"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

LA MARCHE DE YAYI BONI N’EST PAS EN CAUSE… C’EST PLUTÔT LA DEMARCHE

Cette Chronique du 30 Juillet 2007 est lue sur

Radio planète
appartenant à l'Honorable YAHOUEDEHOU de la  FCBE.

Elle est de TLF

Amis lecteurs, mon affirmation de la semaine dernière selon laquelle Yayi Boni, à l’opposé de Kérékou Mathieu, a manifestement le souci de conduire son pays quelque part, même si on a l’impression qu’il ne sait pas très bien savoir comment, cette affirmation vous a peut être échappé ; elle n’a pas échappé par contre à l’un de ceux que je soupçonne de vouloir transformer le yayisme en manichéisme. Ainsi, ai-je reçu un coup de fil d’un monsieur qui, heureusement en des termes très courtois, a voulu me faire admettre que j’avais dit n’importe quoi. En des termes tout aussi courtois – vous me connaissez – j’ai tenté de convaincre ce bon monsieur que pour le bien de la République, de la démocratie et pour l’enracinement d’un vrai changement, il devrait y avoir dans le pays un espace pour ceux qui refusent d’accepter l’idée que tout ce que fait le président est parfait, et qui s’opposent, ce faisant, à un unanimisme stupide et envahissant. Je ne pense pas avoir convaincu mon interlocuteur. Je ne pense pas que lui, non plus, ait cru m’avoir convaincu.

