"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

COMMANDEUR DE LA LEGION D’HONNEUR

Discours de son Excellence Adrien HOUNGBEDJI

 

-                                Monsieur l'Ambassadeur de France ;

-                                Son excellence Emile Derlin ZINSOU, ancien Président de la

            République ;

-                                Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères, représentant

            Personnel du Chef de l'Etat ;

-                                Mesdames et Messieurs les représentants des institutions de la         République ;

-                                Mesdames et Messieurs les Honorables députés à l'Assemblée          Nationale ;

-                                Monsieur le Grand Chancelier de l'Ordre National du Bénin ;

-                                Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique et         consulaire ;

-                                Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations         Internationales ;

-                                Mesdames et Messieurs les autorités politico-administratives         religieuses, civiles et militaires ;

-                                Mesdames et Messieurs les représentants du monde de         l'information et de la communication ;

-                                Chers parents et amis,

-                                Mesdames et Messieurs,

 

Permettez moi, avant toute chose, de saluer toutes les personnalités ici présentes, les parents et les amis, venus si nombreux, partager la joie qui m'habite, à l'occasion de la remise des insignes de Commandeur dans l'Ordre de la Légion d'Honneur, par l'Ambassadeur de France.

 

A chacune et à chacun, j'adresse mes sincères et vifs remerciements pour l'honneur que vous me faites de rehausser de votre présence l'éclat de cette cérémonie.

 

Monsieur l'Ambassadeur de France,

 

Je vous remercie très sincèrement d'avoir accepté d'organiser la réception qui nous réunit. Merci également à vos collaborateurs  et à tous ceux qui, dans l'anonymat du travail collectif, ont contribué à la réussite de notre rencontre.

 

Après les paroles que vous venez de prononcer à mon endroit, je suis si ému que les mots me manquent pour exprimer toute ma reconnaissance.

 

Reconnaissance d'abord à l'égard de la France, de son Gouvernement et de son Premier Magistrat, Nicolas SARKOZY.

 

Reconnaissance ensuite à l'égard de Monsieur Jacques CHIRAC ancien Président de la République Française qui, dans l'un des derniers actes de son mandat, a bien voulu m'honorer de cette haute distinction.

 

Monsieur l'Ambassadeur,

 

Un de vos illustres compatriotes, François MAURIAC, a dit que « la Légion d'Honneur ne se demande pas, ne se porte pas, ne se refuse pas ».

J'en conclus, qu'il s'agit d'un donné acte.

Un « donné acte » qui prenant appui sur l'importance que la Haute autorité attache aux valeurs de démocratie, de droits de l'Homme et aux relations d'amitié entre la France et le Bénin, traduit l'appréciation qu'elle a de la partition jouée par un modeste instrumentiste.

 

C'est dire combien je me sens honoré et fier de cette distinction.

 

Mais au-delà de ma personne, c'est le Bénin, son modèle démocratique et tous les acteurs de ce processus en voie d'enracinement, qui l'ont méritée. Je ne suis que leur porte-drapeau.

 

Cependant, l'avènement de ce modèle démocratique, si souvent encensé pour sa transition pacifique, ne se fit pas sans drames. Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir évoqué mes drames personnels. Permettez moi d'avoir une pensée particulièrement émue, pour  tous ceux dont je ne saurais encore citer le nom et qui me savent gré de ne pas le faire : simples connaissances, parents, amis et parfois anonymes, dont le courage, le dévouement, la détermination, et le soutien, à partir de la nuit du 05 mars 1975, m'ont permis, au prix quelques fois de leur vie, souvent de leur liberté et toujours de leurs intérêts, de poursuivre sans dévier la marche périlleuse entamée il y a tout juste 40 ans.

 

C'est à eux que je dédie cette décoration. Je la porterai en témoignage de nos combats passés.

 

Monsieur l'Ambassadeur,

Mesdames et Messieurs.

 

Ce qui me vaut l'honneur de cette cérémonie, c'est la part prise dans notre lutte commune pour la démocratie, pour les droits de l'Homme et pour le renforcement des liens d'amitié entre le Bénin et la France.

 

Il eût été de bon ton, que je dise quelques mots de ces trois valeurs, à travers l'approche que j'en ai, et à travers les perspectives que j'entrevois.

 

Je n'en ferai rien en ce qui concerne la démocratie, car nous sommes tous d'avis qu'elle est le mode de gouvernement le plus apte à nous propulser vers le développement, tout en reconnaissant que de profondes divergences surgissent entre nous sur son contenu, et ses implications.

