Deux ans après son accession au pouvoir :
Un bilan politique chaotique pour Yayi Boni |
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Écrit par Le Matinal du 09/04/2008 | |
Le
président Yayi Boni n’a pas réussi le volet politique de son parcours.
Et après deux ans à la tête du pays, il s’est plutôt fait assez
d’adversaires sur presque tous les fronts et il sera d’ailleurs bien
difficile de conduire le reste du mandat dans une certaine quiétude
politique. Elu avec 75% des suffrages des citoyens en mars 2006 avec
des espoirs certains, il a raté la gestion de sa victoire pour s’être
trop vite éloigné de ses grands alliés. Parce que son entourage, les
stratégies mises en place pour la constitution du premier gouvernement
et la manière même de gérer certains dossiers sensibles ne lui ont pas
permis de conforter les acquis. Et au lieu de profiter de la vieille
classe pour asseoir une bonne politique avant d’avoir une assise
politique, il a préféré composer avec un groupe de jeunes politiciens
très peu avertis qui lui rendent la vie difficile. Le renouvellement
total des fonctionnaires de la présidence de la République aura été le
premier grand faux pas sous l’ère Yayi Boni. Parce que ces agents
civils et militaires qu’on a imprudemment remerciés en catastrophe sont
certainement partis avec certains circuits de gestion et des dossiers
sensibles qui auraient pu profiter au régime du changement. Ensuite, il
y a la gestion dans l’administration. Au lieu de profiter également des
agents zélés pour connaître mieux le pays, ses hommes, les modes de
fonctionnement et les atouts, on s’est arrangé pour composer avec des
gens qui se disent nouveaux alors qu’ils étaient des semaines plutôt
avec le régime défunt et ont par surcroît gardé de bons liens avec
leurs anciens patrons. L’autre grand défaut qui sera préjudiciable au
régime du changement, sera le mode de formation des cabinets
ministériels. C’est une cellule qui a été miraculeusement installée au
Palais de la présidence de la République pour désigner les
collaborateurs des ministres. Les premières crises ont commencé par le
dysfonctionnement de ce système et la sortie en catastrophe du ministre
Colette Houéto du gouvernement qui a été très mal vu dans l’opinion où
des velléités d’une opposition ont pris corps. Plusieurs autres
ministres vont subir le même sort. Ce qui va renforcer le camp des
mécontents. La crise avec les partis politiques Alors
que dans l’opinion, tout se faisait pour obliger même les mécontents à
se ranger, on arrête brutalement le président du Mouvement pour la
Démocratie et le Progrès (Madep) Séfou Fagbohoun dans des conditions
juridiquement très compliquées à soutenir. Du coup, les langues ont
commencé par se délier. Dans l’opinion, on annonce déjà en ce moment
que 40 des 75% qui ont conduit Yayi Boni à la Marina l’ont lâché. Et
comme il s’obstinait à se rendre à l’évidence et voulant foncer la tête
baissée sous une certaine pression de ses proches, le président Yayi
Boni a déclenché une guerre contre ses alliés immédiats. Dans ce
processus au cours duquel il a commencé par charcuter dans ses propres
35% du premier tour, c’est la démission d’office du député Issa Salifou
que ses proches lui ont préconisé. La formule a buté contre les
intérêts à l’Assemblée nationale et le président du parti Union Pour la
Relève (Upr) et ses camarades dont l’ancien maire de Parakou Rachidi
Gbadamassi ont commencé par prendre leur distance du pouvoir du
changement. Désormais, c’est la course contre la montre et les
complications qui ont suivi, vont bien fragiliser le gouvernement de
Yayi Boni. Les adversités vont se renforcer avec l’affaire Sbee dans
laquelle les deux députés Célestine Adjanohoun et Luc da Matha
Sant’Anna proches du pouvoir ont été trempés et la gestion faite de ce
dossier à l’Assemblée nationale. Entre temps, des personnalités de
Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) ont multiplié les sorties
politiques pour tenter de noircir le mandat de l’ancien président maire
Nicéphore Dieudonné Soglo afin de lui récupérer la ville de Cotonou.
Dans la même foulée, des militants du parti des Soglo ont été débauchés
et promus à des postes de responsabilités. De l’autre côté, la manière
dont le professeur Mathurin Nago a été installé au perchoir, est mal
reçue au Parti Social Démocrate (Psd) de Bruno Amoussou et de sa
dernière formation politique Ipd Gamesu de Jean-Claude Hounkponou. La
convergence des mécontents a généré le G 4 avec les éléments du Parti
du Renouveau Démocratique (Prd). Les conséquences de l’accord de législature violé La
nuit de miel qui a aidé à la gestion de l’élection des membres du
bureau de l’Assemblée nationale au profit du président Yayi Boni n’aura
duré que le temps d’un éclair. Plusieurs des députés qui ont prêté le
serment de législature ont jeté l’éponge. La situation qui a fragilisé
le bureau de l’Assemblée nationale réduit à quatre membres favorables
au pouvoir va se solder par un mémorandum pour marquer la rupture entre
Yayi Boni et le groupe de 13 députés qui iront renforcer la vieille
classe politique et les éléments Force Clé élargi. C’est en tout 48
députés sur les 83 que compte le parlement. La majorité qui a changé
ainsi de camp va créer un vide autour du président Yayi Boni. Dans
cette situation pour laquelle le médiateur Albert Tévoédjrè a senti la
nécessité de s’interposer avant qu’il ne soit trop tard, le président
Yayi Boni n’a pas su discipliner les siens qui se sont lancés dans des
sorties médiatiques qui ne sont pas de nature à l’aider à ramener la
balle à terre. Les partis politiques en sursis Dans
sa logique de faire du Bénin un pays émergent, le président Yayi Boni a
manqué de donner aux partis politiques leur place. Et malgré les
réalisations sur tous les plans, sa bonne volonté de remettre chaque
chose à sa place et les succès sur le plan diplomatique, le chef de
l’Etat est confronté à de grandes difficultés. Parce que les partis
politiques ne parviennent pas à jouer leur rôle et la tension sociale
est à son comble. Aujourd’hui, pour avoir mal géré l’aspect politique
de son mandat, le gouvernement Yayi Boni est obligé de consentir de
sérieux sacrifices qui ne calment pas la tension. Mieux, la situation
annonce bien d’autres crises à l’avenir. La presse bâillonnée Journalistes
arrêtés, des pressions sur les responsables des organes de presse et
une fiscalité sélective dont l’objectif ne peut conduire qu’à la
fermeture de plusieurs entreprises de presse. Pour mieux dire, la
presse nationale a été simplement dévalorisée. Un an après le départ de
Kérékou, elle a perdu la première place pour passer à la neuvième
position sur le plan africain. La situation a eu sur elle des
répercussions mondiales. Sur place, on a du mal à suivre les éditions
du journal à la télévision. Sur 45 minutes ou un heure d’une édition,
il faut suivre le chef de l’Etat au Palais, ses sorties politiques et
les autres marches de soutien à son profit pendant les ¾ du temps. Les
groupes politiques antagonistes sont presque interdits de parole et une
certaine monotonie s’est emparée des télévisions comme de presque
toutes les radios du pays. Résultats, le pouvoir s’est bien discrédité
et le gain des prochaines élections locales semble déjà hypothéqué et
la majorité écrasante que le président Yayi Boni espère à la fin du
scrutin n’est désormais qu’un vœu pieux. Jean-Christophe Houngbo |
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