"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Installation d’un comité de relecture de la Constitution


LE BENINOIS LIBERE  - - 27 février

Le consensus national est-il réuni ?

 

Que cache réellement l’initiative du chef de l’Etat de mettre sur pied un comité de relecture de la Constitution ? La question se pose tant le projet est entouré d’une nébuleuse susceptible de cacher les velléités les plus inavouables. Dans quel sens Boni Yayi veut amender la Constitution ? Pourquoi en ce moment où la fronde sociale est sans précédent, que se posent des questions sociales cruciales, que la vie devient de plus en plus chère ? Autant de questions qui illustrent le caractère suspect de la décision du chef de l’Etat car en l’état actuel des choses, aucunes dispositions de la Constitution n’empêche Boni Yayi d’être réélu. Que veut-il réellement alors qu’il n’est touché ni par la limite des mandats, ni par celle de l’âge ? On ne finira pas de spéculer sur cette démarche du chef de l’Etat. Mais au-delà des questions, ce qui est urgent d’entreprendre en ce moment, c’est une réflexion sur les intentions inavouées du chef de l’Etat. A cet effet, la réponse s’imposera tant elle semblera évidente à tous ceux qui s’adonneront à cet exercice. Après avoir cogité et aussi recueilli les informations auprès de certaines personnalités très proches de Boni Yayi, il ressort que les intentions de ce dernier sont des plus funestes pour la démocratie béninoise. De quoi en retourne-t-il exactement ?

Les intentions inavouées de Boni Yayi

Le président Boni Yayi ne veut rien d’autre que faire du pouvoir exécutif un pouvoir des plus puissants et des plus absolus. En d’autres termes, il veut réduire les autres institutions à la fonction d’appendice de l’Exécutif. Pour s’en convaincre, il faut savoir que Boni Yayi voit en les contre-pouvoirs que sont les autres institutions, des véritables gênes pour sa soif de pouvoir. Les députés du G13 et certains de la Fcbe sont en train d’afficher aujourd’hui une certaine indépendance vis-à-vis de Boni Yayi. Son homme de main Mathurin Nago est menacé de destitution. Les forces s’organisent à l’Assemblée nationale pour faire barrage à sa volonté de nommer par anticipation une partie des juges de la Cour constitutionnelle. La Haac s’oppose à sa volonté de mettre sous contrôle l’attribution des fréquences dont son gouvernement estime, dans une grande confusion et ignorance, que du fait qu’elles appartiennent à l’Etat, elles sont de ce fait la propriété du gouvernement si ce n’est celle de son chef, Boni Yayi. Les camouflets successifs par lui infligés par la Céna actuelle au cours des nominations des membres de son bureau. Autant de faits qui ‘’dérangent’’ le chef de l’Etat et qui le conduisent aujourd’hui à vouloir ruser dans le processus d’amendement de la Constitution qu’il a enclenché. Ce qui explique la raison pour laquelle toutes formes de participation populaire est jusqu’à présent inexistantes de ce processus.

Le précédent posé par la Cour constitutionnelle

A moins que la République toute entière ne soit frappée d’amnésie, il est fort peu douteux que les Béninois aient oublié de sitôt la célèbre décision de la Cour constitutionnelle qui invalidait l’amendement de la Constitution auquel avait procédé les députés de la 4ème législature pour proroger leur mandat. Pour mémoire, il faut rappeler que la Haute juridiction avait motivé sa décision en s’appuyant sur le fait que le consensus national qui avait présidé à l’élaboration de la Constitution était absent dans la démarche des députés. En nommant un comité de relecture de la Constitution pour fin d’amendement, le président de la République s’est-il inscrit dans la démarche prescrite par les Sages de la Cour constitutionnelle ? La réponse à cette question semble pour certaines raisons douteuses.

Le maquis procédural de Boni Yayi

D’abord, quelles sont les étapes successives qui semblent dicter l’initiative présidentielle ? Autrement dit, après le travail de cette commission quelle sera l’étape suivante devant aboutir à l’amendement proprement dit ? A cette interrogation, nul autre que l’intéressé ne peut apporter une réponse satisfaisante. Dans un contexte politique où le chef de l’Etat a déjà suffisamment affiché des velléités autoritaristes, il est légitime de soupçonner qu’une entourloupe est disséminée quelque part dans le processus que lui seul maîtrise.

Ensuite, il faut tenir compte de ce que dans sa décision, la Cour précisait qu’une majorité, fut-elle qualifiée, de députés ne suffisait pas à exprimer l’idée de consensus national dont elle faisait état. Dans le même ordre d’idées, si l’on devrait prendre en compte le fait que les résultats des travaux de cette commission serviraient de base à l’amendement, ces résultats suffisent-ils à exprimer l’idée de consensus ? La réponse là aussi est douteuse car ses membres ne peuvent se prévaloir d’aucune forme de légitimité émanant du peuple. Leur présence au sein de cette structure n’est que l’émanation de la seule volonté présidentielle. Aussi talentueux que peuvent être ses différents membres, il n’est pas sûr que leur opinion, qui ne sera au demeurant le reflet de leur science, soit celui du peuple pour la simple raison que dans leur méthode de travail, il n’est nulle part prévu de mécanismes permettant de recueillir les avis et opinions de tout un chacun sur la question.

Enfin, il semble nécessaire de rappeler ce pourquoi le peuple doit être associé tant à la validation, si celle-ci est prévue, qu’à la préparation d’un projet d’amendement de la loi fondamentale. La constitution est la traduction juridique du contrat social cher à Jean-Jacques Rousseau. Selon ce dernier, les hommes ont accepté librement de se déposséder d’une partie de leur liberté pour obéir à la loi qui est l’émanation de leur volonté. Toujours dans la vision du philosophe des Lumières, la souveraineté est populaire c’est à dire qu’elle appartient à chaque individu composant la Nation et celui-ci a le droit d’exercer librement cette souveraineté. Aussi, au regard de ses deux arguments, on comprend toute la justesse et l’à-propos de la décision de la Cour constitutionnelle quant elle parlait de consensus national. Au regard de la doctrine du contrat social en effet, si ce consensus est la base essentielle de la définition d’une nouvelle société politique, il apparaît primordial d’aller le rechercher, d’une manière ou d’une autre, pour apporter la moindre modification à la loi fondamentale.

Il apparaît au regard de tout ce qui précède de ne poser qu’une question toute simple au chef de l’Etat : à quel niveau et sous quelle forme monsieur le Président le peuple interviendra-t-il dans le débat de relecture de la Constitution ? A défaut d’obtenir une réponse claire, il convient maintenant de se mobiliser pour faire barrage à la mort de la démocratie programmée par Boni Yayi.

Marc ANTOINE



28/02/2008
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