Privatisation de l’outil industriel de la Sonapra :
Depuis plusieurs jours déjà, l’affaire de la cession de l’outil industriel de la Sonapra défraie la chronique. Malgré les graves irrégularités dénoncées dans ce dossier qui a révélé l’incurie de certains cadres au sommet de l’Etat, des voix continuent de s’élever pour semer la confusion dans les esprits. C’est pour cela qu’il paraît utile de faire le zoom sur l’ensemble des irrégularités commises par le Ministre Koupaki dans le traitement de ce dossier d’intérêt national, et d’interroger le mutisme du Chef de l’Etat qui devient inquiétant
Les irrégularités constatées dans le traitement de
ce dossier peuvent se résumer en six points, incluant les conditions de
dépouillement relatives, entre autres, aux réserves portées quant au
règlement des dettes de la Sonapra et surtout à l’unicité du
soumissionnaire dont le dossier a été évalué en l’absence de
concurrence. Le recours à l’original du procès verbal dressé par
Maîtres Bankolé, de Souza et Faihun Kotchofa, Huissiers de Justice, et
du procès verbal de dépouillement nous a permis d’apporter les
clarifications ci-après. Dans le cadre du processus de cession de
l’outil industriel de la Sonapra, le Gouvernement béninois, celui de
KEREKOU, avait initié courant mars 2004, un appel d’offre
international. A l’issue du dépouillement, les trois sociétés ci-après
avaient été considérées comme adjudicataires provisoires et un
protocole d’accord avant cession signé entre le Gouvernement et chacune
des sociétés le 18 juillet 2005 : la Société cotonnière intégrée (Sci
sa) représentée par Monsieur Bakary KAGNASSY ; la Société pour la
Promotion et le Développement du coton (PROMODEC), représentée par
Monsieur Patrice TALON ; la Compagnie pour le Développement intégré du
coton (Cdi-Bénin) de Monsieur Yves Christophel, représentée au Bénin
par Monsieur Razack Abdoulaye. Cette dernière société a été dissoute
par anticipation courant septembre 2006.
Aux termes de l’article 4 alinéa 3 dudit protocole : « … de même, dans
l’éventualité ou CdI-Bénin viendrait à être dissoute ou liquidée ou
ferait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, le présent
protocole d’accord sera considéré purement et simplement comme caduc.
Il ne sera dû, aucune indemnité à l’Etat béninois à la suite de cet
évènement et de ce fait, n’était plus intéressé par le processus de
privatisation. La condition d’annulation était bien prévue dans le
règlement d’appel d’offres : Suivant le règlement d’appel d’offres de
Mars 2004, il est écrit que : «la Ctd se réserve le droit de ne retenir
aucune des offres reçues et d’annuler la cession par lots des actifs
industriels de la Sonapra à tout moment précédent la conclusion de
celle-ci, et ce, sans que les soumissionnaires ne puissent se prévaloir
d’un quelconque préjudice». Suivant le règlement d’appel d’offres
d’Août 2007, il est écrit que «la Ctd se réserve le droit de ne retenir
aucune des offres reçues et d’annuler la cession par lots des actifs
industriels de la SONAPRA à tout moment précédent la conclusion de
celle-ci, et ce, sans que les soumissionnaires ne puissent se prévaloir
d’un quelconque préjudice ».
Violation des décisions du Conseil des Ministres du 22 juin 2006
Suivant une décision du conseil des ministres en sa séance du jeudi 22
juin 2006, l’ex-Ministre du Développement de l’Economie et des
Finances, avait été instruit de «notifier aux repreneurs privés et aux
partenaires au développement, l’annulation de l’ancien processus et la
nouvelle option retenue par le Gouvernement.
