"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Interview de Madame Edith Gasana, Représentant Résident du Pnud au Bénin :



« La gouvernance reste notre premier domaine d’intervention »

30 octobre 2007 –In la Presse du Jour

Au terme du septième forum sur la gouvernance à Ouagadougou le 26 octobre 2007, Madame Edith Gasana, Représentant Résident du Programme des Nations Unies pour le Développement au Bénin, a précisé quelques points forts de la rencontre. Elle estime qu’au nombre des bonnes pratiques à faire partager aux autres pays, le Bénin dispose d’expériences positives.

Madame la Représentante Résidente, quels diagnostics précis retenez-vous du 7 ème forum de Ouagadougou ?

Le 7ème forum sur la gouvernance en Afrique tenu à Ouagadougou sous le haut patronage effectif du Président Compaoré et le Président Paul Kagamé qui accueilli le 6ème forum est une bonne réussite en terme de rencontre, de participation et de débat. Le diagnostic que j’en fait c’est que clairement, les parties prenantes, tant les gouvernants que la société civile, la presse y étaient majoritairement. Et on peut dire que la question de gouvernance semble être intégrée par les différentes parties de la société africaine qui comprennent que sans la gouvernance, il n’y aura pas de développement, et que la gouvernance n’est pas une chose qui se limite simplement à la gestion de l’argent. Mais que c’est toute une forme de gestion politique, de développement économique et sociale, la construction de toute une nation, mais également l’édification de l’Etat. La compréhension que les gens ont de la bonne gouvernance aujourd’hui n’existait pas il y a quelques années où on ne comprenait pas bien cette notion qui est très large et qui va jusqu’au changement des mentalités, à l’éthique, à la citoyenneté, au patriotisme et qui dépasse la simple gestion des deniers de l’Etat.

Quels engagements positifs peuvent aider les Etats selon vous à renforcer leurs capacités dans ce domaine ?

Clairement pour avoir un Etat capable, ce qui était le thème du 7ème forum sur la gouvernance, il faut un renforcement des capacités institutionnelles et humaines au niveau de toutes les franges de la société. En ce qui concerne l’administration publique, il faut voir comment la réformer pour en faire une administration responsable, motivée et qui est au service du public, des citoyens. Comment la société civile doit jouer son rôle au niveau du contrôle citoyen, au niveau du dialogue et au niveau d’une pédagogie pour la gouvernance à tous les autres citoyens. Comment la presse peut travailler sur les questions de gouvernance, dénoncer mais tout en restant constructive ? Comment résoudre les situations difficiles pour ne pas tomber dans les crises politiques ? Comment renforcer nos systèmes électoraux ? Toutes ces questions ont été débattues et de manière très ciblée en déterminant les responsabilités des uns et des autres. Ce qui est très fort là-dessus, c’est que le renforcement des capacités ne se limite pas seulement à l’administration, aux fonctionnaires de l’Etat, mais il faut pousser le renforcement des capacités à tous les acteurs de la société, que ce soit le secteur privé, la société civile, les médias et que chacun puisse jouer sa partition pour que la gouvernance soit mieux comprise par tout le monde et soit effectivement un objectif à atteindre.

Le Pnud a appuyé financièrement le présent forum. Est-ce qu’au plan international, vous accompagnez toujours le renforcement des capacités ?

Oui, tout à fait. Quand le débat de la gouvernance est né, le Programme des Nations Unies pour le développement avec la Commission Economique pour l’Afrique (Cea) ont décidé d’amener cette réflexion au niveau des ces forums où nous en sommes au 7ème. Probablement dans une année ou deux, il y aura un autre forum, financé par le Pnud et la Cea, pour continuer à donner les formations maxima et à faire en sorte que les Africains eux-mêmes identifient les actions à mettre en place et pour lequel le Pnud s’est engagé à les accompagner. La gouvernance reste donc notre premier domaine d’intervention aujourd’hui, car il apparaît que les questions de renforcement de capacités dans tous les secteurs tant sur le plan institutionnel qu’humain est un élément important de la bonne gouvernance. Là où elles existent ou là où elles ne sont pas, il s’agira de voir comment les développer de manière à rendre ces capacités pérennes. Le deuxième domaine est que nous allons nous occuper de la durabilité de tout le système, c’est-à-dire les questions de l’environnement qui sont des questions très graves et si on ne joue pas sur cet angle, tout ce que nous sommes en train de faire peut être compromis. Nous n’oublions pas les questions de réduction de la pauvreté, mais la gouvernance reste centrale.

Le Président Paul Kagamé a développé des idées positives dont peuvent bénéficier d’autres pays. Peut-on en retenir quelques-unes ?

