"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Crise au PADME :

Il faut éviter la déstabilisation du secteur de la micro finance


Écrit par L'Autre Quotidien du 20/03/2008   

La crise que traverse, depuis quelques jours, le PADME (Projet d’Appui au Développement des Micro Entreprises), risque de porter atteinte au système de financements alternatifs béninois, surtout à la réputation de l'institution, si rien n'est fait pour amener les protagonistes à jouer la carte de l'apaisement.

Les révélations du Conseil des Ministres du 5 mars 2008, sur les scandales financiers, ont certainement fait tomber des nues de nombreux partenaires techniques et financiers qui ont toujours cité le PADME comme un exemple de réussite dans le microcosme des structures de financement alternatif, un cas d'école, voire un label d'octroi de micro finance en Afrique. Voici l'appréciation qu'en fait une institution financière internationale dont nous taisons le nom pour ne pas la remettre au coeur de la polémique. '' A première vue, le Projet d'Appui au Développement des micro entreprises (PADME) est l'une des institutions africaines micro financières les plus profitables. Bien que cette rentabilité soit en partie attribuable aux faibles coûts de capital et investissements dans la gestion et les systèmes d'exploitation, le PADME a mis en place un projet dont le potentiel de croissance au niveau de ses activités de vulgarisation paraît solide''. Un autre cabinet de renommée internationale, ayant une expertise avérée dans l'audit des banques et établissements financiers soulignait, il y a trois ans, dans un rapport : '' Le PADME est une institution solide, dotée d'une équipe de direction entièrement capable de gérer un emprunt commercial, et le potentiel de croissance dont il dispose justifie de nouvelles injections de fonds''. Ce cabinet ajoutait : '' L'équipe de direction, le Conseil d'Administration et l'ensemble du personnel adhèrent à la mission du PADME; accès facile et rapide au crédit à tous les micro entrepreneurs. Cette mission et la personnalité charismatique du Directeur général ont créé une véritable culture d'entreprise centrée sur l'efficacité et le service client. Elle transparaît à tous les niveaux de l'institution et elle est une source de motivation du personnel''. Ces appréciations plutôt flatteuses des milieux financiers internationaux tranchent avec les conclusions de la mission d'audit commanditée par le gouvernement qui a abouti à ce qu'on peut appeler aujourd'hui la crise du PADME. Le rapport de l'inspection générale des finances révèle une mauvaise gouvernance dans la gestion et le contrôle du PADME, caractérisée entre autres par «une mauvaise gestion du portefeuille crédits, avec un détournement de crédits par des agents à travers la mise en place de crédits fictifs reconnu par 39 agents pour un montant de plus d'un milliard de FCFA, la non supervision des activités du projet en raison des multiples voyages de son directeur général, qui n'a pas d'adjoint depuis 2005, ni de directeur technique». Il est également relevé, selon le gouvernement, une perte de 1.504.167.295 FCFA en 2006, «occasionnée par la mise en place de crédits irréguliers et autres malversations, l'attribution fantaisiste (hors grille salariale) de salaires trop élevés au directeur général et la découverte d'un réseau de faussaires de garanties». Mais toutes ces accusations sont balayées d'un revers de main par le Directeur général René AZOCLI soutenu par les agents de l'institution qui sont d'ailleurs en cessation de travail à la suite, de la nomination d'un nouveau directeur général par le ministre en charge de la Micro finance.

Le gouvernement peut-il limoger le DG ?

