"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Municipales 2008 :

Les ministères bientôt au ralenti

Écrit par Le Matin du 21/02/2008

Le travail de marcheur

21 février

Arimi Choubadé

Profession, marcheur. Une nouvelle vocation mobilisatrice de milliers d’oisifs : jeunes déscolarisés, femmes au foyer, zémidjans, chômeurs. Il suffit d’accepter de s’exposer aux dards du soleil, quelques heures durant, scandant les slogans à la mode du changement et la pitance du jour vous est assurée. Les tarifs varient selon des considérations connues des seuls organisateurs – entre 1.000 et 3.000 f Cfa. Un butin de rêve pour des gens qui ne tiennent repas décents qu’après survenance d’un événement heureux dans leur misérable existence – un recrutement pour un meeting de remerciement ou une marche de soutien par exemple.

Les recruteurs sont désormais sûrs de ne jamais manquer de matières premières. Le régime du changement en fabrique à tout de bras chaque jour que Dieu fait. La première crue est intervenue au bout d’un mois de pouvoir. Yayi Boni prête serment en avril 2006 et dès mai 2006, près de 5.000 jeunes intervenant sur les parcs d’escorte de véhicule d’occasion se sont retrouvés dans la rue. Remplacés par des militaires émargeant déjà au budget national. Des fils du pays sevrés du minimum pendant qu’on offre à d’autres le privilège de renforcer leurs revenus initiaux. Formidable exemple de solidarité nationale.

L’avènement de l’arme politique inédite que constitue la pression fiscale n’a pas manqué de provoquer de redoutables conséquences. C’est ce régime qui a inventé le système d’opprobre collectif en diffusant dans les médias des noms d’opérateurs économiques au motif qu’ils seraient débiteurs de l’Etat. Après une publicité aussi malfaisante on se doute bien que certains partenaires pourraient perdre facilement confiance. Les dégâts de cette hérésie politico-administrative sont considérables. Il faut désormais aller chercher les clés de nombreuses entreprises sous le paillasson, et les ex-employés dans les pelotons de marche de soutien, de meetings de soutien et de séance de sensibilisation sur les bienfaits du président-dieu.

Autre redoutable instrument d’incitation à la faillite, la lutte contre la corruption. N’a-t-elle pas commencé par une retentissante marche dite verte du chef de l’Etat en personne ? Une fatwa présidentielle n’a pas tardé à frapper d’indignité la plupart des grosses fortunes du pays. La manœuvre consisterait à donner un coup d’arrêt à la circulation de l’argent sale au profit du seul argent de l’émergence. L’histoire ne nous dit pas si une machine à couper les billets de banque a été installée à la marina à l’arrivée du docteur-président-banquier. Toujours est-il que de nombreux pourvoyeurs d’emplois ont été réduits à leur plus simple expression à l’aide d’arrestations arbitraires, de vindictes injustifiées, d’accusations tendancieuses, de redressements fiscaux et de menaces en tout genre. Il ne reste qu’aux organisateurs de marche de s’essayer au recyclage de circonstance. Succès garanti.

L’âpreté de la crise d’oisiveté explique bien la malléabilité insoupçonnable des candidats aux marches de soutien. Indépendamment de toute conviction. Après près de 19 mois de chômage sauvage, un ex-employé de société d’escorte de véhicules d’occasion est prêt à laisser son épouse aller marcher de nuit, une lampe à la main à la gloire de celui qui a privé son mari de boulot. Il en est de même pour des élèves qu’on fait marcher en dénonciation de la grève des enseignants sous une pluie battante afin de leur permettre de pouvoir palper 50 fois l’argent de poche que les géniteurs ou tuteurs au chômage ne paient plus, de toutes les façons, depuis belle lurette.

Et puis tout le monde marche : le président de la République, le président de l’Assemblée nationale, les membres de la Haac, les ministres, les députés…La légende de la marche s’écrit irrésistiblement…



21/02/2008
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