Match nul !, dirait l’autre…
Je pense pourtant, moi, avoir gagné ne serait-ce qu’aux points. Entre ceux qui affirment en effet que tout ce que fait le président est parfait, et ceux qui disent que ce qu’il fait n’est pas mal mais qu’il pourrait faire mieux autrement, les plus sincères, les plus honnêtes et les plus patriotes ne sont sûrement pas les premiers.
A titre d’exemple, je prendrai une récente action présidentielle qui a divisé les deux camps en présence : la marche contre la corruption du 16 juillet 2007. Pour ceux que je qualifie de yayistes manichéiste purs et durs, cette marche, par son caractère inédit, n’était pas loin d’être la 8è des nouvelles Merveilles du monde. Par contre, pour ceux qui pensent que cette action présidentielle n’est pas exempte de tout reproche, que de questions sans réponses ! Je vais essayer d’en énumérer quelques unes mais permettez qu’avant, je relève certains aspects incongrus de la marche présidentielle.
Premier aspect incongru : il n’était pas triste, le spectacle du président, en simples pantalon et chemise, marchant d’un pas alerte, flanqué de quelques ministres visiblement à la peine, engoncés dans leur chaud costume-cravate, tandis qu’autour d’eux se hâtaient avec difficulté quelques hauts gradés des forces de l’ordre, trempés dans leur bel uniforme comme des madeleines.
La note tragi-comique a été donnée par l’ex-patronnesse de la Cellule dite de moralisation de la vie publique. La pauvre ne fut pas capable de tenir le rythme de la marche, et ne put continuer son douloureux calvaire que tenue et soutenue par deux généreux marcheurs.
« Mais que diable est-elle allé chercher dans cette galère ? » s’est demandé quelqu’un qui a ensuite ricané : « Entre le verbe et l’action, il y a une sacrée différence : sur un plateau de télévision, il est bien facile d’accuser un gouvernement d’être corrompu à 95%. Alors qu’au cours d’une marche anti-corruption sur le macadam, il est beaucoup plus difficile de terminer le parcours à 95% ! » Il faut dire que ce sont là des propos méchants et pas sérieux.
Plus sérieusement, moi j’ai dit tout à l’heure que la marche présidentielle avait soulevé des questions sans réponses. Comme promis, j’en énumère quelques unes : officiellement, elle (la marche) devait marquer la détermination du chef de l’Etat dans la lutte contre la corruption ; ceci ne pourrait-il pas laisser croire qu’au niveau de ladite détermination, il avait commencé à y avoir comme un doute ? La question est donc de savoir de quel côté s’insinuait le doute : du côté du président ou du côté du peuple ?
Deuxième question : si la marche réussit à dissiper le doute, du côté du président ou du côté du peuple, quelle va être la suite du programme ? La suite du programme de lutte contre la corruption !
C’est à ce stade que surgit une troisième question. Une troisième question pour moi essentielle. Essentielle parce qu’elle nous plonge au cœur du débat : le plan de lutte contre la corruption, est-ce qu’il existe ? A t-il jamais existé ?
« Personnellement, je ne crois pas me tromper en affirmant que le premier faux pas majeur de Boni Yayi, sur le plan de la lutte contre la corruption, a été le ratage des audits dans les ministères, offices, sociétés publiques, parapubliques et autres. Ce ratage grave, il l’a reconnu lui-même par la suite mais curieusement, ne semble pas vouloir y revenir. Or, ces audits sont historiquement incontournables, n’ayons pas peur des mots ! Personne ne peut espérer instaurer un régime nouveau, crédible et durable, en plantant sa fondation dans les immondices d’un régime défunt particulièrement pourri.
Un profond nettoyage du terrain s’impose.
Un terrain qui, en l’occurrence, semble être une version tropicale moderne des écuries d’Augias. D’accord, je reconnais qu’un tel nettoyage serait un vrai Travail d’Hercule. Mais le président se trompe – et il nous trompe – s’il croit pouvoir s’y dérober ou passer l’éponge là-dessus. Je persiste et signe, c’est un authentique Travail d’Hercule incontournable. Et j’affirme, avec une conviction inébranlable, que nombre de dossiers qui pourrissent l’actualité nationale et, pour certains, pourrissent la vie des Béninois, nombre de ces dossiers auraient connu un parcours moins préjudiciable aux Béninois, si le nettoyage des écuries d’Augias avait été méthodiquement et convenablement fait. Parmi ces dossiers, je prendrai deux : celui des réseaux GSM et celui de la Société Béninoise d’Energie Electrique.
Ainsi, au niveau des réseaux GSM, si les audits avaient été méthodiquement et convenablement faits, les responsabilités à divers niveaux n’auraient-elles pas été déjà situées ? Surtout que dans cette nébuleuse des réseaux GSM au Bénin, l’absolu avait été atteint en terme d’incurie, d’abomination et d’ignominie, sur fond de dizaines de milliards en folie. Si les audits avaient été méthodiquement et convenablement faits, dis-je, n’aurait-on pas déjà interpellé tous ceux qui avaient pataugé dans l’incurie, l’abomination et l’ignominie en faisant main basse sur les milliards en folie ? Dans ce cas, y aurait-il encore quelque risque que le Bénin se retrouve dans la situation incroyable dans laquelle il se trouve aujourd’hui au plan des réseaux GSM ?
Je ne pense pas.
Quant à la SBEE, si les audits avaient été méthodiquement et convenablement faits, les Béninois auraient-ils pu se voir imposer le spectacle surréaliste du directeur de la SBEE et celle qui l’a précédé à ce poste, faisant tranquillement campagne pour devenir députés, alors que cette société se débattait contre une crise énergétique sévère, la crise énergétique sévère qui désespérait tout le pays ? Et pourtant, dame Célestine Adjanohoun et le sieur Luc da Matha se firent élire sur la liste FCBC du chef de l’Etat. Eh ! oui, sur la liste du chef de l’Etat qui, sous la pression d’accablantes révélations, se trouve aujourd’hui contraint de demander la levée de leur immunité parlementaire. Une demande de levée d’immunité qui n’a d’ailleurs pas respecté l’orthodoxie en la matière. Objectivement, avouez que cela fait désordre.
C’est à ce stade que s’impose à nouveau la question de savoir si le gouvernement a un plan de lutte contre la corruption. Faute de pouvoir répondre par l’affirmative, on peut supposer que le gouvernement applique, au moins, un programme minimum. Un programme minimum qui ne peut réussir s’il n’est – au minimum – cohérent, courageux et méthodique.
Or, cohérent ? C’est à voir.
Courageux ? c’est possible : il lui est déjà arrivé, au président, d’affirmer avec force qu’il est prêt à verser son sang pour la lutte contre la corruption. Et sa marche inédite à travers Cotonou, pour rappeler aux corrompus de tout poil que sa détermination est intacte, cette marche ne manque pas de panache.
Mais, comme dirait l’autre, ce ne sont là qu’incantations et gesticulations. Ce qui manque, ce sont les actions. Des actions méthodiques. Et les actions méthodiques, ce sont d’abord et avant tout les audits. Les audits dans toutes les règles de l’art, afin de faire rendre gorge à tous les mis en cause, dans toutes les règles du droit.
C’est ce que je crois.
T.L.F.



31/08/2007
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