Le Ministre n’avait pas mis en œuvre la décision du conseil des
ministres au motif que les repreneurs allaient ester en justice contre
l’Etat qui subirait des préjudices financiers en termes de dommages et
intérêts. Or, suivant le règlement d’appel d’offres de mars 2004, au
point il est écrit que : «la Ctd se réserve le droit de ne retenir
aucune des offres reçues et d’annuler la cession par lots des actifs
industriels de la Sonapra à tout moment précédent la conclusion de
celle-ci, et ce, sans que les soumissionnaires ne puissent se prévaloir
d’un quelconque préjudice». Après avoir violé la décision du conseil
des ministres du 22 juin 2006, un protocole d’accord de cession a été
signé au nom de l’Etat béninois, entre les société qualifiées de
sociétés cessionnaires représentées par Messieurs Bakary Kagnassy,
Patrice Talon et Razack Abdoulaye et les Ministres Pascal Irénée
KOUPAKI, Cossi Gaston Dossouhoui, Moudjaïdou Issoufou Soumanou, Abraham
Zinzindohoué et Emmanuel Tiando. Ce protocole d’accord de cession n’a
pas été soumis au préalable à l’approbation du Conseil des Ministres,
quant à son principe et à son contenu. Ainsi le Conseil des Ministres
n’a découvert l’existence d’un tel protocole d’accord, qu’après le
dépouillement de l’appel d’offres et surtout, à travers le décret
n°2007-462 du 12 octobre 2007 portant création de la Société pour le
Développement du coton (SODECO) et approbation de ses statuts. Cinq
vices caractérisent le protocole et violent les dispositions de la loi
n°92-023 du 21 juillet 1992, portant détermination des principes
fondamentaux des dénationalisations, et des transferts d’entreprise du
secteur public au secteur privé, notamment en son article 5 : Le
protocole d’accord signé est un protocole de cession qui considère déjà
comme sociétés cessionnaires, les sociétés sus citées, alors que la
cession n’avait pas encore eu lieu. Ce faisant, la règle de l’égalité
des soumissionnaires prônée à l’article 5 de la loi sur les
dénationalisations a été violée. Bien que le processus ait été annulé
et que la notification d’annulation ait été demandée à l’ex-Ministre du
Développement de l’économie et des finances, celui-ci ne s’est pas
empêché de fonder le protocole du 26 juin 2006 sur celui du 18 juillet
2005 tout comme si la cession revenait de droit et d’office aux société
qualifiées de cessionnaires ; Le protocole en son article 3 à la page 3
avait consacré la promesse ferme de cession à hauteur de 55% ; A
l’article 9, il avait été prévu un conseil d’administration de sept
membres dont quatre représentants des cessionnaires et un représentant
de l’Etat. Ce faisant cette répartition des membres du conseil
d’administration paraissait déjà déséquilibrée au détriment des
intérêts nationaux. Le rapport de l’inspecteur général d’Etat a
d’ailleurs relevé cette irrégularité en la qualifiant de «répartition
juridiquement fausse». A l’article 10, le protocole avait déjà scellé
le sort des travailleurs en ne prévoyant pas un plan social qui
préserve les emplois : «Le personnel des usines sera recruté par la
nouvelle société». Or ce personnel ne représente qu’environ le tiers de
l’effectif global du personnel permanent.
Violation des décisions du Conseil des Ministres du 20 août 2007
Suivant le conseil des ministres en sa séance du lundi 20 août 2007,
relatif à la communication N°1504/07, le Conseil des Ministres avait
instruit Monsieur le Ministre d’Etat chargé de l’Economie, de la
Prospective, du Développement et de l’Evaluation publique de procéder
à Un appel d’offre international à égal conditions de participation à
toute entreprise ou groupement de personnes morales ou physique
régulièrement constitués en personne morale (opérateur ou groupement de
préférence) ». En lieu et place d’appel d’offre international, il a été
procédé à un appel à concurrence avec un délai de 15 jours renouvelé à
l’identique à l’expiration du premier au lieu d’un délai pouvant varier
entre 45 jours et 90 jours. L’absence d’appel d’offre international et
de concurrence (puisqu’en définitive c’est un seul dossier qui aura été
évalué) montre qu’il n’est pas évident que l’Etat béninois ait
financièrement bénéficié de l’offre aux enchères. La seule proposition
retenue étant exactement faite sur la base de montant plancher fixé par
l’Etat béninois, c’est-à-dire, minimum 35 milliards de F Cfa.
L’appel d’offre est déséquilibré, donc pas à égales conditions de
participation puisque le soumissionnaire dont le seul dossier a été
évalué était déjà considéré comme cessionnaire de l’outil industriel à
55%, plus d’un an avant même sa soumission, c’est-à-dire, depuis la
signature du protocole d’accord du 26 juin 2006.
