Confusion émergente
Faut-il sacrifier le soldat Nago ?
In Matinal - 4 juillet 2008
Tous les généraux vous le diront : un chef de guerre n’ouvre
jamais plusieurs front à la fois, et ceci, quelle que soit la taille de son
armée et quelle que soit sa puissance de feu. Je ne parle pas de généraux
béninois évidemment. Je parle des généraux qui ont gagné leur galon au front et
non sur papier. Je parle, par exemple, d’Eisenhower qui a reçu la capitulation
allemande après avoir combattu partout dans le monde.
Remarquez, par exemple, les Américains. Première puissance
mondiale, ils n’ont jamais osé attaquer à la fois l’Irak, l’Afghanistan et
l’Iran. Ils ont d’abord anéanti l’Irak. Puis ils ont bousillé l’Afghanistan.
Aujourd’hui, ils cherchent un prétexte pour « terminer » l’Iran. Le seul et unique
exemple historique de chef de guerre qui a ouvert plusieurs fronts à la fois
s’appelle Hitler. Le front de trop ? C’était le front russe. Cette audace
marquait le début de la fin de la seconde guerre mondiale. Le résultat vous le
connaissez. Et de nombreux généraux s’accordent à dire que si Hitler n’avait
pas attaqué les Russes, on serait en train de lire l’histoire autrement.
Aujourd’hui, le Bénin est en situation de crise. Et le président Yayi Boni doit
se dire qu’il est actuellement un chef de guerre. Trois crises perturbent
actuellement le quartier latin : Une crise politique jamais connue depuis 1994,
une crise économique d’une ampleur de celle de la dévaluation. Et une fronde
sociale de la même amplitude. Autrement dit, Yayi Boni traverse exactement les
mêmes crises qu’a connues Nicéphore Soglo, il y a environ 15 ans. Vous avez eu
les résultats en 1996. Que le président Yayi le veuille ou non, il doit
attaquer ces crises. Il faut une solution. Et ce dans un délai d’un mois au
plus. Car, dans un mois, quand les prix des denrées auraient atteint le sommet
de l’Atacora, une fronde sociale naîtra immanquablement. Le drame, ce sera que
cette fronde vienne se greffer sur une crise politique déjà existante. Doit-il
ouvrir les trois fronts ensemble ? Il se fera hara-kiri. Or, il n’est pas
japonais. A moins qu’on me dise que les Nagots ont une origine nippone comme
les Baribas viennent de l’Arabie saoudite ou les Fons de l’Israël !!!
Le président Yayi Boni doit donc choisir son front d’attaque.
Par où commencer ? La crise économique ? Sa solution n’est pas des plus
urgentes. Réduction du train de vie de l’Etat, réduction des dépenses
extrabudgétaires, orthodoxie financière, diminution du nombre des ministères…A
court terme, l’équilibre peut être trouvé. La crise sociale ? Elle couve déjà.
Mais sa solution n’est pas à court terme. Il faut craindre ses conséquences.
C’est un front qu’on n’attaque pas sur un coup de tête. C’est comme le front
russe avec Hitler. On y perd des plûmes quant on y va avec précipitation.
La crise politique ? C’est la plus facile à régler. Et cela, en
moins d’une semaine. Voire en deux jours. Et la cerise sur le gâteau, sa
résolution permettra de créer une nouvelle synergie politique pour affronter la
crise sociale latente. Je disais hier à un conseiller du président de
Exemple : l’UDS. Si le G13 fait son entrée, l’Uds ne pourra plus avoir
les trois postes ministériels qu’ils ont actuellement. Sacca Lafia, Koguy
N’douro et Issa Démolé Moko. Comment voulez-vous qu’ils acceptent une ouverture
? Le drame, pour négocier avec le G13, c’est Koguy N’douro de l’Uds que le
président Yayi envoie. Or, ils sont rivaux au Nord. Et ils se détestent
cordialement. Vous voulez dans ces conditions que le ministre Koguy accepte une
entrée du G13 au gouvernement ? Nenni. Si le Psd faisait son entrée dans le
gouvernement, Maturin Nago ne vaudra plus son pesant d’or. Idem pour tous les
rigolos qui depuis deux ans promettent le Couffo à Yayi mais qui jusqu’ici
n’ont réussi qu’à mobiliser les membres de leur famille.
Si
La crise politique se résume en deux points aujourd’hui. Le
départ de Nago et l’installation des maires des 24 communes. Le point focal est
le départ de Nago. Le reste n’est que diversion. C’est pour celà que je disais
supra, que cette crise peut être réglée en deux jours. Le départ de Nago serait
un moindre mal pour Yayi Boni. Pourquoi ? Dans sa volonté de plaire au
président de
1- Un jour, un président de groupe parlementaire demande à voir
le président Nago. Sa secrétaire lui dit d’aller écrire une demande d’audience
!!! Fou de rage le député interpelle le président dans la cour. Et Nago de lui
répliquer que c’est la procédure et qu’il faut qu’il s’y soumette. C’est grave.
