Bras de fer au sujet des fréquences Radios-Tv privées:
La Cour constitutionnelle veut détruire la Haac
1er avril 2008-In Matinal
Le Gouvernement béninois a saisi de nouveau dans la
journée d’hier lundi, la Cour Constitutionnelle à propos du dossier
d’attribution par la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication
(Haac), des fréquences aux promoteurs de radios et télévisions privées.
Désormais, au regard de la position affichée par le ministre Désiré Adadja dans
ce dossier, il faut craindre que la Haac soit réduite à une
« cellule » du ministère de la Communication. D’autant que dans cette
affaire, l’attitude de célérité pour le moins énigmatique de la Cour
Constitutionnelle n’est pas sans inquiéter beaucoup d’observateurs.
Le
ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies Désiré Adadja a de
nouveau saisi hier lundi 31 mars 2008, la Cour Constitutionnelle sur le dossier
de l’attribution par la Haac des fréquences radios et télévisions privées. De
toute évidence, le ministre Adadja a saisi la Haute juridiction en prévoyant
qu’elle va de nouveau débouter la Haac. Comme ce fut le cas lors de la première
saisine, beaucoup d’observateurs croient qu’il en sera de même cette fois-ci
encore. En tout cas, selon des informations crédibles, les sept sages de la
Cour ont donné ce jour comme dernier délai à la Haac pour déposer son mémoire
sur le dossier. Et c’est ici que beaucoup de questions méritent d’être posées.
Il convient en vérité, au-delà des faits et des propos des uns et des autres,
de se poser quelques vraies interrogations de fond sur le dossier des
fréquences radios et télés privées. On peut par exemple d’emblée se demander
pourquoi le gouvernement a décidé une seconde fois de saisir la Cour après la
dernière sortie de la Haac le 26 mars 2008. Car manifestement la nouvelle
saisine du ministre Adadja tend à démontrer que la Haac ne souhaite pas se
conformer à la décision des sept sages de la Cour. Pourtant, selon la Haac,
c’est après analyse et prise en compte des observations de la décision Dcc N°08-021
du 28 février 2008 rendue par la Cour qu’elle a décidé de prendre son nouvel
arrêt N°08-011/Haac du 26 mars 2008 qui, selon le porte parole de la Haac
Irénée Agossa, n’est ni plus ni moins qu’une décision « d’agrément de
projets pour l’usage de fréquences et de canaux en vue de l’installation et de
l’exploitation de radiodiffusion sonores et de télévisions privées. » Le
ministre de la communication avait saisi la Cour parce que dit-il, il ne
dispose pas des éléments nécessaires pour présenter « un rapport technique
digne de ce nom » sur les fréquences. La déclaration écrite du président
de la Haac, Ali Zato en date du 26 mars 2008, expliquait sur ce point qu’il
faut d’abord fermer l’étape de sélection des projets, et ouvrir la phase de la
signature des conventions d’autorisation d’usage de fréquences pour que le
rapport technique présenté par le Ministre en charge de la Communication soit
requis, conformément à l’article 35 de la Loi Organique N° 92-021 du 21
août 1992. On peut se demander alors pourquoi le ministre de la Communication
a-t-il tenu à saisir la Cour Constitutionnelle pour violation des textes par la
Haac, alors même que cette institution explique qu’elle n’est encore qu’à la
première étape du processus, étape qui doit ouvrir la voie à la seconde pour
laquelle le ministre dit déjà qu’elle a violé la Constitution ? Plus
simplement, pourquoi le ministre Désiré Adadja a-t-il demandé hier pour la
seconde fois à la Cour de se prononcer sur une violation par la Haac de la
loi ? Pourquoi, alors que la Haac souligne au ministre qu’avant qu’il ait
les éléments nécessaires pour présenter un rapport technique digne de ce nom
tel qu’il le veut, il lui fallait d’abord les dossiers des promoteurs ainsi
qu’un un délai de trois à quatre mois ? Pourquoi le ministre adresse t-il
un recours à la Cour contre la Haac alors que celle-ci souligne aussi que pour
que le ministre ait les éléments nécessaires pour présenter « un rapport
technique digne de ce nom », c’est en choisissant de lui transmettre le dossier
technique de chaque promoteur dont les projets ont été agréés au terme de la
procédure de sélection, que le ministre serait en mesure de présenter son
rapport technique dans un délai raisonnable ? Pourquoi donc une telle
précipitation de la part du ministre ? C’est ici qu’on pourrait aussi se
demander à quel jeu jouent les sept sages de la Cour Constitutionnelle. Car, en
effet, dans cette affaire où s’affrontent deux institutions de la République,
le jeu du troisième larron que constitue la Cour Constitutionnelle préoccupe
aujourd’hui beaucoup de Béninois.