Dans ce jeu de yoyo entre le gouvernement et le Directeur général du PADME, il est devenu difficile d'affirmer qui des deux camps a le monopole de la vérité. D'autant plus que, jusqu'au jour des révélations en conseil des ministres, personne n'a eu à soupçonner une quelconque mauvaise gestion au niveau de René Azocli, présenté souvent comme un bon manager. Même les rapports des institutions internationales n'en ont jamais fait cas, bien au contraire, le PADME est souvent crédité d'une gestion solide et efficace, bref un exemple à suivre. Du coup certains observateurs incrédules résument la crise au dicton selon lequel ''qui veut tuer son chien l'accuse de rage''. Mais d'un autre côté, on se demande quel intérêt le gouvernement a à opérer un montage grossier sur une institution de renommée comme le PADME au risque de ternir l'image de l'institution ? Comme on le dit aussi assez souvent, il n'y a jamais de fumée sans feu. Par ailleurs, à la question de savoir si, le gouvernement a le droit ou non de relever le Directeur général de ses fonctions, seule la justice pourra nous édifier dans la mesure où chaque partie tire l'esprit des textes de son côté. En effet, le PADME a été créé en septembre 1993 par le gouvernement béninois, sur financement de la Banque mondiale, avec l'assistance technique de VITA, une ONG américaine. L'objectif était d'atténuer l'effet de l'ajustement structurel sur les micro entreprises, surtout dans la mouvance des départs volontaires de la fonction publique où beaucoup d'anciens fonctionnaires devraient se reconvertir dans le secteur privé. Mais, en novembre 1998, le projet arrivé à terme, va se transformer en association reconnue d'utilité publique. Le bureau exécutif, équivalent du Conseil d'administration est composé de cinq membres : un représentant de l'Association des clients du PADME, un représentant de la Fédération nationale des artisans du Bénin, un représentant de la Financial Bank, un représentant de Africare et un représentant du personnel de PADME. L'Etat n'est donc pas membre du bureau exécutif. Toutefois, conformément à la réglementation qui régit les IMF (Institution de Micro finance) au sein de l'espace UEMOA, l'Etat a un droit de regard sur le PADME tout comme toutes les autres institutions de micro-finance opérant au Bénin. Le cadre réglementaire de supervision des IMF dans la zone UEMOA est constitué par la loi PARMEC, adopté le 17 décembre 1993, par le Conseil des ministres de l'UEMOA. Cette loi vient en dérogation à la loi bancaire à travers divers décrets d'application propres à chaque pays de l'Union. Ce cadre détermine les conditions d'activité en micro finance pour les réseaux mutualistes et les groupements d'épargne et de crédit.

Psychose

Les structures non mutualistes, comme le PADME, souhaitant opérer, doivent signer une convention cadre quinquennale avec le ministère des Finances et de l'Economie. Ainsi toutes les IMF sont soumises à une supervision de ce ministère : approbation des statuts, rapports financiers trimestriels, mission de supervision pour vérifier les décrets d'application concernant la gouvernance, le contrôle interne et externe, taux maximum. C'est dans ce cadre que le PADME a signé avec la Cellule de Micro finance du Ministère des Finances, une première convention cadre venue à terme en 2004. Cette convention qui, en réalité, fait office d'autorisation d'exercice, a été renouvelée en juin 2005. Mais, la convention cadre donne-t-elle à l'Etat les prérogatives de limoger le Directeur général de PADME tout comme celui de toute autre institution de micro-finance ? Toute la question est là. Mais quoi qu'il en soit, la situation de crise qui règne au sein de l'institution aura des conséquences fâcheuses d'abord sur la clientèle qui, depuis deux jours, ne sait plus à quel saint se vouer. La fermeture des bureaux du PADME crée énormément de problèmes aux nombreuses femmes ayant pris des engagements auprès de l'institution. Quand on sait les conditions psychologiques dans lesquelles les commerçants travaillent pour rembourser les dettes du PADME, il y a lieu de s'inquiéter quant à une détérioration de la situation. Le PADME entretient un portefeuille clientèle de plus de près de 100 000 personnes. D'autre part, la psychose gagne, semble-t-il, d'autres structures de micro-finances qui se demandent à quand leur tour. Du moment où le gouvernement a fait de la micro-finance un instrument stratégique de lutte contre la pauvreté, il importe que la paix revienne dans la maison PADME. En effet cette structure comme d'autres IMF, sauve des centaines de milliers de Béninois exclus des circuits classiques de financements. Ils doivent pouvoir continuer à profiter des services du PADME, dont la réputation risque d'être écornée.

Gnona Afangbédji



20/03/2008
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