"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

NE PAS SOLDER LE PASSE,

 C'EST SE CONDAMNER A PAYER A NOUVEAU LES FACTURES DE L'HISTOIRE

La Chronique de T.L.F.

Fidèles auditeurs, on peut toujours rêver, n'est-ce pas ? C'est pourquoi mon rêve à moi, en ce moment, est que le président de la République donne l'ordre de faire cesser les marches. Ces marches qui ont commencé à fleurir sur le territoire national depuis le 16 juillet 2007, date de sa marche à lui à travers Cotonou, pour marquer sa détermination dans la lutte contre la corruption. Je rêve qu'il fasse cesser ces marches, parce que je n'ose pas croire qu'il ait la faiblesse de croire que ces marches ajoutent quelque chose à sa détermination et à l'efficacité de la lutte contre les corrompus. Il n'y a en effet rien de moins spontané et de moins sincère que ces manifestations tapageuses de soutien. Elles sont le plus souvent organisées par les gros malins qui ne rêvent que de figurer dans le peloton de tête des meilleurs thuriféraires du chef. Et comme l'un des sports les plus prisés au Bénin, c'est la concurrence impudique entre thuriféraires, on comprend qu'à la suite de la marche dite verte de Boni Yayi, aient commencé à fleurir tous azimuts des marches de toutes les couleurs.

La fâcheuse conséquence de ceci, c'est que les populations misérables vont être de plus en plus sollicitées pour battre le pavé au bénéfice de quelques gros malins, et que les chaînes de télévision, aux programmes déjà misérables, vont rivaliser d'ardeur pour assurer la couverture et la diffusion de tous les battages de pavé. Or, je doute qu'une telle concurrence entre les marcheurs d'une part, et entre les chaînes de télévision d'autre part, apporte quelque chose de tangible au développement national et surtout à la vraie lutte contre la corruption.
Parce qu'il faut le dire, la lutte contre la corruption peut être de deux ordres à savoir : la fausse, faite essentiellement de tintamarre trompeur, de gros effets d'annonce, et la vraie, faite avant tout d'actions courageuses, cohérentes et méthodiques. Je ne disais d'ailleurs pas autre chose la semaine dernière, dans mon propos qui avait pour titre : « LA MARCHE DE BONI YAYI N'EST PAS EN CAUSE… C'EST PLUTÔT LA DEMARCHE. » Excusez-moi de vous proposer ledit propos à nouveau. Il est toujours d'actualité, à cause justement de la floraison des marches de soutien qui ne fait malheureusement que commencer. Citation donc :
« Personnellement, je ne crois pas me tromper en affirmant que le premier faux pas majeur de Boni Yayi, sur le plan de la lutte contre la corruption, a été le ratage des audits dans les ministères, offices, sociétés publiques, parapubliques et autres. Ce ratage grave, il l'a reconnu lui-même par la suite mais curieusement, ne semble pas vouloir y revenir. Or, ces audits sont historiquement incontournables, n'ayons pas peur des mots ! Personne ne peut espérer instaurer un régime nouveau, crédible et durable, en plantant sa fondation dans les immondices d'un régime défunt particulièrement pourri.

Un profond nettoyage du terrain s'impose.
Un terrain qui, en l'occurrence, semble être une version tropicale moderne des écuries d'Augias. D'accord, je reconnais qu'un tel nettoyage serait un vrai Travail d'Hercule. Mais le président se trompe – et il nous trompe – s'il croit pouvoir s'y dérober ou passer l'éponge là-dessus.
Je persiste et signe, c'est un authentique Travail d'Hercule incontournable. Et j'affirme, avec une conviction inébranlable, que nombre de dossiers qui pourrissent l'actualité nationale et, pour certains, pourrissent la vie des Béninois, nombre de ces dossiers auraient connu un parcours moins préjudiciable aux Béninois, si le nettoyage des écuries d'Augias avait été méthodiquement et convenablement fait. Parmi ces dossiers, je prendrai deux : celui des réseaux GSM et celui de la Société Béninoise d'Energie Electrique.
Ainsi, au niveau des réseaux GSM, si les audits avaient été méthodiquement et convenablement faits, les responsabilités à divers niveaux n'auraient-elles pas été déjà situées ? Surtout que dans cette nébuleuse des réseaux GSM au Bénin, l'absolu avait été atteint en terme d'incurie, d'abomination et d'ignominie, sur fond de dizaines de milliards en folie. Si les audits avaient été méthodiquement et convenablement faits, dis-je, n'aurait-on pas déjà interpellé tous ceux qui avaient pataugé dans l'incurie, l'abomination et l'ignominie en faisant main basse sur les milliards en folie ? Dans ce cas, y aurait-il encore quelque risque que le Bénin se retrouve dans la situation incroyable dans laquelle il se trouve aujourd'hui au plan des réseaux GSM ?
Je ne pense pas.
Quant à la SBEE, si les audits avaient été méthodiquement et convenablement faits, les Béninois auraient-ils pu se voir imposer le spectacle surréaliste du directeur de la SBEE et celle qui l'a précédé à ce poste, faisant tranquillement campagne pour devenir députés, alors que cette société se débattait contre une crise énergétique sévère, la crise énergétique sévère qui désespérait tout le pays ? Et pourtant, dame Célestine Adjanohoun et le sieur Luc da Matha se firent élire sur la liste FCBC du chef de l'Etat. Eh ! oui, sur la liste du chef de l'Etat qui, sous la pression d'accablantes révélations, se trouve aujourd'hui contraint de demander la levée de leur immunité parlementaire. Une demande de levée d'immunité qui n'a d'ailleurs pas respecté l'orthodoxie en la matière. Objectivement, avouez que cela fait désordre.
C'est à ce stade que s'impose à nouveau la question de savoir si le gouvernement a un plan de lutte contre la corruption. Faute de pouvoir répondre par l'affirmative, on peut supposer que le gouvernement applique, au moins, un programme minimum. Un programme minimum qui ne peut réussir s'il n'est – au minimum – cohérent, courageux et méthodique.
Or, cohérent ? C'est à voir.
Courageux ? c'est possible : il lui est déjà arrivé, au président, d'affirmer avec force qu'il est prêt à verser son sang pour la lutte contre la corruption. Et sa marche inédite à travers Cotonou, pour rappeler aux corrompus de tout poil que sa détermination est intacte, cette marche ne manque pas de panache.
Mais, comme dirait l'autre, ce ne sont là qu'incantations et gesticulations. Ce qui manque, ce sont les actions. Des actions méthodiques. Et les actions méthodiques, ce sont d'abord et avant tout les audits. Les audits dans toutes les règles de l'art, afin de faire rendre gorge à tous les mis en cause, dans toutes les règles du droit.
Il faut solder le passé !
C'est ce que je crois.
T.L.F.

 



17/08/2007
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