"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Fourberie électorale

Grands et petits bobos de la République

Voteront-ils ou ne voteront-ils pas le 20 avril 2008 ? Les Béninois s’interrogent gravement depuis que le scrutin des élections locales est tombé dans la mer tourmentée de la politique politicienne. Quand ce n’est pas pour une question fortement personnalisée de représentativité qu’on fait reprendre à plusieurs reprises l’élection du bureau de la Commission électorale nationale autonome (CENA), c’est pour une question de vol de cartes d’électeurs qu’on exige de voir reprendre à zéro tout le processus électoral. Comme disent les Bambara du Mali : « Un seul âne a mangé de la farine et tous en ont le museau blanchi ».

A qui ferait-on croire que toute cette effervescence autour de ces élections est dictée par le souci d’avoir, enfin, des élections propres, justes, transparentes, sans tache ? Qui se laisserait prendre au jeu d’une rigueur subite ? Et pourquoi, maintenant, ce sens brusque de l’équité ?

Et si nous étions vraiment touchés par la grâce dans l’esprit de nous libérer définitivement des démons de la fraude, que ne nous investissons-nous pas, de manière ferme et militante, pour doter, enfin, notre pays de la Lépi, la fameuse Liste électorale permanente informatisée, ce serpent de mer au Bénin, objet d’un bavardage sans fin, mais que le Togo voisin a mis deux ans à faire passer du projet à la réalité. Sans tambour ni trompette.

[Suite:]

La vérité, et il faudra l’accepter ainsi, c’est que nous ne savons pas organiser des élections. Depuis dix-huit ans, sous le renouveau démocratique, d’une élection à l’autre, nous traînons joyeusement les mêmes tares, nous nous complaisons à reproduire les mêmes erreurs, nous nous évertuons à cultiver les mêmes fautes. Comme s’il y avait de la fierté à rester, en matière d’organisation des élections, d’éternels apprentis, des stagiaires perpétuels.

Hors les élections, il y a une foule de choses essentielles que nous ne savons pas faire non plus. Par exemple, négocier victorieusement, sinon honorablement, la phase finale d’une Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football. A Accra, au Ghana, il y a quelques mois, nous avons perdu tous nos matches. Nous sommes passé à la trappe dès le premier tour. Nous avons été de bons derniers aussi bien de notre groupe qu’au classement général de la compétition. Comme à Tunis, en 2004.

A l’image des élections que nous ne savons pas organiser, le sport reste l’un des vastes domaines nationaux où nous restons désespérément des ambitieux nains. La victoire, nous en rêvons comme tous les autres pays à cette différence que nous ne savons pas les chemins et les voies qui y conduisent. La morale de cette histoire, c’est qu’on peut tricher autant qu’on veut avec soi-même, mais on ne triche jamais avec les lois de la nature. Parce qu’on ne récolte que ce que l’on a semé. Parce qu’on ne peut espérer récolter là où l’on n’a pas semé.

Nous ne savons pas non plus résoudre les graves problèmes d’énergie auxquels notre pays est confronté depuis des années. Nous gagnons facilement des galons au jeu dérisoire de la palabre oiseuse autour de ces problèmes. De beaux parleurs, mais de piètres faiseurs. Nous pouvons en faire l’amer constat : aucun satisfecit n’est encore sorti des rangs de nos compatriotes pour reconnaître et pour soutenir les efforts censés être entrepris ou les sacrifices censés être consentis pour les tirer d’affaire. Ils estiment être plutôt des otages dans les mains de ceux qui ont la décision dans le domaine de l’énergie, des gens qui, par ailleurs, n’entendent prendre la moindre part de responsabilité aux perturbations introduites dans leurs vies, aux préjudices qu’ils subissent, avec des commerces perdus, des biens sacrifiés, des appareils électriques ou électroniques bousillés, des projets de vie en fumée.

Comme si cela ne suffisait pas, voici que s’y ajoutent des coupures d’eau intempestives. C’est vrai qu’un malheur ne vient jamais seul. Un malheur stoïquement subi par les populations qui montrent, chaque jour que Dieu fait, d’étonnantes capacités à subir, d’incommensurables ressources pour encaisser, d’importantes réserves de patience et d’endurance. A moins qu’il n’y ait là des sentiments volcaniques sous une couche apparente de résignation, tel le feu qui couve sous la cendre.

Nous marcherons sur l’actualité si nous n’ajoutons pas à cette liste sommaire des choses que nous nous ne savons pas faire et face auxquelles nous restons des bras inutiles, sinon des cerveaux vides, le mémorable braquage du jeudi 2 avril 2008. C’était en plein jour, à une heure de grande affluence, au cœur du marché international de Dantokpa, des malfrats puissamment armés, ont pu opérer en toute tranquillité trente minutes durant et repartir aussi sereinement qu’ils étaient venus, après avoir semé ruines et deuil derrière eux.

Ainsi se trouve posée, en des termes dramatiques, la question de la sécurité des Béninois et du Bénin. Ce qui s’est passé ce jour-là, au nez et à la barbe de nos forces de sécurité et qui ressemble à s’y méprendre à une séquence de film, nous interpelle gravement. Il est à tenir pour un test de nudité, donc de vérité pour l’Etat quant à sa capacité, au-delà des discours, à être le bras protecteur de la nation. Le sage Confucius a dit : (Citation) «L’expérience est comme une lampe attachée au dos de quelqu’un. Elle éclaire le chemin parcouru. Mais laisse dans l’obscurité le chemin à parcourir. » (Fin de citation) Si nous devions rapporter notre sécurité à la lampe de Confucius, nous dirions que le chemin à parcourir reste à construire et que le chemin parcouru n’a même pas été construit. A comprendre par cette idée toute simple, à savoir que la sécurité du Bénin et des Béninois est à inventer.

Jérôme Carlos
La chronique du jour du
8 avril 2008

 



08/04/2008
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