Les dessous de la réaction de Fagbohoun
16 juin 2008
Le président de la Continentale des
pétroles et d’investissement (Cpi), libéré par la Cour d’Appel, il y a quelques
jours alors qu’il était en séjour sanitaire en France, est arrivé à Cotonou le
vendredi 13 juin 2008. Dans ses premières déclarations à la presse, Séfou
Fagbohoun vient de montrer, de façon diplomatique, ce que sera son après
libération.
« Je remercie Dieu. Je suis parti en fauteuil et je
reviens sur pied. Mais, je demande du calme. Ce n’est que la première partie du
match. L’arbitre vient de siffler la mi-temps et il n’y a pas de vainqueur ni
de vaincu. C’est le goal average qui est différent » a déclaré en
filigrane le richissime homme d’affaires, Séfou Fagbohoun, le vendredi dernier
à sa sortie d’avion. Une déclaration qui cache bien de vérités, en ce moment
sensible et de grande perturbation de la vie politique nationale. Ce disant, le
président du Mouvement Africain pour la Démocratie et le Progrès (Madep) semble
simplement avoir emboîté le pas au président du Parti Social Démocrate (Psd),
Bruno Amoussou qui, au soir de sa vie politique, a estimé qu’il a toujours son
mot à dire dans les affaires publiques du pays. Comme pour dire que bien d’autres
grandes batailles sont en vue et ne se feront pas sans lui. Même avec le fait
qu’il ne soit plus constitutionnellement éligible à la magistrature suprême. A
vrai dire, cette déclaration de Séfou Fagbohoun, par ces temps qui courent,
peut être vue comme la réplique qu’on devrait bien attendre de tout ce qui
s’est passé jusque-là. D’aucuns ont vite montré qu’en parlant ainsi, le
président de la Cpi,
qui a passé des mois en prison, qui a souffert dans sa chair après avoir été
renvoyé dans la grande cour de la prison civile de Cotonou et, pour finir, a
été évacué en catastrophe dans un hôpital en France, à la suite d’un bref
séjour tumultueux au Centre national hospitalier universitaire Hubert Coutoucou
Maga de Cotonou, était déjà dans la logique d’un affrontement. Surtout qu’avec
sa libération, dans les conditions actuelles, Séfou Fagbohoun pourra enfin
jouir de son immunité parlementaire pour devenir plus fort et capable de
défendre ses intérêts. Déjà, il a pu se faire triomphalement élire député
depuis sa cellule de la prison civile de Cotonou, sans avoir, bien sûr, fait
campagne. Et le Madep, dans ses fiefs originels, n’a pas été du reste, lors des
dernières consultations pour les élections municipales et communales qui ont
pourtant eu lieu en son absence. Alors qu’on a entendu dire qu’un Séfou
Fagbohoun libre de ses mouvements est une potentielle force politique
incontestable. Dans le débat autour de l’affaire Sonacop qui l’a conduit en
prison, l’Etat a certes repris la société, mais ce n’est pas une fin en soi. On
dirait même que rien n’est encore joué. C’est plutôt maintenant que le vrai
débat juridique va démarrer quand on sait que le volet pénal est entièrement
vidé. Et ses autres compagnons qui sont encore gardés en détention n’ont plus
vraiment de souci à se faire. Car, Séfou Fagbohoun a désormais tous les moyens
pour les faire libérer. Quoi qu’il en coûtera. Pour qui connaît bien l’homme,
ce n’est qu’une affaire de semaines.
La
gestion du volet civil du dossier Sonacop
Après la libération du président de la Cpi, c’est maintenant que le
plus dur va commencer. Il faudra gérer le volet civil alors que Fagbohoun a été
libéré sans caution. De grosses pertes en vue pour l’Etat, dirait l’autre.
C’est certainement pour cette raison que Fagbohoun parle, en bon connaisseur de
la situation, pour montrer qu’il n’y a pas encore eu de perdant et qu’il ne
s’agit juste que de la mi-temps tout en invitant tout le monde à se tenir
tranquille. Ce qui veut dire simplement que l’Etat béninois et lui-même
Fagbohoun partent désormais à chances égales. Dans certains milieux politiques,
on dit même déjà que le président du Madep part plutôt avec quelques atouts que
le gouvernement n’a pas dans ce dossier de la Sonacop, au regard des
clivages politiques en cours, les maladresses des ministres de la justice et
surtout le fait que la majorité n’est plus visiblement du côté du pouvoir Yayi
qui, actuellement, a bien perdu du terrain. Mieux, pour qui connaît Fagbohoun,
l’homme compte certainement sur quelque chose en affirmant d’office, que c’est
le goal average qui est différent. Pendant tout le temps, Fagbohoun a fait
montre, dans ce pays, de ses capacités à maîtriser un certain de nombre de
paramètres avant d’agir. Alors que le Prd avait la situation en main et après
que les tractations visant à placer le Madep à la tête de la mairie de Pobè ont
échoué, Séfou Fagbohoun a décidé, sans être conseiller, de conduire lui-même
l’élection du maire. Malgré le caractère secret du scrutin, aucun des
conseillers qui faisaient du chantage, n’a osé passer outre les recommandations
de Fagbohoun. Et son choix porté sur le conseiller Clarisse Odjo est passé
comme une lettre à la poste. De même, il a réussi, contre toute attente, à
empêcher le Général Mathieu Kérékou de réviser la loi fondamentale pour
s’éterniser au pouvoir. De plus, alors que sa situation se compliquait et son
retour au pays interdit par le pouvoir, ses députés ont tenu bon et ont voté,
pendant tout le temps, à l’Assemblée nationale contre le changement. Et puis,
il a le poids du collège des avocats qui a géré au mieux le volet pénal pour
faire libérer Fagbohoun sans caution. Des atouts énormes que l’homme a dû
jalousement conservés et qui permettent de prédire que la phase du procès pour
régler le différend pour ce qui concerne le volet civil ne sera pas facile pour
le gouvernement.
Du
renfort politique et stratégique pour ses alliés
La libération de Séfou Fagbohoun dans les conditions
actuelles est une chance pour les groupes politiques taxés d’opposants au
régime Yayi Boni. L’accueil qui lui a été réservé à l’aéroport international
Bernardin Cardinal Gantin, le vendredi dernier, en dit long. Sans compter les
ovations dont il a fait l’objet, durant le voyage le lendemain, sur son Adjà
Ouèrè natal. A presque tous les 100 mètres, le cortège s’arrêtait pour un bain
de foule. Outre le parterre d’hommes politiques présents à l’aéroport,
Fagbohoun s’est jeté publiquement dans les bras du président du Parti du
renouveau Démocratique, Me Adrien Houngbédji, pour certainement marquer la fin
de cette longue époque de tiraillement entre les deux leaders. La nouvelle
lune de miel qui a commencé avec la déclaration du 12 mars 2008 de Kouhounou
sur la situation nationale 4 venait ainsi d’être renforcée et le pari du grand
Ouémé ne serait pas trop loin. Déjà, plusieurs militants du Madep de la ville
de Porto-Novo s’étaient ralliés aux candidats Prd pour gérer les dernières
municipales. Et on a appris que des consignes avaient été données dans
plusieurs autres régions du pays pour que les acteurs du G 4 se donnent la main
pour gérer au mieux ce scrutin. Depuis la Commission électoral nationale autonome (Cena)
jusqu’au dernier quartier de ville et de village.
Jean-Christophe Houngbo