Tractations pour l’élection des maires :
Disparition de 15 conseillers élus à Savalou
Le Matinal -23 mai 2008
A Savalou, plusieurs élus locaux ont discrètement « disparu » depuis le début du mois. On chuchote qu’ils ont été « enlevés » par un leader politique. Et si certains craignent une intrigue pour l’élection du prochain maire de Savalou, les populations s’indignent du fait que parmi les « portés disparus », il y ait des enseignants et un médecin dont les absences causent des désagréments aux usagers de leurs services respectifs.
Actuellement à Savalou dans le département des Collines, une des techniques de bataille utilisée par les politiques de la localité inquiètent les populations. Dans cette ville située à environ 270 km de Cotonou, plusieurs élus locaux de la liste Force Cauris pour un Bénin Emergent (Fcbe) ont discrètement disparu de leurs domiciles et de leur lieu de travail juste après les élections du 20 avril 2008. Avec eux aussi, certains conseillers élus proches du député Edgar Alia et des élus Undp. Disparus était le mot utilisé dans les milieux politiques, jusqu’à ce que plusieurs jours après, l’on estime qu’en réalité les élus concernés ont été « enlevés » par le député Edgar Alia. Enlevés est donc aujourd’hui le mot choisi par beaucoup d’habitants de Savalou dans cette affaire. Et un cadre de la localité qui a requis l’anonymat de justifier : « c’est des gens d’un certain âge. Des responsables qui, je suppose, n’auraient pas décidé de se retirer ainsi de la vie sociale et de leurs foyers pour plusieurs jours s’ils n’avaient pas eu une main derrière pour les obliger à agir ainsi. Je veux croire qu’on ne peut pas forcer un adulte à faire ce qu’il ne veut pas. Mais comme il n’y a pas un autre mot en français à mon sens pour parler de la réalité dans cette affaire, je veux bien qu’on utilise le mot enlever, à condition de ne pas y entendre kidnapping ». Nous avons rencontré cet habitant de Savalou sur la terrasse d’une buvette, le « Zénith », à l’entrée de la ville. Parlant avec circonspection, il explique qu’il n’est pas mieux disposé pour nous parler desdits « enlèvements ». « Mais ce qu’il y a, confie-t-il, c’est que ces Messieurs sont quelque part, il paraît qu’ils sont hors du pays et qu’on les oblige à y rester pour être sûr qu’ils voteront pour un candidat qui sera notre prochain maire. C’est la politique, mais moi j’ai un enfant en classe de terminale au Collège ici, et son professeur qui fait partie des disparus s’est volatilisé depuis le début du mois, à quelques jours du baccalauréat. Je m’inquiète et je dis que la politique ne doit pas hypothéquer la vie de nos enfants. » L’habitant quinquagénaire de Savalou n’est pas le seul à fustiger la tournure des événements politiques dans sa localité. Comme lui, d’autres habitants de la ville rencontrés désapprouvent et dénoncent la disparition mystérieuse de plusieurs élus locaux de Savalou. Pour le sieur George T., le fait que le député Edgar Alia choisit de faire « disparaître » avec lui plusieurs personnes dont trois enseignants et un médecin anesthésiste n’est pas exemplaire.
