"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Des apatrides aux sorciers

mercredi 19 septembre 2007, par Aimi CHOUBADE 

La criminologie politique béninoise ouvre une nouvelle ère. On a vu les apatrides qui arpenteraient les chancelleries pour fermer les robinets au docteur-président. 200 millions prétendument engloutis dans le vitriol médiatique à travers des gazettes à audience internationale spécialisées dans la caricature du Bénin en route vers son émergence. Cette fois-ci, c’est l’heure de la magie noire dont les redoutables pouvoirs maléfiques auraient perturbé l’atterrissage de l’avion présidentiel contraint à deux heures de vol plané au dessus de l’aéroport international de Cotonou.

Au pays du vaudou il ne devrait pas y avoir une explication logique à cette catastrophe manquée. L’imaginaire collective accepterait plus volontiers la thèse de l’existence de plumes de poulets ou de mixture à l’huile rouge sur la piste qu’un rapport scientifique d’une commission d’enquête composée d’experts en aéronautique et d’officiers de police judiciaire. Il suffit de remettre au goût du jour la rhétorique sur les ennemis du changement, jaloux des progrès fantastiques réalisés par le pays en moins de 18 mois et revanchards d’une claque électorale mémorable en mars-avril 2006.

Or, il faut bien qu’une justification rationnelle puisse être fournie. La sécurité du chef de l’Etat est trop sérieuse pour servir de vivier à de vulgaires faits divers. La stabilité n’est pas l’apanage des seuls profiteurs du régime. La tradition est établie depuis plusieurs générations que les Béninois préfèrent les chahuts qui finissent toujours autour de quelques fanfaronnades esquisses qu’aux affrontements sanglants et meurtriers. Tout le monde sait ce que les changements de régime ont coûté et ont failli coûter à tout le pays. Il existe des divertissements plus instructifs que la chasse aux charlatans.

L’histoire du Dahomey devenu Bénin contient de ces épisodes sulfureux entre la politique et la science fiction. Le fameux complot contre le régime de Maga révélé par un certain Albert Tévoédjrè dont feu le président Ahomadégbé a traîné les séquelles jusqu’à sa mort. Plus près de nous, la tristement célèbre lutte contre la sorcellerie conduite de mains de fer par l’ancien ministre révolutionnaire Martin Dohou Azonhiho. A cette dernière époque tout vieillard était un malfaisant en puissance. Des camps de concentration ont même été identifiés notamment à Ahozon, Ouidah, Porto-novo et ailleurs pour tout vieillard soupçonné et passé à la vindicte populaire. Aux traitements dégradants et déshumanisants s’est ajouté un véritable crime écologique. De nombreux arbres centenaires réputés être des abris de sorciers ont été passés à la tronçonneuse.

Il n’y a aucun sorcier à chasser dans ce drame survenu à l’avion présidentiel. Il y a que des responsables de laxisme à rechercher. Une partie de la presse locale a déjà ouvert la brèche sur des défaillances flagrantes en indexant des manquements aussi bien techniques qu’administratives.

Au chef de l’Etat seul la prérogative de faire tomber des têtes ou pas. Pas aux exorcistes !



19/09/2007
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