"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Faibles taux de réussite aux examens blancs du CEP :

L’AUTRE QUOTIDIEN - - 13 mai

Le système d’évaluation jugé irréaliste
 

Alors que les autorités administratives et techniques de l’enseignement primaire s’activent pour justifier le bien fondé et l’inéluctable application de l’arrêté n° 011, les directeurs d’écoles et les enseignants à la base, dans les différentes circonscriptions scolaires, affolés par les résultats des derniers examens blancs, dont les taux de réussite dans certains endroits atteignent seulement 12% tirent de nouveau la sonnette d’alarme. En attendant un mouvement coordonné pour se faire entendre, ils s’inquiètent des conséquences dommageables pour l’enseignement de base, de probables résultats catastrophiques, si on continue de s’entêter à appliquer, contre vents et marées, ici et maintenant, le système d’évaluation par compétences qui s’avère irréaliste et suicidaire, face aux données décevantes des examens blancs.

Les responsables des circonscriptions scolaires plus proches des directeurs d’écoles et des enseignants à la base, s’interrogent sur la meilleure mobilisation et le meilleur raccourci pour atténuer le désastre, eu égard au niveau général bas de la cuvée du Cep de ses cinq dernières années. De leur côté, les directeurs d’écoles et les enseignants, qui savent, mieux que quiconque, l’imbroglio dans lequel les Npe ont enfoncé depuis 2002, une grosse génération d’écoliers béninois souhaitent que leur administration revienne à la raison. A chaque échec, constatent-ils, au lieu de trancher dans le vif, et ce malgré les mises en garde d’éminents professeurs de ce pays, le système éducatif pour se racheter s’est engouffré, chaque année, dans une chaîne de rafistolages mal intégrés par les enseignants. On ne peut bien enseigner que ce que l’on a, soi-même, bien intégré. Or, pendant longtemps, sous la docte pression des conseillers pédagogiques et concepteurs du programme, aucune liberté d’initiative ne semble avoir été laissée aux enseignants, ou du moins beaucoup d’enseignants surtout dans le public, ne comprenant pas l’esprit de la méthode, se sont contentés de suivre les manuels comme des bréviaires. Moralité, bon nombre d’entre eux n’ont pas su trouver la meilleure pédagogie pour une meilleure immersion des enfants dans les Npe, surtout en français (grammaire, orthographe, richesse du vocabulaire, bonne expression…) et en calcul (on a perdu beaucoup de temps à surcharger, depuis le CI, l’esprit des enfants sur les multiples formes d’additions, de soustractions et de divisions, pour finalement en revenir aux seules méthodes de grand père). Comme on le dit : « ce qui se conçoit, s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément.

Tares mal corrigées dans le public

Les Npe, par leurs formations épisodiques et sur le tas, n’ont réellement pas réussi à donner à la plupart des maîtres, la maîtrise du programme et le développement des aptitudes imaginatives personnelles à les enseigner aux enfants. Moralité de nouveau : une grosse génération des écoliers portent des tares et des défaillances profondes dans leur acquis. Tous les rattrapages et les colmatages pour corriger ces tares n’ont, semble-t-il, pas suffit à redresser la barre dans bon nombre d’écoles, alors que certains établissements privés, qui ont pris la liberté d’initiative et d’exploration des Npe, ont su trouver la bonne méthode pour la performance aux examens. Il y a donc une défaillance au niveau de la formation des maîtres, dont la responsabilité revient au premier chef à la précipitation avec laquelle l’on a généralisé ces nouveaux programmes. Aujourd’hui, dans la polémique qui s’installe à juste titre, ce n’est pas tant la grille d’évaluation de l’approche par compétence que les directeurs et les instituteurs critiquent, mais son imposition, maintenant en 2008, pour justifier un semblant de retour à l’excellence. Une excellence qui n’a pas eu lieu dans les écoles et dans l’enseignement. Ils estiment que mettre la barre haute, c’est mettre, par conséquent, sur les rails une motrice trop puissante pour entraîner une locomotive poussive, remplie de milliers d’enfants cobayes des Npe et dont le niveau général de compétences est assez bas. Appliquer sans tenir compte de cette réalité le système d’évaluation dicté par l’arrêté n°011, c’est les amener à l’abattoir pour justifi r des indicateurs de réussite -très faibles- que l’administration pourrait présenter à tort, comme un indicateur de l’excellence et de la rigueur de l’enseignement durant 2008. Si les écoliers ne réussissent qu’à 12 % ou à moins de 30 %, après les examens prochains du Cep, ce serait un échec cuisant pour la réforme du système éducatif après plus de six ans de généralisation des Npe. Accuser les seuls enfants, leurs parents, les grèves perlées de 2002 et les instituteurs d’être les seuls coupables de cet échec serait une aberration. Sachant leur propre difficulté d’immersion dans un programme qui n’en finit pas de subir des transformations, beaucoup d’enseignants souhaiteraient qu’on arrête une fois pour toute la méthode idoine et définitive, qu’on mette en place la formation conséquente pour la maîtriser et l’enseigner -correctement et efficacement- et qu’on se donne une ou deux années encore, pour affiner les niveaux et la grille d’évaluation elle-même, sur la base des données réelles de terrain. L’excellence ne se décrète pas, elle se construit dans les classes, entre instituteurs et écoliers dans une complicité du savoir, sur la base de programmes clairs, des maîtres bien formés, motivés et volontaristes, des conseillers pédagogiques à l’esprit ouvert et innovateur, des maîtres mieux considérés dans leurs efforts, mieux écoutés dans leurs difficultés et une administration d’encadrement et d’accompagnement, dans un schéma de collaboration horizontale avec les écoles, au lieu de rapports uniquement d’ordre, d’instruction et de contrôle sans aucun souci d’interaction. Dans cette crise qui déterminera l’avenir du Cep, il est utile de rappeler que le Cep est devenu depuis des lustres, un simple examen de passage du niveau primaire au secondaire et non un concours.

Une classe de 7e pour une mise à niveau ?

En décourageant les parents par une rigueur décrétée et irréaliste on jouerait négativement ainsi les effets de la gratuité de l’enseignement primaire. Car le Cep est avant tout le premier examen de probation des enfants de la république pour les sortir, par la scolarité, du vaste océan de l’analphabétisme. Il leur offre la probabilité -si les parents ont les moyens ou si la république les leur offre- d’accéder au palier des enseignements de degrés supérieurs à diplômes, qui leur ouvriraient les portes sur des horizons scientifiques ou l’emploi au bout du cursus. Alors pourquoi, au nom d’une excellence qui se décrèterait, les arrêterait-on en si bon chemin ? Il est temps d’admettre que deux semaines sont illusoires pour corriger les tares de plus de six années d’errements réformateurs de l’enseignement, afin de coller à la grille prônée par l’arrêté n°011. Ce que les directeurs souhaitent modestement c’est : soit surseoir à cet arrêté pour 2008, soit assouplir -en concertation avec les directeurs d’écoles et les maîtres son application. Car en vérité, à quoi sert le zèle de la réformiste si elle ne confine qu’au massacre d’enfants cobayes ? On pourrait même suggérer -tout modestement- que pour corriger ces tares, les enfants qui auraient réussi cette année aient la possibilité de passer une année de correction de niveau en une classe de 7ième, si le jury d’examen jugeait leurs compétences dans les matières clés insuffisantes pour bien aborder les études secondaires. Quelle que soit son expertise, l’homme est perfectible et il a souvent besoin d’écouter les autres pour peaufiner sa science.

Léon BRATHIER



13/05/2008
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