Quand la politique nuit aux populations…
A Savalou, il y a ceux qui sont indifférents a l’affaire de disparition depuis environ trois semaines, de plusieurs élus locaux de la ville. Il y a par exemple le sieur G., qui ne veut pas croire à cette disparition. Selon lui, c’est des intrigues de politiciens. Il y a aussi dame dite « Maman Hooto » qui dit, railleuse, que les élections sont finies et qu’elle ne veut plus en entendre parler. « Tout est cher, la vie est pénible, c’est ça le sujet important dont il faut parler » énonce-t-elle. Mais à Savalou, il y a ceux qui s’intéressent de près à l’affaire de disparition des conseillers, et que cette affaire inquiète. Parmi ces derniers, il y a notamment les élèves du Collège d’enseignement général de Savalou et les élèves de deux écoles de la localité dont les deux directeurs ont disparu avec le député Alia. Des trois enseignants, on raconte qu’un seul a été élu conseiller après les résultats définitifs mais deux autres enseignants ont suivi le groupe, délaissant depuis le début du mois leur poste de travail. « Ils font partie de ceux que le député élu sur la liste Fcbe a emmené. On ne sait où ils sont, ils n’ont pas laissé des consignes à leurs subordonnés et les élèves sont livrés à eux-mêmes, à quelques jours des examens » s’indigne un responsable de la Coordination Fcbe de Savalou rencontré le mardi 20 mai 2008. Pour lui, il est clair qu’on a « forcé » ces élus à disparaître de la circulation. « Certains ont disparu sans rien dire à leurs employés ou subordonnés. Ou ils étaient vraiment irresponsables ou on les a forcés à partir un jour, sans prévenir. C’est un enlèvement ». Au Ceg de Savalou, ils sont plusieurs élèves à se plaindre de l’un de leur professeur, qui interviendrait une classe de Terminale et porté disparu depuis des jours. A l’hôpital de zone de la localité, l’un des anesthésistes élu conseiller sur la liste Fcbe, a également disparu. Le directeur de l’hôpital, le Dr Hector Houmbadjè reconnaît lui avoir donné une permission depuis le 5 mai. Selon lui la « disparition » de l’anesthésiste-conseiller ne créé aucun désagrément à l’hôpital, puisqu’il y a un remplaçant. Mais ce dernier, le Dr Donoumassou rencontré, reconnaît qu’il fait des heures supplémentaires pour gérer l’absence de son collègue. Et pour cet hôpital qui devrait avoir 4 anesthésistes mais en n’a que 2, il paraît évident que la disparition pour des fins politiques du conseiller médecin crée un surcroit de travail. Le directeur le reconnaît implicitement mais n’accepte pas qu’on mette les difficultés actuelles du centre sur l’absence d’un anesthésiste. Les populations, elles, ne font pas dans la dentelle pour se plaindre.
Imbroglio signé Fcbe à Savalou
Pourquoi à Savalou, le député Alia a-t-il choisi de disparaître avec plusieurs conseillers pour s’assurer de gagner la mairie, au risque de défavoriser les populations ? Et si on choisit de croire que le député a « enlevé » lesdits élus, pourquoi le leader Fcbe qu’il est, enlèverait-il des élus Fcbe de sa localité ? Car les élus locaux de Savalou qui ont disparu au lendemain des élections locales dernières sont pour la plupart des élus Fcbe. Le sieur I. M., responsable de section Fcbe explique que pour mieux comprendre l’affaire, il faut remonter à l’arrivée au pouvoir du Dr Yayi Boni et du soutien dont il bénéficie à Savalou. Selon lui, une guéguerre intestine existe entre le député Alia et le ministre Adadja, tous deux originaires de Savalou. Il relate que pour les positionnements à Savalou, le chef de l’Etat aurait demandé aux deux leaders Alia et Adadja de positionner chacun 10 personnes de leur sérail sur la liste Fcbe. « 5 postes ont été laissés aux cadres nagos de la localité. Edgar Alia veut montrer que c’est lui qui contrôle Savalou. Mais au lendemain des communales, le ministre Adadja et les Fcbe ont remporté quelques sièges importants. Pour s’assurer que c’est son homme qui sera maire, Alia a fait disparaître une quinzaine d’élus, sur les 25 de Savalou, dont surtout certains élus qui étaient dans le sérail du ministre Adadja, en plus de certains élus de l’Undp pour qui Alia a d’ailleurs battu campagne. », nous raconte le sieur I. M. La Cena a attribué 20 sièges à la Fcbe à Savalou et 5 à l’Undp. Il est clair aujourd’hui que la Fcbe aura la mairie de Savalou. Mais apparemment, au sein de la liste du chef de l’Etat, la guéguerre est désormais déclarée. Pour Edgar Alia, la mairie ne sera pas seulement Fcbe mais elle sera sous sa botte. Le député a choisi à cette fin d’utiliser la technique de l’ancien maire Gbadamassi en 2002, mais il est évident qu’il s’inspire mal. Car aujourd’hui, si les résultats du Cep et du Bac sont catastrophiques à Savalou, le député leader de la localité devra en partager les causes.
Abdourahmane Touré
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