Gouverner autrement
Bouger sans travailler
mercredi
Arimi CHOUBADE
Une spécialité Bénin-émergent. Qu’un chef d’Etat
soit obligé de faire inscrire son nom sur du bois de coffrage transformé en
salle de classe précaire. Au bout de deux ans cela lui brûlait aussi
d’inaugurer quelque chose, d’avoir l’impression d’exister en tant que chef de
l’Etat. Or, rien ne venait jusque-là, en dehors des poses de première pierre de
projets ficelés au préalable par le prédécesseur avant l’alternance. Le chrono
tourne, les proclamations pleuvent mais les réalisations piétinent. On
s’éloigne plus de l’émergence qu’on ne s’en rapproche. Puis vient
l’aubaine : quelques salles de classe en bois de coffrage.
Tant pis si le déplacement de la délégation
présidentielle devait bousiller six fois le montant de l’ouvrage à inaugurer.
Le carnet de bilan du docteur-président commençait par pâlir d’une virginité
trop prolongée. Le tour du Bénin a été déjà effectué à plusieurs reprises à
bord d’hélicoptère suivi d’une horde de caméramans et de reporters. Sans que
cela ne se traduise par plus de centres de santé, de salles de loisirs, de
pistes rurales, d’adductions d’eau ou de connexions électrique. Au contraire,
l’une des premières mesures du gouvernement du changement à son avènement est
de mettre tous les chantiers à l’arrêt.
En clair, l’émergence se conçoit visiblement sans
infrastructures sociocommunautaires. Les mémorables colères du prince ne sont
donc qu’une reconnaissance implicite de l’immobilisme. Les populations d’Adjohoun
ont finalement tort de se morfondre. Ce n’est nullement pas parce qu’elles
n’ont pas adhéré massivement aux listes Fcbe que leur route
(Missrété-Adjohoun-Bonou-Kpédékpo) ne finit jamais ; que l’hôpital de zone
ne sort toujours pas de terre ; que les écoles végètent dans un
délabrement exceptionnel ; que les maisons des jeunes sont rares. À
Toucountouna, à Tahiacou, à Bembéréké, à Savè ou à Savalou, la même désolation,
bien que les bulletins Fcbe aient été massivement sollicités par les électeurs
aux législatives 2007.
Curieux qu’on veuille lutter contre la pauvreté
en privant les plus pauvres d’hôpitaux, de loisirs, de pistes rurales, de puits
d’eau, d’électricité. N’eut été la pitié du plus humanitaire du gouvernement
Sarkozy, Bernard Kouchner, les salles en coffrage qui arborent fièrement
l’épitaphe estampillé Yayi Boni n’auraient vu le jour. Les nouveaux princes
entendent disposer de toutes les recettes publiques à porter de main. Les
tournées populistes, les pré campagnes électorales, les salaires de ministres,
les primes des sujets du palais de la marina ; tout cela coûte cher.
Il ne dépend que du docteur-président pour que la
tendance de l’inaction s’inverse. Le pays en chantier ne concerne que quelques
bricoles à Cotonou et Godomey. La diète des inaugurations d’infrastructures
sociocommunautaires constitue la meilleure démonstration de la différence entre
le travail et le bruit. On comprend pourquoi le gouvernement se jette sur la
moindre initiative privée de construction pour nourrir la machine de
propagande. Aucune marche de soutien, aucun meeting ne remplace une salle de
classe ou un lit d’hôpital. Or, l’aboutissement des projets dépend de
l’expertise et de la sollicitude. Des qualités vendangées dans les sorties
oiseuses et inutiles.
Donner l’impression d’émerger, c’est bon. S’en
préoccuper rationnellement sans propagande, c’est mieux.
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