Vers
la disparition de la Haac ?
Il est
de toute évidence clair que l’on s’achemine vers la cassure de la décision
d’attribution des fréquences radios et télévisions privées par la Haac. Et il
semble aussi que c’est là le souhait contenu du ministre Adadja. Un souhait que
semble combler la Cour Constitutionnelle. Or si cela arrivait, il faut bien se
résigner à réciter un requiem pour la Haute autorité de l’audiovisuel et de la
communication. Depuis le début de cette affaire, il est de plus en plus
démontré qu’il existe un axe Gouvernement - Cour Constitutionnelle. Pour
preuve, il y a quelques jours, lors de la première saisine de la Cour par le
ministre Désiré Adadja, la Haute juridiction avait exigé d’avoir un mémoire de
la Haac et du ministre Adadja. Mais alors que le mémoire de la Haac était
attendu le 14 février 2008, celui du ministre n’est intervenu que deux semaines
après, le 27 février 2008. Et à la Cour de rendre sa décision N° Dcc
08-021, le 28 février 2008 pour débouter la Haac. Une décision assez rapide.
Comme si la Cour a pris pour vérité absolue le mémoire du ministre Désiré
Adadja et a délibéré sur cette base. Les sept sages auraient-ils simplement
donné suite aux desiderata du Gouvernement ? Beaucoup d’observateurs
pensent en tout cas que cela en a tout l’air. Du côté de la Haac, si on ne veut
faire aucun commentaire et qu’on refuse de voir l’affaire en ces termes, il est
indéniable que la suspicion à peine voilée à l’endroit de la Cour Constitutionnelle
est perceptible sur les visages des conseillers. D’autant qu’en vérité, les uns
et les autres n’ont pas compris la célérité de la Cour Constitutionnelle à
rendre sa décision du 28 février sans prendre la peine d’appliquer la procédure
contradictoire prévue par ses propres textes dans les cas comme ceux-ci.
Pourquoi la Cour n’a-t-elle donc pas confronté la Haac et le Gouvernement pour
connaître la vérité ? On fait contre mauvaise fortune bon cœur à la Haac
mais la situation n’échappe pas aux uns et aux autres. Du côté de l’opinion
publique, on se demande si la seconde saisine de la Cour par le ministre n’est
pas déjà traitée d’avance. De la Haac ou du ministère de la Communication, qui
finalement devra jouer le rôle d’attribution et de contrôle des fréquences
radios et télés ? Même si ces dernières appartiennent à l’Etat, n’est-ce
pas la Constitution qui consacre la Haac, le Gouvernement et la Cour ? La
Cour renforcera-t-elle alors la Haac en lui assurant son autonomie ? Où la
Haute autorité, de l’audiovisuel et de la communication s’achemine-t-elle vers
la perte de ses prérogatives ? Sans être affirmatif, on peut craindre que
la Haac ne se transforme en une « cellule » du ministère de la
Communication. Parce que la Haac aurait perdu certains de ses pouvoirs
constitutionnellement reconnus et toute indépendance d’action. On en veut pour
preuve, la décision prise par le Gouvernement d’ordonner aux préfets de
s’opposer à toute implantation de nouvelles radios et télévisions sur leur
territoire avant les recours portés par l’Etat contre la Haac. Cette initiative
du pouvoir du Changement est ni plus ni moins qu’une violation des prérogatives
de la Haac à qui la loi donne pouvoir d’interdire ou de suspendre les
installations de radios et télévisions privées. Fermeture prochaine de toutes
les chaînes privées au Bénin ?
Le
bras de fer constitutionnel et institutionnel entre le Gouvernement du
Changement et la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication
(Haac) devrait interpeller tous les Béninois soucieux de préserver les acquis
de la démocratie béninoise. Car à l’analyse, on s’achemine dans ce dossier vers
la remise en cause des acquis de la Haac. Et l’un de ces acquis concerne les
anciennes attributions faites par l’institution de régulation aux promoteurs de
radios et télévisions privées. Car dans son recours, le ministre Adadja a fait
savoir à la Cour que les attributions de fréquences à ce jour se sont faites
sur la base de rapports techniques. Mais il n’en a jamais été ainsi en réalité.
Les conventions entre la Haac et les radios et télévisions n’ont jamais été
faites à ce jour au Bénin sur la base d’un rapport technique. Aussi, pour
rester dans sa droite ligne, le ministre Adadja se doit de demander la
fermeture et la révision des conventions de toutes les chaînes privées
actuellement en service sur le territoire. Ce qui on le craint, serait une
réelle remise en cause de la liberté de la presse et une violation des pouvoirs
de la Haac. Des citoyens se préparent à saisir la Cour dans ce sens.
Abdourahmane
Touré
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