précampagne risque d’être rude. Tout ce que le peuple souhaite c’est que les invectives ne prennent pas le chemin de la violence et des intimidations inutiles, des actions déstabilisatrices pour la démocratie béninoise.

Léon BRATHIER



17/03/2008
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