"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Yayi Boni, Président de la République du Bénin :

12 mai 2008


Un César hypocrite



Est-ce parce que le Président de la République ne fait plus mystère de ses penchants pour un «césarisme éclairé» que d’aucuns parmi ses proches prônent aujourd’hui de plus en plus, un autoritarisme accentué comme réponse aux grincements sociaux de dents face à ses dérapages ? Si le césarisme désigne généralement un régime politique où le pouvoir est concentré entre les mains d’un homme fort appuyé par le peuple, les néo-théoriciens du «yayisme», conscients du fait que le soutien populaire est de moins en moins évident, militent ardemment pour la mise en cage tout bonnement des libertés individuelles et collectives. La dernière illustration de cette sinistre idéologie est le passage d’un syndicaliste béninois devant la justice pour, dit-on, «offense au chef de l’Etat».

Les jours passent et ne se ressemblent pas au Bénin. Le Président de la République essaie chaque jour de se rapprocher davantage de son objectif insidieux : faire du régime béninois un des régimes les plus brutaux du monde. L’homme politique sur son piédestal a oublié ou feint d’oublier qu’il n’a tiré son pouvoir que du peuple. De toute évidence, Yayi Boni ne tient pas son pouvoir de Dieu comme il essaie de le faire savoir mais de vous et moi. Si en 2011 nous décidons de le remercier, rien ne peut repousser cette volonté populaire, rien. Même pas Dieu car Dieu est miséricordieux et justice. L’immixtion de certaines forces religieuses sur le champ politique visant à justifier la légitimité des tendances actuelles du régime, tend-elle à la Sainte-Alliance ? On peut bien le penser et la République d’en pâtir. Sur un autre registre et non moins dangereux pour les citoyens, c’est l’abus de la bonne foi présidentielle qui s’opère dans le cercle du pouvoir. Tant pis si des citoyens doivent aller en prison s’ils osent critiquer les actions du Président et de son gouvernement. Antonin Sékédé en a appris à ses dépens, il y a quelques jours. Le syndicaliste a finalement comparu devant la justice pour avoir signé, en tant que responsable du Comité général de lutte des travailleurs de l’administration des douanes «un papier pour dénoncer, non seulement les provocations répétées du chef de l’Etat dans une crise qui a secoué l’administration douanière, mais aussi la non budgétisation des ressources issues de l’escorte des véhicules». Il a également reconnu avoir déclaré publiquement lors d’une rencontre avec des membres du gouvernement et de la société civile, le 23 août 2006 à Cotonou, que «le pouvoir de Yayi Boni est un pouvoir de dictature et de fascisme». Pourquoi ne doit-on pas et ne peut-on pas critiquer Yayi Boni et son gouvernement ? Pourquoi ? Simplement parce qu’ils se croient au dessus de tout ! Ce sont eux qui participent à l’instauration d’un système autoritariste comme expédient aux critiques et aux coups de gueules de la population. La « démocratie » de Yayi Boni et l’autoritarisme de Mobutu ont tout de commun : ils excluent le peuple et sa représentation du champ du contrôle souverain sur les institutions. Le pouvoir y est centralisé. Le législatif, l’exécutif et le judiciaire renvoient l’image d’être de plus en plus entremêlés ou à tout le moins, organisés pour favoriser le contrôle absolu de l’Etat et de son chef ou plutôt de son seul chef sur les actions économiques et civiles du pays. Le peuple n’a aucun droit sur le gouvernement en place, il ne peut dès lors le destituer, le critiquer ou exiger de lui une décision favorable au grand nombre. La porte est alors ouverte à tous les abus, tous les excès. Quelle offense a-t-on fait à Yayi Boni lorsqu’on lui demande de se ressaisir et d’arrêter de prendre les Béninois pour des gogos ? Quelle offense a-t-on fait à Yayi Boni lorsqu’on lui dit qu’on a faim et que la vie devient de plus en chère ? Quelle offense fait-on à Yayi Boni lorsqu’on lui dit qu’il exagère et qu’il est inacceptable que le Certificat d’Etudes Primaires (CEP) soit devenu un concours ? Quelle offense a-t-on fait à Yayi Boni lorsqu’on lui fait savoir que depuis deux ans, il privilégie la rhétorique à la substance ? Quelle offense a-t-on fait à Yayi Boni quand on lui reproche d’être un Président rancunier, revanchard, régionaliste et insouciant ? Quelle offense enfin a-t-on fait à Yayi Boni lorsqu’on l’accuse de s’être accaparé de tous les pouvoirs et de museler les médias au Bénin ? Vous avez dit «offense au chef de l’Etat» ? Comme l’a si bien dit Nicéphore Soglo, Yayi Boni assurément, «se trompe de pays et d’époque».


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12/05/2008
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