En conséquence, l’appel d’offre constitue un "habillage" au regard du
protocole d’accord signé le 26 juin 2006 qui montre clairement que
l’adjudication provisoire avait été déjà préméditée en faveur du
cessionnaire puisque les personnes qui avaient signé le protocole du 26
juin sont les mêmes qui ont approuvé les statuts de la Sodeco. De ce
fait, il n’est pas exagéré de qualifier l’acte de délit d’initié et
donc non transparent, violant ainsi les dispositions de la loi du 21
juillet 1992 et troublant inévitablement l’opinion publique nationale
et internationale. Cette situation pourrait jeter durablement le
discrédit sur le gouvernement, en dépit de l’initiative spontanée de la
Haute autorité ayant récemment abouti à l’annulation du décret portant
création et approbation des statuts de la Sodeco. Aussi, import-il pour
mieux apprécier la gravité des actes posés, de recourir à l’origine du
procès-verbal dressé par Maître Bankolé de Souza et Faihun Kotchofo,
huissiers de Justice, et du procès-verbal de dépouillement afin
d’apprécier les conditions et les faits qui ont caractérisé le
dépouillement qui s’est déroulé les 24, 25 et 26 septembre 2007.
Irrégularité dans la création de la Sodeco
Le décret susmentionné a curieusement visé des protocoles d’accord
inconnus par le Gouvernement : Les protocole d’accord avant cession du
18 juillet 2005 ne devrait plus être rappelé car sensé être annulé ; Le
protocole d’accord de cession des actifs industriels de la Sonapra du
26 juin 2006, est gardé secret, non approuvé, et non connu du
gouvernement. Les statuts tels que signés sont différents des statuts
soumis à l’approbation du conseil des Ministres. L’annexe n°2 des
statuts, relatifs à la désignation des premiers administrateurs et les
premiers commissaires aux comptes ont été soumis à blanc au Conseil des
Ministres, alors que les statuts finalement signés, portent des noms et
une composition déséquilibrée au détriment de l’Etat béninois. Ces noms
d’Administrateurs et des Commissaires aux comptes, de même que la
composition du Conseil d’Administration, n’ont pas été au préalable
approuvés par le Conseil des Ministres.
Mais plus grave encore, il se trouve curieusement que la signature de
l’un des administrateurs se retrouve sur les statuts alors même que
celui-ci est absent du territoire national. La question qu’on pourrait
alors se poser est de savoir quand et comment cela a pu être possible.
Le même jour du 12 octobre, à la date de la prise du décret de création
de la société s’est tenue une Assemblée générale dans les bureaux du
Ministère d’Etat chargé de l’Economie. La tenue de cette Assemblée au
cours de laquelle les dossiers et l’ordre du jour ont été transmis sur
place aux ministres participants, sans que lesdits dossiers et ordre du
jour aient été approuvés par le conseil des ministres, viole l’article
l’acte uniforme Ohada relatif aux société commerciales et groupements
d’intérêts économiques Gie aux termes duquel : « L’assemblée générale
constitutive est convoquée à la diligence des fondateurs après
l’établissement de la déclaration notariée de souscription et de
versement des fonds. La convocation est faite par lettre au porteur
contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception portant mention de l’ordre du jour, du lieu, de la date et de
l’heure de l’assemblée. La convocation est adressée à chaque
souscripteur, quinze jours au moins avant la date de l’assemblée ».
Le même jour du 12 octobre, il y a eu déclaration de souscription et de
versement du tiers du capital social, soit un milliard de francs Cfa
tout comme s’il n’existait pas d’apport en nature. La libération du
capital en numéraire sans l’accord de la partie gouvernementale est
illégale parce que occultant dès le départ, l’existence même de
l’apport en nature que constituent les usines. En effet, l’acte
uniforme prévoit que les apports en nature soient libérés intégralement
lors de la constitution de la société. Par ailleurs, il a été cautionné
une répartition juridiquement fausse constatée par le déséquilibre des
membres du conseil d’administration au détriment de l’Etat : 1
représentant de l’Etat contre 4 en faveur des privés, alors même qu’aux
termes de la loi, sauf clause contraire des statuts, les droits et
obligations de chaque associé sont proportionnels au nombre de ses
apports, qu’il soit fait lors de la constitution de la société au cours
de la vie sociale.
Au regard de tout ce qui précède, il ne fait plus l’ombre d’aucun
doute, à moins que l’on veuille rester aveugle, sourd et muet, qu’il y
a eu malversation, manipulation, combine, faux et usage de faux au
détriment de l’Etat béninois et donc du peuple tout entier. Il s’avère
donc impérieux que le "maestro" de cette symphonie macabre accepte de
faire profil bas et de quitter les choses avant que les choses ne le
quittent. Une chose est certaine, l’histoire retiendra qu’un certain
argentier devenu Ministre d’Etat a marqué de façon scabreuse, la
gestion des affaires à l’ère du changement.
Janvier Zocli
31 Octobre 2007
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