Etat des lieux
mai 7, 2008 |
La liberté de presse est menacée au Bénin. Exprimé sous cette forme, ce constat
frise un coup porté contre le régime du changement. Et pourtant c’est un
constat qui date de tous les régimes et qui probablement ne s’arrêtera pas à
celui-ci. Parce que le propre de toutes les libertés c’est de n’être jamais
totalement conquises, d’être pour ainsi dire toujours en devenir. Il en est de
celle-ci comme de la liberté d’expression, surtout dans les démocraties balbutiantes
comme les nôtres. Il faut chaque fois lutter pour l’arracher, se battre pour la
conserver et plus pour l’élargir. Nous sommes au Bénin dans ce dernier combat,
celui de l’élargissement.
Nous sommes en effet dans la période où la presse doit conquérir de nouveaux
espaces de liberté, de nouveaux droits parce qu’elle a franchi précisément la
barrière des libertés élémentaires sans lesquelles le métier se verrait vidé de
toute substance et de tout sens. Nous sommes dans cette période où les libertés
conquises par la force de la plume et du micro méritent maintenant d’être
dépoussiérées pour que l’on y voit plus clair pour braver de nouveaux horizons.
Nous sommes à la croisée des sentiers. De quoi s’agit-il ?
De cette presse qui ne sait plus revendiquer des droits mais des prébendes,
qui, comme les politiques, revendique sa part du fameux gâteau national.
Aujourd’hui, les nombreuses publications qui assaillent les kiosques comme les
nombreuses chaînes de radio et de télé qui assiègent les ondes n’entendent plus
que la raison de l’argent. Certes, les entreprises de presse constituées
souvent sur un coup de tête ou un coup de gueule, mal préparées face à
l’impératif commercial, deviennent trop souvent les caisses de résonance des
pouvoirs d’argent ou des puissances politiques qui les manipulent à souhait. A
ce niveau se pose le problème de la fiabilité même de ces entreprises
hâtivement constituées sans étude de marché, sans plan managerial et sans
perspective sérieuse. Le fallacieux projet consistant trop souvent à ne compter
que sur la manne politique (oui la démocratie est porteuse de corruption) ou
sur d’hypothétiques annonceurs, ce fallacieux projet donc, tombe rapidement en
ruine devant la réalité. Parce que la dégradation poussée de l’image du journaliste
et du journalisme en général s’est accompagnée du dévoiement de toutes les
prestations de la presse en créant un assèchement plus ou moins prononcé des
sources habituelles de revenus des médias dans notre pays. Balzac, déjà au XIXè
siècle, pensait que le journalisme est un peu comme une vente aux enchères de
la parole, mais surtout d’une parole imbibée de la couleur de celui qui la
commande ou la commandite. Partout dans le monde, il est la proie de
manipulations de plus en plus osées, et ne ressort grandi que par des coups
d’éclat qui lui donnent la force qu’on lui connaît.
Dans ces conditions, la défense de la liberté n’est qu’un vain mot dans l’océan
des maux quotidiens de ce secteur. Parce que la liberté de dire et d’écrire
correspond aussi au devoir de survivre et qu’il est aveugle de passer sous
silence cette nécessité commerciale alors que tout montre que l’entreprise de
presse est finalement une entreprise comme toutes les autres. La seule liberté
qui vaille alors est de faire triompher non pas la liberté de presse mais celle
de réhabiliter cette entreprise-là pour qu’elle cesse de n’être qu’un avatar de
la vie politique. C’est ce que je crois.
Olivier Djidénou
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 1364 autres membres