"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Ecureuils :

 pour Waby Gomez

Simple bruit qui court ou idée fixe dans le crâne de quelques dirigeants de notre football ? Le Bénin serait en passe de recruter un nouvel entraîneur, en l’occurrence « un sorcier blanc » pour présider aux destinées des Ecureuils qualifiés, comme on le sait, pour la phase finale de la Can Ghana 2008. La rumeur va aussi vite que les « Zémidjans » qui quadrillent Cotonou. L’idée fixe, persistante et insistante, creuse un trou de plus en plus profond dans les esprits.

Si la rumeur ou l’idée fixe devenaient la vérité de demain, cela signifierait que Waby Gomez, l’actuel coach du Onze national, devrait se résoudre, toutes affaires cessantes, à rendre son tablier et à passer le témoin à un entraîneur venu de loin, un gourou venu du froid estimé plus compétent que lui et dont le coaching aurait été jugé plus opérationnel que le sien.

En somme, c’est l’oiseau rare, « le phénix des hôtes de ces bois » pour parler comme le fabuliste, qu’on s’apprêterait à aller nous dénicher. Au nom de l’amour des Ecureuils qu’on voudrait voir tenir la dragée haute à tous les Eléphants et à tous les Aigles. Au nom du souci d’épargner à notre football un naufrage collectif, une mémorable déculottée au Ghana. Au nom d’un certain amour propre qui interdit de laisser plonger un Bénin désormais sur la courbe ascendante de l’émergence et sur l’orbite du changement.

Qu’est-ce qui peut porter à tenir un tel raisonnement et à chercher à évoluer dans une telle logique ? Le fait que le Bénin se soit retrouvé dans le groupe le plus difficile de la compétition a libéré l’imagination des uns : il faut accompagner les Ecureuils des sortilèges d’un sorcier hors du commun, en l’occurrence d’un « sorcier blanc » C’est plus convainquant. C’est plus rassurant. Le fait de souhaiter voir les Ecureuils aller au bout d’un grand et beau rêve a rendu les autres fébriles. Un témoin privilégié ne s’est-il pas déjà annoncé en la personne du premier des Béninois ? Boni Yayi sera au nombre des supporters des Ecureuils au Ghana. A Dieu ne plaise donc que soit versée par terre, pour parler comme en Côte d’Ivoire, la figure du Président.

Quelque soient les motivations des uns et des autres, autorisons-nous d’être clair et de parler sans détour : on ne peut pas, au pied levé, prendre l’imprudente et bien légère décision de faire passer par pertes et profits l’expertise de Waby Gomez, une expertise positivement mise à l’épreuve, avec des résultats aussi probants que convaincants. La qualification des nôtres à la phase finale de la Can Ghana 2008, qui n’est ni un fait du hasard ni un coup de chance, en est l’expression la plus palpable et la plus éloquente.

Waby Gomez a l’avantage de suivre les joueurs sélectionnés en équipe nationale depuis un temps relativement long. Ce qui suppose qu’il connaît assez bien ces jeunes gens avec qui il a déjà fait plusieurs campagnes. Ce qui suppose également que ce travail qui commence à porter aujourd’hui des fruits, mêmes modestes, a mûri au feu d’une assez longue élaboration, grâce à de nombreux réglages et rectificatifs portant sur de nombreux paramètres qu’il a fallu maîtriser.

Un entraîneur qu’on commettrait l’erreur de parachuter aujourd’hui, devrait reprendre le travail à zéro. Ce qui supposerait, à quelques semaines de la compétition, un virage à 180 degré dans la préparation des nôtres. Ce qui supposerait que les nôtres se verraient dans l’obligation de se reconvertir à une nouvelle vision de jeu, d’entrer dans un nouveau schéma tactique, d’adopter une nouvelle stratégie, de s’imposer un nouveau style, un nouveau rythme, pour des tâches nouvelles de coordination d’ensemble.

Une telle option sacrifierait allègrement la profondeur et la durée sur l’autel d’une regrettable superficialité, fût-elle enrobée d’une expertise et d’une technicité qu’on voudrait hors pair. A moins que nous nous convertissions à la religion de faire de notre messie de « sorcier blanc » un magicien capable d’exploits extraordinaires et hors du commun, des exploits à défier la raison et à bousculer l’ordre naturel des choses.

Et puis, tout dépend de ce que nous voulons faire en dernière analyse. Voulons-nous aller au Ghana pour confirmer le travail long et patient réalisé sous la direction de Waby Gomez, travail qui nous a fait entrer dans le cercle d’excellence des seize meilleures formations du contient ? Qui niera qu’une équipe, en terme d’un bloc homogène et cohérent, est progressivement sortie d’une telle expérience, avec des jeunes gens qui prennent autant le plaisir que l’habitude de jouer ensemble, sous la supervision d’un seul et même maître d’orchestre, Waby Gomez le bien nommé.

Voulons-nous plutôt aller au Ghana pour faire des étincelles, le temps de traverser le ciel de la compétition, tel un météore ou une étoile filante, c'est-à-dire de manière brillante et fulgurante, mais sans durée ni durabilité. En somme, une campagne pompeusement légère, superbement vide, auréolée et encadrée d’un coaching prestigieux, qui nous aura coûté, par ailleurs, les yeux de la tête, mais pour rien.

Par rapport à quoi, la sagesse devrait vite nous habiter pour que nous sachions opérer le seul et unique choix qui s’impose, diligemment et intelligemment : Waby Gomez est à confirmer coach des Ecureuils dans l’esprit d’une continuité qu’on ne saurait remettre en question au profit de toute autre formule qui ne serait que la face « étrangère » d’une colossale supercherie. Nul n’est prophète en son pays et à beau mentir qui vient de loin.

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 8 novembre 2007


08/11/2007
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