Je pense que c’est une question que vous auriez mieux fait d’adresser au Président Kagamé. Mais, ayant vécu et travaillé au Rwanda, je suis d’avis aussi en me basant sur les exemples qu’il a donnés d’ailleurs modestement en disant que chaque pays doit s’adapter, et qu’on ne peut pas prendre des modèles comme tels. Mais je pense qu’il y a beaucoup de choses à apprendre en matière de gouvernance au Rwanda. Je citerais surtout toutes les questions de participation de la femme. Je pense que c’est le premier pays au monde où le parlement est à égalité. La question de décentralisation, de déconcentration du pouvoir de la capitale vers les cinq régions et aussi vers les districts qui sont l’équivalent des communes ici au Bénin, c’est vraiment effectif. Le développement est planifié à la base et la partie centrale, c’est à- dire les ministères émettent les politiques et font la planification, le suivi et le contrôle. C’est donc très avancé. Je dirai que, pour moi, l’administration rwandaise est une des plus motivées de l’Afrique. Sans beaucoup de moyens, c’est une administration très engagée, très citoyenne et très comptable et qui est acceptable. La clé, c’est vrai, c’est une administration jeune, mais également le système de recrutement est assez transparent. Je crois qu’une des motivations est liée à l’amélioration de la vie des fonctionnaires. Certes, les salaires ne sont pas élevés, mais il y a des mécanismes d’accès aux crédits. Pour construire sa maison, il y a une banque de l’habitat, il y a un système de mutuelle, un système de santé. Ce sont là des éléments qui accrochent un fonctionnaire, à travailler, à se concentrer sur son travail et à ne pas se distraire parce que s’il quitte le travail, il perd toutes ces facilités, sans oublier que le système de contrôle mis en place est rigoureux et si vous ne vous performez pas, il est difficile de vous prendre ailleurs. Je crois qu’il y a des choses qu’on peut apprendre sur la rigueur, l’engagement, le civisme qui est un élément fondamental de l’administration, de la société civile.

On a discuté des bonnes pratiques à Ouagadougou, est-ce que, selon-vous, il y a en a qui soient propres au Bénin, et qu’il peut faire valoir sur ce site et partager avec d’autres pays ?

Certainement, une des discussions qui ont été faites à Ouagadougou, c’était, comment impliquer la société civile en matière de gouvernance. Et je pense vraiment qu’il y a beaucoup de choses à partager quand on voit tout le travail qui a été fait en matière politique et aussi en matière de développement économique et social. En politique, je me souviens du rôle que la société civile a joué pour préserver la Constitution béninoise avec civilité, courtoisie, mais avec détermination. C’est quelque chose qu’on doit souligner. Mais également je vois tout le travail que nous faisons avec Social Watch en ce qui concerne le suivi des Omd, la participation au niveau de la formulation du document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté .C’est un exemple assez intéressant .Mais le plus parlant et le plus intéressant,c’est le style du Président de la République en matière de gouvernance concertée, de consultation permanente avec la base , de faire partager sa vision et d’avoir l’adhésion d’un maximum de personnes, pas seulement son cabinet ou son administration, ou la classe politique. Mais également la population. Je crois que c’est un exemple assez particulier que le Bénin devrait pouvoir faire valoir.

Le Directeur régional du Pnud M Gilbert Fossoun Houngbo a accordé la création d’un site web d’échanges pour le suivi du forum. Comment pensez-vous que les participants peuvent apporter leur contribution à travers ce site ?

Je pense que cela a été une proposition à juste titre du Président Blaise Compaoré qui a demandé à ce que le Pnud aide à ce qu’il y ait un site, où, d’une part, on pourrait avoir les éléments de suivi de ces forums sur la gouvernance en Afrique, mais surtout pour partager les meilleures pratiques en matière de gouvernance. Et le Pnud a accepté. C’est clair que c’est un engagement dans le corps de ce que le Pnud doit faire. Il appartiendra au bureau du Pnud local aussi, pour aider les différents pays à identifier les meilleures pratiques pour les poster sur ce site. Mais également pour encourager, ceux qui veulent participer. Je ne connais pas encore très bien la forme. Je pense que nous allons certainement avoir des directives dans les jours à venir. On ne manquera pas de les partager avec le public béninois.

Le Pnud local pense-t-il accompagner la presse qui est quand même un maillon essentiel dans ce processus ?

Pour le moment, nous avons un petit projet, je dirai très modeste, avec une dizaine d’organes de presse écrite, pour les aider à comprendre comment relayer tout ce qui concerne le processus budgétaire. Nous voulons maintenant étendre cette vision pour que la presse puisse rapporter tout ce qui concerne l’atteinte des Objectifs du Millénaire. Qu’ils comprennent comment reporter, chercher les informations et pouvoir même être les porte-parole des sans voix en ce qui concerne comment la population avance vers les Objectifs du Millénaire pour le développement. Nous sommes en discussion et nous espérons pouvoir étendre notre petite expérience sur un plus grand nombre ou qu’il y ait un système rotatif pour permettre à plusieurs personnes d’en bénéficier. Je vous remercie.

Interview réalisée par Guy Constant Ehoumi

 

 



31/10/2007
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