LE BENINOIS LIBERE - - 19 mars
La
ministre Sakinatou comme chair à canon
(Le
Gouvernement n’éprouve plus la honte, et c’est grave)
Ahmed
SEKO YARI
Dans
un lyrisme jusqu’ici jamais égalé, Léopold Sedar Senghor dans le poème ‘’Femme
noire, femme africaine’’, a rendu un hommage des plus mérité à la femme du
continent noir. Celle-là même qui est symbole de vie, de dignité et pierre
angulaire de l’équilibre et de l’harmonie familiale. Au Bénin, Boni Yayi quant
à lui a choisi de faire d’une femme le bras armé d’une entreprise aux relents
fascistes. La ministre des Microfinances, Sakinatou Alfa Orou Sidi, brave femme
parmi les braves, a été désignée pour aller au charbon. Une de plus que le
Changement cassera le moment venu, lorsque cette affaire nécessitera un bouc
émissaire. Conformément donc au mauvais rôle qu’on lui a assigné, le discours
de la ministre ne pouvait que se résumer en un ensemble de contre-vérités qu’il
convient de démonter point par point.
Au
sujet de la genèse du Padme.
Redondance, voila comment on peut qualifier les propos de l’envoyée de Yayi sur
la question de la genèse du Padme. La ministre n’a rien dit qu’on ne savait
déjà et qu’on a pas écrit dans les colonnes de ce journal. Il s’agit notamment
de ce que le Padme était à l’origine un projet financé conjointement par la Banque mondiale et l’Etat
qui a acquis par la suite le statut d’association de loi 1901. Bien qu’à ce
niveau on peut noter un certain amalgame de la part de la ministre, on ne peut
que constater qu’elle ne tire pas toutes les conséquences juridiques des
structures associatives de loi 1901. Ce qu’elle aurait dû dire à ce sujet c’est
que ce type d’association ne relève aucunement de la tutelle de l’Etat et que
donc tout acte qui irait dans ce sens ne serait que frappé de nullité.
Au
sujet de l’article 7 alinéa 1 de la Convention de transfert d’actif et de passif. A ce sujet, la ministre a fait un numéro digne d’un
magicien sortant un lapin d’un chapeau. En effet, cet article sort de nulle
part dans la logique de son raisonnement. La ministre n’avait pour seul souci
que de dire, conformément aux dispositions de cet article, que « l’Etat
est propriétaire des éléments transférés ». Ce faisant, l’envoyée de Yayi
s’est gardée de mentionner deux éléments. D’abord l’intitulé de l’article en
question qui précise qu’il s’agit des ‘’Déclarations’’. Autrement dit,
l’article 7 alinéa 1 a
pour souci de répondre à cette question : au moment du transfert, que
déclare comme étant sa propriété celui qui cède ses actifs et ses passifs ?
La réponse à cette question est celle inscrite à l’article en question à savoir
« [moi] l’Etat [j’ai déclaré dans la présente convention être]
propriétaire des éléments transférés ». C’est d’ailleurs le sens de
l’article 4 de ladite convention. Cette précision vaut la peine d’être
mentionnée car on peut être signataire d’un acte de transfert de biens sans en
être le propriétaire. Pour s’en convaincre, il suffit tout simplement
d’imaginer l’hypothèse selon laquelle le signataire est un mandataire. Ensuite,
la ministre Sakinatou n’a pas pu ou voulu dire qu’après signataire de l’acte de
transfert, l’Etat continue à être propriétaire des biens transférés. Non, elle
n’a pas pu ou voulu dire cela car elle sait très bien que dans cette même
Convention de transfert, l’article 5 alinéa 1 qui stipule que
« l’Association aura la propriété et la jouissance des biens corporels et
incorporels, et l’ensemble des actifs apportés à compter du jour de la
signature des présentes » (sic).
