"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Deux ans après son accession au pouvoir :

 Un bilan politique chaotique pour Yayi Boni


Écrit par Le Matinal du 09/04/2008   

Le président Yayi Boni a bouclé depuis le dimanche 6 avril dernier deux ans à la tête de la République du Bénin. S’il faut louer certaines réalisations et les stratégies de lutte contre la mauvaise gestion dans le pays et la volonté de l’homme pour des défis majeurs, le bilan politique est simplement chaotique.

 

 

Le président Yayi Boni n’a pas réussi le volet politique de son parcours. Et après deux ans à la tête du pays, il s’est plutôt fait assez d’adversaires sur presque tous les fronts et il sera d’ailleurs bien difficile de conduire le reste du mandat dans une certaine quiétude politique. Elu avec 75% des suffrages des citoyens en mars 2006 avec des espoirs certains, il a raté la gestion de sa victoire pour s’être trop vite éloigné de ses grands alliés. Parce que son entourage, les stratégies mises en place pour la constitution du premier gouvernement et la manière même de gérer certains dossiers sensibles ne lui ont pas permis de conforter les acquis. Et au lieu de profiter de la vieille classe pour asseoir une bonne politique avant d’avoir une assise politique, il a préféré composer avec un groupe de jeunes politiciens très peu avertis qui lui rendent la vie difficile. Le renouvellement total des fonctionnaires de la présidence de la République aura été le premier grand faux pas sous l’ère Yayi Boni. Parce que ces agents civils et militaires qu’on a imprudemment remerciés en catastrophe sont certainement partis avec certains circuits de gestion et des dossiers sensibles qui auraient pu profiter au régime du changement. Ensuite, il y a la gestion dans l’administration. Au lieu de profiter également des agents zélés pour connaître mieux le pays, ses hommes, les modes de fonctionnement et les atouts, on s’est arrangé pour composer avec des gens qui se disent nouveaux alors qu’ils étaient des semaines plutôt avec le régime défunt et ont par surcroît gardé de bons liens avec leurs anciens patrons. L’autre grand défaut qui sera préjudiciable au régime du changement, sera le mode de formation des cabinets ministériels. C’est une cellule qui a été miraculeusement installée au Palais de la présidence de la République pour désigner les collaborateurs des ministres. Les premières crises ont commencé par le dysfonctionnement de ce système et la sortie en catastrophe du ministre Colette Houéto du gouvernement qui a été très mal vu dans l’opinion où des velléités d’une opposition ont pris corps. Plusieurs autres ministres vont subir le même sort. Ce qui va renforcer le camp des mécontents.  

 

La crise avec les partis politiques

 

 

Alors que dans l’opinion, tout se faisait pour obliger même les mécontents à se ranger, on arrête brutalement le président du Mouvement pour la Démocratie et le Progrès (Madep) Séfou Fagbohoun dans des conditions juridiquement très compliquées à soutenir. Du coup, les langues ont commencé par se délier. Dans l’opinion, on annonce déjà en ce moment que 40 des 75% qui ont conduit Yayi Boni à la Marina l’ont lâché. Et comme il s’obstinait à se rendre à l’évidence et voulant foncer la tête baissée sous une certaine pression de ses proches, le président Yayi Boni a déclenché une guerre contre ses alliés immédiats. Dans ce processus au cours duquel il a commencé par charcuter dans ses propres 35% du premier tour, c’est la démission d’office du député Issa Salifou que ses proches lui ont préconisé. La formule a buté contre les intérêts à l’Assemblée nationale et le président du parti Union Pour la Relève (Upr) et ses camarades dont l’ancien maire de Parakou Rachidi Gbadamassi ont commencé par prendre leur distance du pouvoir du changement. Désormais, c’est la course contre la montre et les complications qui ont suivi, vont bien fragiliser le gouvernement de Yayi Boni. Les adversités vont se renforcer avec l’affaire Sbee dans laquelle les deux députés Célestine Adjanohoun et Luc da Matha Sant’Anna proches du pouvoir ont été trempés et la gestion faite de ce dossier à l’Assemblée nationale. Entre temps, des personnalités de Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) ont multiplié les sorties politiques pour tenter de noircir le mandat de l’ancien président maire Nicéphore Dieudonné Soglo afin de lui récupérer la ville de Cotonou. Dans la même foulée, des militants du parti des Soglo ont été débauchés et promus à des postes de responsabilités. De l’autre côté, la manière dont le professeur Mathurin Nago a été installé au perchoir, est mal reçue au Parti Social Démocrate (Psd) de Bruno Amoussou et de sa dernière formation politique Ipd Gamesu de Jean-Claude Hounkponou. La convergence des mécontents a généré le G 4 avec les éléments du Parti du Renouveau Démocratique (Prd).  

 

Les conséquences de l’accord de législature violé

 

 

La nuit de miel qui a aidé à la gestion de l’élection des membres du bureau de l’Assemblée nationale au profit du président Yayi Boni n’aura duré que le temps d’un éclair. Plusieurs des députés qui ont prêté le serment de législature ont jeté l’éponge. La situation qui a fragilisé le bureau de l’Assemblée nationale réduit à quatre membres favorables au pouvoir va se solder par un mémorandum pour marquer la rupture entre Yayi Boni et le groupe de 13 députés qui iront renforcer la vieille classe politique et les éléments Force Clé élargi. C’est en tout 48 députés sur les 83 que compte le parlement. La majorité qui a changé ainsi de camp va créer un vide autour du président Yayi Boni. Dans cette situation pour laquelle le médiateur Albert Tévoédjrè a senti la nécessité de s’interposer avant qu’il ne soit trop tard, le président Yayi Boni n’a pas su discipliner les siens qui se sont lancés dans des sorties médiatiques qui ne sont pas de nature à l’aider à ramener la balle à terre.  

 

Les partis politiques en sursis

 

 

Dans sa logique de faire du Bénin un pays émergent, le président Yayi Boni a manqué de donner aux partis politiques leur place. Et malgré les réalisations sur tous les plans, sa bonne volonté de remettre chaque chose à sa place et les succès sur le plan diplomatique, le chef de l’Etat est confronté à de grandes difficultés. Parce que les partis politiques ne parviennent pas à jouer leur rôle et la tension sociale est à son comble. Aujourd’hui, pour avoir mal géré l’aspect politique de son mandat, le gouvernement Yayi Boni est obligé de consentir de sérieux sacrifices qui ne calment pas la tension. Mieux, la situation annonce bien d’autres crises à l’avenir.

 

La presse bâillonnée

 

 

Journalistes arrêtés, des pressions sur les responsables des organes de presse et une fiscalité sélective dont l’objectif ne peut conduire qu’à la fermeture de plusieurs entreprises de presse. Pour mieux dire, la presse nationale a été simplement dévalorisée. Un an après le départ de Kérékou, elle a perdu la première place pour passer à la neuvième position sur le plan africain. La situation a eu sur elle des répercussions mondiales. Sur place, on a du mal à suivre les éditions du journal à la télévision. Sur 45 minutes ou un heure d’une édition, il faut suivre le chef de l’Etat au Palais, ses sorties politiques et les autres marches de soutien à son profit pendant les ¾ du temps. Les groupes politiques antagonistes sont presque interdits de parole et une certaine monotonie s’est emparée des télévisions comme de presque toutes les radios du pays. Résultats, le pouvoir s’est bien discrédité et le gain des prochaines élections locales semble déjà hypothéqué et la majorité écrasante que le président Yayi Boni espère à la fin du scrutin n’est désormais qu’un vœu pieux.

 

Jean-Christophe Houngbo  



09/04/2008
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