Fourberie électorale
Grands et petits bobos de la République
Voteront-ils ou ne voteront-ils pas le
A qui ferait-on croire que toute cette effervescence autour de ces
élections est dictée par le souci d’avoir, enfin, des élections propres,
justes, transparentes, sans tache ? Qui se laisserait prendre au jeu d’une
rigueur subite ? Et pourquoi, maintenant, ce sens brusque de l’équité ?
Et si nous étions vraiment touchés par la grâce dans l’esprit de
nous libérer définitivement des démons de la fraude, que ne nous
investissons-nous pas, de manière ferme et militante, pour doter, enfin, notre
pays de la Lépi, la fameuse Liste électorale permanente informatisée, ce
serpent de mer au Bénin, objet d’un bavardage sans fin, mais que le Togo voisin
a mis deux ans à faire passer du projet à la réalité. Sans tambour ni
trompette.
La vérité, et il faudra l’accepter ainsi, c’est que nous ne savons
pas organiser des élections. Depuis dix-huit ans, sous le renouveau
démocratique, d’une élection à l’autre, nous traînons joyeusement les mêmes
tares, nous nous complaisons à reproduire les mêmes erreurs, nous nous
évertuons à cultiver les mêmes fautes. Comme s’il y avait de la fierté à
rester, en matière d’organisation des élections, d’éternels apprentis, des
stagiaires perpétuels.
Hors les élections, il y a une foule de choses essentielles que
nous ne savons pas faire non plus. Par exemple, négocier victorieusement, sinon
honorablement, la phase finale d’une Coupe d’Afrique des nations (CAN) de
football. A Accra, au Ghana, il y a quelques mois, nous avons perdu tous nos
matches. Nous sommes passé à la trappe dès le premier tour. Nous avons été de
bons derniers aussi bien de notre groupe qu’au classement général de la
compétition. Comme à Tunis, en 2004.
A l’image des élections que nous ne savons pas organiser, le sport
reste l’un des vastes domaines nationaux où nous restons désespérément des
ambitieux nains. La victoire, nous en rêvons comme tous les autres pays à cette
différence que nous ne savons pas les chemins et les voies qui y conduisent. La
morale de cette histoire, c’est qu’on peut tricher autant qu’on veut avec
soi-même, mais on ne triche jamais avec les lois de la nature. Parce qu’on ne
récolte que ce que l’on a semé. Parce qu’on ne peut espérer récolter là où l’on
n’a pas semé.
Nous ne savons pas non plus résoudre les graves problèmes d’énergie
auxquels notre pays est confronté depuis des années. Nous gagnons facilement
des galons au jeu dérisoire de la palabre oiseuse autour de ces problèmes. De
beaux parleurs, mais de piètres faiseurs. Nous pouvons en faire l’amer constat
: aucun satisfecit n’est encore sorti des rangs de nos compatriotes pour reconnaître
et pour soutenir les efforts censés être entrepris ou les sacrifices censés
être consentis pour les tirer d’affaire. Ils estiment être plutôt des otages
dans les mains de ceux qui ont la décision dans le domaine de l’énergie, des
gens qui, par ailleurs, n’entendent prendre la moindre part de responsabilité
aux perturbations introduites dans leurs vies, aux préjudices qu’ils subissent,
avec des commerces perdus, des biens sacrifiés, des appareils électriques ou
électroniques bousillés, des projets de vie en fumée.
Comme si cela ne suffisait pas, voici que s’y ajoutent des coupures
d’eau intempestives. C’est vrai qu’un malheur ne vient jamais seul. Un malheur
stoïquement subi par les populations qui montrent, chaque jour que Dieu fait,
d’étonnantes capacités à subir, d’incommensurables ressources pour encaisser,
d’importantes réserves de patience et d’endurance. A moins qu’il n’y ait là des
sentiments volcaniques sous une couche apparente de résignation, tel le feu qui
couve sous la cendre.
Nous marcherons sur l’actualité si nous n’ajoutons pas à cette
liste sommaire des choses que nous nous ne savons pas faire et face auxquelles
nous restons des bras inutiles, sinon des cerveaux vides, le mémorable braquage
du jeudi
Ainsi se trouve posée, en des termes dramatiques, la question de la
sécurité des Béninois et du Bénin. Ce qui s’est passé ce jour-là, au nez et à
la barbe de nos forces de sécurité et qui ressemble à s’y méprendre à une
séquence de film, nous interpelle gravement. Il est à tenir pour un test de
nudité, donc de vérité pour l’Etat quant à sa capacité, au-delà des discours, à
être le bras protecteur de la nation. Le sage Confucius a dit : (Citation)
«L’expérience est comme une lampe attachée au dos de quelqu’un. Elle éclaire le
chemin parcouru. Mais laisse dans l’obscurité le chemin à parcourir. » (Fin de
citation) Si nous devions rapporter notre sécurité à la lampe de Confucius,
nous dirions que le chemin à parcourir reste à construire et que le chemin
parcouru n’a même pas été construit. A comprendre par cette idée toute simple,
à savoir que la sécurité du Bénin et des Béninois est à inventer.
Jérôme Carlos
La chronique du jour du
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