"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

L’opposition en arc-en-ciel

La chronique de Sulpice Oscar GBAGUIDI

 
In Fraternité - Alfred Sauvy écrit dans la tragédie du pouvoir : ``La démocratie ne consiste pas à s’unir mais à savoir se diviser. L’unanimité, le plein accord est un mauvais signe’’. Il s’agit en fait d’une apologie de l’opposition déjà retrouvée chez Honoré de Balzac. Le leader du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) Me Adrien Houngbédji semble désormais collé à la réalité en se dissociant officiellement du pouvoir. Le président Boni Yayi peut se frotter la main. Il a enfin une opposition.

L’indigence légendaire de l’opposition en Afrique avait longtemps rendu Adrien Houngbédji frileux à toute position contre le régime du changement. L’homme arc-en- ciel se signalait par de timides sorties médiatiques sporadiques.

Par le biais d’un communiqué de clarification, l’ancien président de l’Assemblée nationale a finalement décidé de prendre ses responsabilités et d’assumer son statut d’opposant naturel à Boni Yayi. Le leader PRD a choisi la manière forte pour inaugurer l’opposition. Le communiqué musclé de la rentrée politique dénonce entre autres, l’absence de boussole le pilotage à vue, l’improvisation, le musellement de la presse, l’affairisme rampant dans l’entourage du chef de l’Etat. Mais redoutant le poids de son nouveau choix, le PRD invite le gouvernement à prendre un décret d’application de la loi sur le statut de l’opposition. C’est justement à ce niveau qu’apparaît la raison principale de la phobie de Houngbédji dont on connaît le dégoût prononcé pour tout acte oppositionnel. De peur de voir ses partisans mourir d’inanition, Adrien Houngbédji qui jouera sa dernière carte en 2011, rechigne à se mouler dans une opposition famélique. Sans doute faudrait-il avoir un caractère d’acier pour faire la douloureuse expérience de la RB qui a souffert le martyr pendant 10 ans d’opposition. Somme toute la loi sur l’opposition prévoit des avantages matériels et protocolaires et autres privilèges pour le Chef de l’opposition. Comme le père Paul MBA Abessole, opposant radical au régime Bongo, mais depuis 1999 converti au concept de démocratie conviviale, Adrien Houngbédji a souvent lorgné du côté du pouvoir. Le leader du Rassemblement national des boucherons a fléchi devant le biberon du gouvernement. Adrien Houngbédji a toujours marché sur des œufs avec ses loups gris obligés maintenant d’apparaître au grand jour. Le sociologue allemand Max Weber s’est insurgé contre l’opposition politique alimentaire n’obéissant qu’à une `` éthique du ventre au détriment d’une éthique de conviction’’.

Mais Adrien Houngbédji n’a plus le choix. Plusieurs fois malheureux candidat à la présidentielle, il reste le rival potentiel de Boni Yayi en 2011. Il ne se fait plus aucune illusion sur les intentions du chef de l’Etat qui a embarqué, la RB dans son navire. En fait, Boni Yayi avait déjà montré le chemin de la guérilla politique au leader du parti arc-en-ciel. La décision du PRD de se nicher dans l’opposition n’est donc pas gratuite. Adrien Houngbédji joue sa suivie politique ; seule l’opposition peut lui permettre d’éviter une mort politique précoce. Il n’est cependant pas à exclure que le patron du PRD dont on connaît la versatilité se colle maladroitement à sa nature d’arc-en-ciel en puisant dans ses mille et une couleurs pour fondre dans une opposition flottante. Adrien Houngbédji a la lourde responsabilité de sauver la démocratie, car la vie d’un Etat dépend de ce qu’en décide l’opposition. En tant que force de contrôle, c’est elle qui crée le dynamisme de tout changement. Si elle sombre, le pouvoir peut lui aussi sombrer. Et pourtant, des cas d’opposants responsables abondent. Il suffit d’interroger l’histoire et d’épouser la réalité. Albert Tévoédjrè avec force et conviction fait tanguer le navire Soglo. Feu Siradiou Diallo ne donnait pas de répit au président Guinéen Lansana Conté. Que dire de Gbagbo contre Houphouët Boigny ? Au Mali, Ibrahim Boubakar Kéita du Rassemblement pour le Mali (Rpm) ou encore Tiébélé Dramé du parti pour la renaissance nationale (Parena) font bouger l’opposition. Au Sénégal, le Ps de Tanor Dieng constitue un répondant parfait au pouvoir de Wade. Dans bien d’autres pays, les opposants sont simplement héroïques. La Birmane Aung Suu Kyi ou le togolais Gilchrist Olympio à l’époque de Gnassingbé Eyadema symbolisent le triomphe de l’opposition de conviction.

Mais Adrien Houngbédji doit éviter de noyer dans une opposition aveugle comme cette récupération politique du recul de la presse béninoise dans le classement mondial de reporter sans frontière. Il lui faut éviter de semer la confusion dans les esprits des populations et que la fascination et la boulimie du pouvoir ne soient source d’aveuglement pour le leader en mal d’autorité. Reste maintenant que l’opposition est pour Adrien Houngbédji un devoir, une exigence dictée par ses ambitions et son âge.


Sulpice Oscar Gbaguidi
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29/10/2007



29/10/2007
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