De mémoire de parlementaire, jamais un président (Houngbédji, Amoussou, Idji)
n’a exigé une demande d’audience avant de recevoir un député, mieux un
président de groupe parlementaire. Et qui était ce président de groupe
parlementaire ? Issa Salif du G13 !!!
2- Lorsque Célestine Adjanohoun s’est vue brimer à l’aéroport de
Cotonou, Nago n’a levé le moindre petit doigt. Mieux, tout ce qu’il a trouvé à
dire, « c’est que l’absence de l’honorable n’a pas été ressentie au cours de la
mission ».
3- Lorsque le ministre de
Si l’on y ajoute le refus des questions au gouvernement, les
accointances avec celui-ci des questions purement parlementaires, on aboutit à
une crise de confiance entre les députés et leur président. Une crise qu’aucune
négociation ne peut régler. Pour le G13, le G4, et Force-clé, toute négociation
commence par le départ de Nago. C’est un préalable. Les députés voulaient d’un
parapluie, y compris ceux de la mouvance. Mais Nago les conduisait tout
simplement sur les fourches caudines du gouvernement : humiliation, mensonges,
brimades. Nago a osé affirmer que c’est parce qu’il est propre que les députés
veulent l’enlever. Donc, les députés sont corrompus. Les hommes propres, c’est
au paradis. Pas sur terre. Surtout pas en politique. Aujourd’hui, le président
Yayi Boni a toujours le choix. Ou, il choisit de faire partir Nago pour
reconstituer une nouvelle majorité.
L’avantage, c’est qu’il élimine ce front pour s’attaquer au front social.
Celà avec le renfort de sa nouvelle majorité. La tension politique disparaîtra,
ce qui forcément, aura des répercussions positives sur la tension sociale. Ou,
il choisit de maintenir Nago contre vents et marées et l’activité parlementaire
est à jamais bloquée. Avec toutes les conséquences liées au bon fonctionnement
du gouvernement. Et mieux, les bailleurs de fonds hésiteront à intervenir dans
un pays qui fonctionne sans parlement : bonne gouvernance oblige. Et là, ce ne
sera que la partie visible de l’iceberg.
L’autre partie, c’est l’histoire du Bénin. Le président Zinsou
qui fait aujourd’hui copain copain avec le président Yayi devrait lui ouvrir
les yeux. Le Coup d’Etat dont il a été victime a eu les mêmes causes. Déjà en
1963, Maga avait essuyé une fronde sociale sans précédent. Lorsque cette fronde
a été greffée sur une crise politique plus tard avec l’affaire Bohiki, il y a
eu changement de régime. Je laisse le président Zinsou parler de sa propre
crise en 1969. Mais en 1972, une affaire de corruption, mêlée à une fronde
sociale a provoqué le départ de Ahomadégbé. En 1989, la conjoncture généralisée
a donné des idées aux communistes et autres politiciens exilés : Kérékou tirera
sa révérence en 1991. Plus proche de nous est le régime Soglo. Il a lui-même
contribué à créer sa propre crise politique en créant
Cette tactique ne date pas d’aujourd’hui. Elle a déjà été
utilisée par Eisenhower en 1944. C’est ce qu’il avait appelé l’opération «
Gambit ». Elle consiste à « sacrifier un pion pour dégager le jeu, ou pour s’assurer
un avantage d’attaque ». En juin 1944, les Allemands s’attendaient au
débarquement alliés partout sauf en Normandie. Eisenhower les conforta dans
cette idée. Il envoya environ cinq cents soldats ailleurs qu’en Normandie. Ils
furent massacrés par les Allemands qui croyaient que c’était le débarquement.
Pendant qu’il occupait les Allemands là-bas, il débarqua tranquillement en
Normandie. La fin de Hitler venait de sonner. C’est ça un chef de guerre. Un
monstre froid comme un Kérékou qui analyse les faits et pose des actes pour en
tirer profit. Eisenhower savait qu’il envoyait ces cinq cent soldats à une mort
certaine. Il les avait d’ailleurs avertis. Il leur a dit que leur mission
consistait à distraire les Allemands. Il l’a fait pour sauver le monde de la
furie hitlérienne. Il faut sacrifier Nago pour sauver le Bénin du chaos. Ces
soldats eux n’ont rien fait pour mériter ce sort. Ils l’ont accepté. Nago lui
mérite son sort. Il doit l’accepter. Si avec un budget d’environ huit
milliards, il est incapable d’avoir à sa cause 42 députés, il faut le laisser à
son sort. La politique, ce n’est pas un jeu d’enfant de chœur.
Charles Toko
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