"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

AFFAIRE ZANNOU

Les médias béninois entre manipulation et intoxication

Noel Allagbada

In l’Autre quotidien - Pour les professionnels des médias béninois, le temps d’une remise en cause fondamentale est arrivé. Sans tomber dans la surrenchère, il faut aujourd’hui parler de la nécessité d’un « aggiornamento» pour la presse béninoise, dont le rôle de pilier de la démocratie commence à faire douter plus d’un observateur de l’évolution de la vie des médias.

Face à l’inspecteur général d’Etat et au Directeur général des douanes samedi dernier les hommes des médias étaient loin d’avoir le beau rôle. Après la mise au point de ces deux hauts fonctionnaires, les journalistes béninois gagneraient beaucoup à chercher à se reconnaître dans ce syndrome décrit par Dominique Wolton dans son ouvrage « Penser la communication »(.) *Dominique Wolton : « Penser la communication » édition Flammarion « Le milieu de l’information et de la communication est désormais « le chef d’orchestre » qui décide de ce qui accède à l’espace public. Avec l’effet pervers bien connu du bocal : les médiateurs (i.e les journalistes) pour se protéger des pressions qu’ils subissent de l’extérieur, s’autolégitiment et considèrent leurs choix comme objectifs et justes. Ils confondent la lumière qu’ils font sur le monde avec la lumière du monde ». L’information concernant la réhabilitation du colonel des douanes Marcellin Zannou, dont trois à quatre quotidiens ont décidé de faire un scoop, était trop sensible pour être traitée avec tant de légèreté du double point de vue de la déontologie des médias et de l’éthique en général. Si on s’en tient au compte rendu de la rencontre avec le chef de l’Etat au cours de laquelle cette décision aurait été prise, c’est pratiquement un fait du prince que l’opinion publique est invitée à constater.

   En effet, c’est un conseil des ministres extraordinaires qui a décidé des mesures à prendre contre le colonel Marcellin Zannou, son supérieur hiérarchique et d’autres douaniers. Et, au mépris des parallélismes des formes et du respect des règles administratives dont il est le garant en tant que magistrat suprême de la République, le président Boni Yayi aurait choisi de réparer une « injustice » - comme l’on écrit les auteurs du scoop – sans passer par les voies réglementaires ! La ficelle était trop grosse pour ne pas éveiller l’attention des responsables qui en, dernier ressort, répondent du contenu de leurs publications. Manifestement, il y a de graves dysfonctionnements dans l’organisation du travail, et surtout dans le nécessaire travail de contrôle, de vérification des informations à livrer à un public dont le respect doit être érigé au rang de Credo. Pour le monde des médias béninois la conférence de presse de samedi doit être considérée comme une avanie. Mais une avanie bien méritée face aux réactions interlopes, à la limite de la compromission qui ont toujours caractérisé les violations répétées du code de déontologie. A la lumière des informations données par le directeur général de la douane, il apparaît que des éclairages sur la situation réelle du colonel Zannou auraient pu être obtenus à son niveau. Mais à l’évidence, la rencontre entre le président Boni Yayi et l’officier des douanes relevé de son poste, qui a effectivement en lieu, a été saisie pour mettre en branle une opération de manipulation des médias d’une part et d’autre part une intoxication de l’opinion. Manipulation et intoxication qui peuvent s’expliquer mais à combattre dans la mesure où les enquêtes sur le dossier se poursuivent encore. L’inspecteur général d’Etat Jacques Koussey a été clair à ce sujet. Il y a donc pour certains, un intérêt manifeste à ce que les médias interférent dans la poursuite des investigations. Cette attitude ne peut plus surprendre dans une société béninoise où l’omniprésence des médias est désormais une réalité incontournable. L’évolution de ces médias et leur contribution à l’enracinement de la démocratie deviennent donc un sujet de réflexion à l’occasion de situations comme celle relative à ce dossier de la douane.

Ce qui est en cause aujourd’hui c’est la confiance du public dans les médias. Cette confiance est la clé de voûte de la légitimité journalistique que les organisations professionnelles et l’institution de régulation s’emploient à renforcer par des actions relevant de leurs compétences respectives. Mais tout indique que le contrat de confiance entre le public et les médias gagnerait à être préservé de pratiques qui, si l’on n’y prend garde, peuvent conduire à des extrémités dangereuses pour la liberté de la presse et l’indépendance des journalistes



03/09/2007
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