Au
sujet des apports de la
Banque Mondiale et de l’Etat sous forme de prêts et de
subventions. S’il y a un
endroit dans la déclaration de la Ministre Sakinatou qui souffre d’amalgame, de
confusion et de pénombre, c’est bien ce sujet là. La ministre n’a en effet pas
précisé à quel statut de la structure correspondait un apport. Autrement dit,
le Padme était-il sous forme de projet ou d’association quand il recevait ces
prêts ou subvention ? La question est d’importance car la réponse n’est
pas la même dans un cas ou dans l’autre. Il convient préalablement d’apporter
une clarification au regard d’une erreur commise par la ministre. C’est la Banque mondiale qui a
procédé à des octrois de crédits et autres subventions par le biais de l’Etat
c’est-à-dire en passant par l’Etat et non l’inverse conformément à ce que la
ministre a voulu faire croire. Ceci dit, si l’apport de l’Etat s’est opéré sous
forme de prêt au moment où le Padme avait déjà son statut d’association, alors
il ne s’agit que d’une somme remboursable qui ne doit pas faire croire un seul
instant à celui qui l’octroi qu’il devient propriétaire de la structure qui en
devient bénéficiaire. Si l’apport de l’Etat s’est opéré sous forme de
subvention au moment où le Padme était encore sous forme de projet, alors la
propriété des biens objets de ladite subvention a été l’objet d’une cession de
la part de l’Etat. Quoi qu’il en soit, les prêts et subventions en question
n’ont pour finalité que de justifier l’intrusion de l’Etat dans la gestion du
Padme. D’où la question de l’envoyée de Boni Yayi : « N’est-ce pas
suffisant pour que l’Etat ait un droit de regard sur la gestion des ressources
ainsi mises à disposition ? ». La réponse Madame la Ministre est non. Référez
vous tout simplement à l’article 6.7 alinéa 3 qui stipule que « l’Etat
s’engage à ne pas s’immiscer dans la gestion des actif et passif transférés, à
compter de la date du transfert » (sic).
Au
sujet du contrôle que doit exercer le Ministère des Finances et de l’Economie
conformément à l’article 10 de la Convention. La seule question qui ne peut que venir à l’esprit est
de savoir pourquoi la ministre s’est référée à cet article. Car à ce qu’on
sache, le problème dans cette affaire n’a jamais été que le Padme conteste le
bien-fondé d’un contrôle. Bien au contraire, il s’y est prêté de bonne grâce.
Alors, que veut prouver la ministre en invoquant l’article 10 ?
Au
sujet de l’article 8 de la
Convention d’autorisation d’exercice intitulé ‘’sanctions’’. De l’aveu même de la ministre, cette disposition
est la plus importante car selon elle, elle contient la preuve même que le
gouvernement est en bon droit d’agir comme il le fait. En effet, cet article
stipule en son alinéa 2 que « Le Ministre, suivant la nature et la gravité
des infractions commises, peut prendre les sanctions disciplinaires suivantes :
l’avertissement, le blâme, la suspension ou la destitution des dirigeants du
Padme responsables, la résiliation de la convention ». Lu comme cela, on
ne peut que croire que le Gouvernement a raison. Et pourtant, la ministre s’est
bien gardée de citer l’alinéa 2 de cet article 8 qui dispose que « Toute
infraction aux dispositions de la présente convention est passible de sanctions
disciplinaires ou pécuniaires selon le cas ». Autrement dit, cet article
ne parle que des infractions aux dispositions prévues dans ladite convention
d’autorisation d’exercice. Or, ce qui est remarquable dans les déclarations de
la ministre, c’est que nulle part elle ne mentionne la ou les disposition(s) de
cette convention que les dirigeants du Padme auraient violée (s). Autrement
dit, elle ne précise en rien que les observations faites à partir des travaux
de vérification de l’Igf constituent des violations de la convention
d’autorisation d’exercice. Elle ne saurait le faire parce que ce n’est pas le
cas.