 

Je ne serai pas plus prolixe sur le renforcement des liens d'amitié entre le Bénin et la France, tant il nous paraît une nécessité, dans le contexte économique de globalisation dont les effets insupportables ne peuvent être corrigés que par la solidarité, le partage des responsabilités et l'estime réciproque. Et je sais, Monsieur l'Ambassadeur, que votre pays, la France, est fortement engagé dans cette voie.

 

Restent les Droits de l'Homme que je définirai par deux phrases :

                       

Des actes, comportements et pratiques que nous pouvons avoir à l'égard de tout être vivant, mais qui ne sont plus admis, qui ne sont plus légitimes, lorsque nous les appliquons à l'Homme.

 

Des besoins vitaux communs à tous les êtres vivants, comme le besoin de manger, de boire, de s'exprimer, d'aller et venir, de se reproduire, qui deviennent des intérêts juridiquement protégés lorsqu'ils se rapportent à l'Homme.

 

Mais, grande interrogation : Où commence l'Homme ? Où finit l'Homme ?

 

Déjà sur le terrain du droit, la réponse n'est pas unanime. Exemple : la loi de mon pays dit que l'Homme commence à l'instant T de sa conception … pour des raisons liées entre autres à la foi religieuse, alors qu'en Angleterre, l'Homme commence au 14ème jour de la conception … pour des raisons d'utilité et de pragmatisme.

 

Et lorsqu'on aborde la question sous l'angle de la science moderne, la réponse est radicalement bouleversante. En effet, depuis Darwin et la consécration de son enseignement par les recherches scientifiques paléontologiques et biologiques les plus modernes, jusqu'à l'avènement du génie génétique en 1973, il est établi que le vivant est caractérisé par sa profonde unicité, que c'est de la même cellule originelle apparue sur terre il y a 3,8 milliards d'années que dérivent tous les êtres vivants, d'où l'universalité et l'interchangeabilité de leur code génétique. Nous savons désormais que du point de vue biologique, l'Homme est un pur produit de l'évolution et n'est guère différent des autres êtres vivants.

 

Pourquoi donc ce qui est autorisé à l'endroit d'un mouton ou d'un cafard, cesse t-il de l'être lorsqu'il s'agit d'un homme ? Pourquoi donc ce qui est permis à l'égard du rat devient illégitime à l'égard des humains et est érigé en droit de l'Homme ? Pourquoi ce statut particulier, cette dignité particulière ?

 

C'est la question que pose le Professeur James Watson, Prix Nobel de Science en 1953 pour sa découverte sur l'ADN, et à laquelle il répond en déclarant que les êtres humains n'ont pas de droits mais des besoins, que ces besoins varient d'une région du monde à l'autre et d'une période à l'autre, et que si on prétend reconnaître à l'Homme des droits inaliénables, on sera bientôt contraint de reconnaître les mêmes droits aux chiens, à la souris, à la mouche, car le génie génétique et les biotechnologies permettent aujourd'hui à l'homme de modifier et d'influencer l'évolution de chaque espèce.

 

Pour un non croyant, pour un laïc, il est effectivement difficile de justifier pourquoi l'Homme mérite un statut particulier, une dignité particulière parmi les vivants.

 

Emmanuel Kant qui est un penseur en avait une approche toute philosophique : Il dit que la dignité humaine est fondée sur la capacité de tous les hommes à distinguer le bien du mal, à faire un choix moral, à exercer un libre arbitre, facultés que ne possèdent par les autres êtres vivants.

 

Votre compatriote Axel KAHN soutient quant à lui, que les droits de l'homme ont pour fondements les capacités que possède chaque personne humaine de se projeter comme sujet digne de droit.

 

Le chrétien, le musulman et l'homme de foi en général, répondent qu'il existe une dignité propre à l'homme parce qu'il a été créé à l'image de Dieu, qu'il est seul à avoir une âme, et que cette parenté divine lui confère une dignité supérieure et des droits particuliers.

Jean-Paul II, dans son message à l'Académie des Sciences Pontificales, le 22 octobre 1996, disait de l'homme « qu'il a une valeur par lui-même. Il est une personne … c'est par la vertu de son âme spirituelle que la personne entière possède une telle dignité, même dans son corps ».

 

J'ose ajouter à ces différentes positions qui font autorité, mais qui sont fondamentalement divergentes, que les qualités essentielles inhérentes à la dignité humaine sont enchevêtrées.

 

L'homme est aussi pourvu d'une dignité parce que, seul parmi les êtres vivants, il distingue le bien ou le mal, l'amour ou la haine, la souffrance ou le bonheur, l'humiliation ou l'orgueil, se souvient ou oublie, rit ou pleure, pardonne ou se venge ... l'Homme n'est ni un ordinateur, ni un robot, car il éprouve des émotions, individuelles et sociales, qui interfèrent sur son comportement ou le déterminent.

