Façon de voir
Vie politique:L’intrus ignorait-il la maison ?
11 juillet 2008
Attendu comme le « messie », le
docteur-président est sous le coup d’un effet boomerang. Face à une opposition
politique ringarde et agonisante sous Mathieu Kérékou, Boni Yayi a réussi à en
raviver les flammes. Tout se passe comme si l’inspirateur du changement
ignorait la maison.
L’enthousiasme populaire qui a porté Boni Yayi à la Marina en 2006, s’étiole et
l’unanimisme qui a habité la classe politique et la presse locale au lendemain
de sa prise de pouvoir, s’érode. Le président n’est plus majoritaire. Tout au
moins à l’Assemblée nationale. La grogne sociale se profile, l’insécurité règne
en maître et le délestage a fini par étouffer la propagande gouvernementale. Du
coup, le pouvoir se retrouve groggy face à des opposants ragaillardis et dopés
par leur dernière percée électorale. La faute à qui ? A « la
maison » ou à « l’intrus » ? L’état des lieux de « la
maison » est pourtant sans équivoque. Le plan de la concession, dont la
fondation politique repose sur quatre poutres d’électeurs répartis sur les différents
points cardinaux du pays, n’admet pas de vie en vase clos. On n’y accède par le
vestibule, où siège « la vieille classe politique » avant de se
diriger, via des couloirs de concertations, vers les logis des différents
partis politiques. Au faîte de cette habitation, trône le sceptre de la
« laïcité ». Ce n’est pourtant pas une habitation d’agnostique, c’est
seulement que les dévotions sont admises dans le respect des diverses croyances
des habitants sans que celles-ci ne concourent à façonner l’idéologie des
politiques. La vie dans cette demeure se résume en une redondance
salutaire : démocratie, démocratie, démocratie. Vous avez dit
démocratie ! Voilà le maître-mot qui a bénéficié à « l’intrus ».
C’est au nom de la démocratie et de la liberté de concourir que
« l’intrus » s’est invité dans le jeu politique. C’est au nom de la
démocratie et de la liberté de choisir, que « l’intrus » a réussi à
aspirer la moelle des partis traditionnels actifs dans le Septentrion pour en
faire des coquilles vides. C’est au nom de la démocratie et de la liberté
d’expression et d’opinion que « l’intrus » a gagné la sympathie des
promoteurs de presse. C’est au nom de la liberté de s’associer que
« l’intrus » a actionné et multiplié les mouvements de soutien à sa
candidature et poursuivi sa campagne de débauchage des militants. C’est au nom
de la démocratie et de la liberté de pensée que « l’intrus » a ravi à
la Société
civile, ses thèmes de prédilection pour en faire des thèmes de campagne. C’est
enfin au nom de la démocratie et du suffrage universel que
« l’intrus » a remporté le suffrage universel. Mais,
« l’intrus » connaissait-il réellement « la maison » ?
En paraphrasant le titre de l’ouvrage du journaliste Edouard Loko qui « aurait
pu être écrit par Charles ou Tibo », les grincements de dents tant au
niveau de certains des « onze » premiers soutiens de Boni Yayi que
des « ouvriers de la dernière heure » montrent les limites de
l’intrusion en politique. Alors que l’actualité politique foisonne de l’éventualité
de la destitution du président de l’Assemblée nationale, de convulsives
manifestations dans les communes sans autorité, des trahisons au sein de
l’alliance Fcbe la presse fait état de l’imminence de la formation d’un
gouvernement d’union nationale comme pour avaliser l’idée que le pays est en
crise. Non ! Le Bénin n’est pas en crise. Le gouvernement gouverne et
l’opposition s’oppose. C’est le jeu démocratique. En 2011, il y aura une
élection présidentielle. Le vainqueur proviendra de l’un des deux camps. En cas
d’entrée dans un gouvernement d’union nationale tel qu’envisagé, l’opposition
court le risque de galvauder sa montée en puissance. Quant au chef de l’Etat,
il n’a aucun intérêt à composer avec une classe politique qui ne partage pas sa
méthode de gouvernance. Indubitablement, les forces en présence s’équilibrent
et c’est tant mieux pour la démocratie si aucune dialyse n’intervient à la
phase actuelle. Dans moins de trois ans, chaque partie aura à conforter son
image. Car, avec un peuple amnésique comme celui du Bénin, on peut réussir tous
les coups en politique. Amnésique, il peut s’identifier rapidement et de façon
béante et bêlante à un « leader », ou « messie », ou
« intrus ». Revanchard, ce peuple l’est aussi et peut à tout moment
prononcer l’amère sentence : « un tient vaut mieux que deux tu ne
l’auras pas ».
Soulémane Ashanti