 

En fait, le débat sur la nature et le contenu des droits de l'homme est aussi vieux que l'humanité elle-même. Chaque fois en effet, que des hommes progressent dans la connaissance, des voix se sont légitimement interrogées sur les limites qui doivent être assignées à ce progrès, pour éviter la déviance et la démesure. Car la connaissance, si elle a souvent amélioré notre condition d'Homme, elle a aussi été bien souvent associée à notre déchéance et nos fléaux.

 

Prométhée qui vole le feu aux dieux et le donne aux hommes, leur apporte ainsi l'accès aux arts et à la technique, mais avec pour cortège la maladie, la souffrance et la mort.

 

Adam et Eve goûtent du fruit défendu de l'arbre de la connaissance mais ils devront désormais, l'une enfanter dans la douleur, l'autre gagner son pain à la sueur de son front, et tous deux retourner un jour à la poussière.

 

Le débat sur la dignité humaine, sur les Droits de l'Homme, a pris sa tournure actuelle parce que grâce aux progrès scientifiques de tous ordres, notre époque est celle des Prométhée et autres Frankenstein des temps modernes ; nous sommes peut être à la veille d'une ère nouvelle, celle du post-humain.

 

Les progrès de la science étant nécessaires, ce qu'il nous faut préserver et donc protéger par les droits humains, ce sont « nos caractéristiques naturelles, l'unité et la continuité de notre nature, contre les tentations et les tentatives d'auto modification ». Francis Fukuyama a dit à ce sujet, que nous ne devons pas être des esclaves obligés d'un progrès technologique inéluctable : « La liberté véritable signifie la liberté de protéger les valeurs qui nous sont les plus chères ».

 

La richesse du village planétaire dans lequel nous vivons réside certes dans la diversité des cultures et non dans la pensée unique.

 

Permettez-moi de dire cependant, après d'autres, que la mondialisation, en imposant aux plus faibles les normes des plus forts, a engendré par réaction, le communautarisme et le repli identitaire. De sorte que nous vivons dans un système hybride qui, d'un côté, accepte et défend les règles du marché, la libre concurrence, les libertés individuelles et l'égalité des hommes en droit et en devoir, et qui, de l'autre coté, en raison de ces particularismes communautaires ou autres, et des intérêts économiques, s'accommode du racisme, de l'esclavage, du travail des enfants, de la discrimination sexuelle, des enfants soldats, des traitements dégradants infligés aux immigrés et j'en oublie.

 

Ces atteintes là, à la dignité humaine, continuent de nous préoccuper autant que nous interpellent la procréation artificielle et le clonage, le diagnostic prénatal et les manipulations génétiques, les plantes transgéniques et les OGM, la prolongation de la vie et la mort assistée, les drogues douces et le contrôle du comportement.

Car rien de ce qui est humain ne nous est étranger.

 

C'est dire que les droits de l'Homme restent des objectifs essentiels pour l'avenir. Je voudrais à cet égard saluer l'initiative du Président Sarkozy qui partage cette vision, au point d'avoir créé un Secrétariat d'Etat spécialement chargé de la question.

 

Je veux rendre hommage à tous ceux qui, personnes privées ou publiques, organisations internationales et associations locales, travaillent à rendre ces droits moins virtuels et plus effectifs.

 

Je veux saluer ici

 

·       les valeurs portées par votre pays, la France, patrie de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

 

·                               l'action du Comité des Droits de l'Homme des Nations Unies

·                               l'action protectrice de l'UNICEF à l'endroit de l'enfant et de la    mère ;

·                               l'implication déterminante du HCR dans la résolution du     problème des réfugiés à travers le monde ;

·                               la création de la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des     Peuples ;

·                               la mobilisation de la Ligue Béninoise des Droits de l'Homme et de la Commission Nationale des Droits de l'Homme ;

·                               l'action de l'Institut des Droits de l'Homme (IDH) créée par Feu        Mgr Isidore de SOUZA et le Professeur Maurice GLELE-        AHANHANZO ;

·                               celle aussi de la Chaire UNESCO des Droits de la Personne et de       la Démocratie dirigée par le Professeur Théodore HOLO

·                               enfin, le travail d'éveil citoyen de toutes les organisations de la     société civile.

 

Monsieur l'Ambassadeur,

Mesdames et Messieurs,

 

De tous les mérites que vous avez bien voulus m'attribuer, un de ceux auxquels je suis assurément le plus sensible est d'avoir aussi, à vos yeux et aux yeux de votre pays, contribué au progrès des droits de l'Homme.

 

Vive le Bénin,

Vive la France,

Vive l'amitié franco-béninoise

 

Je vous remercie.



18/11/2007
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