Interview avec AMEGNISSE ANDOCH :
On le croyait
politiquement mort de par son absence remarquée depuis l’avènement de l’ère du
« changement ». Mais il vient de réapparaître avec la verve et le franc parler
qu’on lui connaît. Il s’est prononcé sur la vie politique nationale, notamment
sur les élections et les espoirs déçus du peuple béninois. Andoche Amègnissè
exprime sa désapprobation à l’égard de la politique du Dr. Boni Yayi.
Le Confrère de
Andoche Amègnissè : Mutisme, non ! Qu’il vous souvienne que j’ai
été l’un de ceux qui ont le plus rudement combattu la candidature du Dr. Boni
Yayi. Je l’ai combattu jusque devant
Nous reviendrons sur ce que vous
appelez tantôt « réveil douloureux ». Mais en attendant, vous réapparaissez
après les élections locales. Quelles sont vos appréciations sur l’ensemble du
scrutin et pour qui avez –vous voté ?
D’abord, je ne vous dirai pas pour qui j’ai voté ! Mais je pus
vous dire contre qui j’ai voté. Il s’agit de la liste Fcbe ! S’agissant de mes
appréciations, j’ai noté avec amertume que les élections ont été arrachées par
le peuple béninois. Le pouvoir en place a tout mis en œuvre pour que les
élections n’aient pas lieu. Dès lors que le Chef de l’Etat ne contrôlait pas
Avez-vous les preuves de ces allégations ?
Bien évidemment ! Qui sont ceux qui ont cassé la voiture du
maire sortant de Sèmè Kpodji ? Qui sont ceux qui ont barricadé la voie à
Avrankou pour empêcher l’installation du conseil communal. Ces agissements
n’honorent pas le Chef de l’Etat.
Ne pensez-vous pas que des personnes mal intentionnées se font
passer pour des militants des Fcbe pour commettre des forfaits, puisque la
liste Fcbe a tout de même obtenu de bons résultats au plan national ?
Si des individus mal intentionnés infiltrent les rangs des Fcbe,
leurs responsables doivent les extirper. S’ils ne le font pas, ils sont
complices et s’exposent à la rigueur de la loi. Et force doit rester à la loi.
Nous ne sommes pas dans un moulin, mais dans une République. Les résultats
obtenus par la liste Fcbe n’ont pas induit de satisfaction. Au contraire, les
apôtres du changement ont dû déchanter. Ils croyaient pouvoir opérer un ras de
marrée électoral mais le peuple béninois a mûri, même si le réveil est
douloureux.
Quelle appréciation faites-vous des ratés du scrutin ?
Quand vous demandez à votre femme de vous préparer une sauce
succulente et que vous faites économie des ingrédients en réduisant la bourse,
attendez-vous à manger une sauce insipide et sans saveur résultant de votre
propre acte. Au regard des circonstances dans lesquelles ces élections ont été
organisées, on devait s’attendre à tous ces ratés. C’est même quelque chose de
formidable que
Qu’entendez-vous tantôt par réveil
douloureux ?
En 2006, les conditions sociopolitiques étaient telles que tout
le monde, sinon la majorité des Béninois voulaient du neuf. Le Général Mathieu
Kérékou n’avait plus une bonne cote et la classe politique dans son ensemble, y
compris le président Houngbédji (il a été premier ministre de Kérékou) était
prise par l’usure. On a pensé à un homme neuf mais malheureusement en
politique, il n’y a pas de génération spontanée. On a fait croire au peuple que
l’homme en question qui n’est autre que Boni Yayi est un banquier, président de
Mais la liste Fcbe vient en tête au regard des résultats
proclamés par
Ce résultat est comme l’arbre qui cache la forêt. Et pourquoi
font-ils autant de bruit s’ils sont satisfaits de ce résultat. Avez-vous vu des
vainqueurs faire autant de tapage ? Je vous dis que là où ils ont gagné, ils
savent qu’ils ont perdu ! Allez-y comprendre quelque chose. Je vous fais une
confidence : je parie que le Dr. Boni Yayi sait que si l’élection devrait avoir
lieu aujourd’hui, il ne sera même pas 4ème ! Le résultat des élections est
plutôt un sérieux avertissement donné par le peuple souverain au président Boni
Yayi. Il en est conscient. Mais ses sbires veulent faire un « hold up »
électoral. Ils veulent que les autres qu’ils ont battus ailleurs se tiennent
carreau, ce qui n’est pas démocratiquement possible. Les conditions dans
lesquelles le pouvoir en place protestent contre les résultats ressemblent à ce
qui s’est passé au Zimbabwé. C’est une incongruité à la limite risible que de
voir des gens proches du pouvoir qui estiment avoir gagné les élections faire
la pagaille dans le pays. Même les populations, estimées à 70% d’analphabètes,
sont stupéfaites et veulent bien comprendre ce qui se passe.
Voulez-vous dire que le peuple est déçu ?
Non seulement le peuple est déçu mais la communauté
internationale est déçue. Amnesty international vient d’épingler le Bénin. Nous
sommes classés 112ème. Nous avons reculé puisqu’au temps du général Kérékou, nous
étions mieux logés. Je reviens d’une tournée et je pus vous dire que le Bénin
ne jouit plus de la même image comme dans un passé récent. C’est regrettable.
Le respect des droits de l’Homme a ainsi pris un sérieux coup au Bénin.
Mais il n’y a pas de prisonnier d’opinion au Bénin
C’est vous qui le dites Monsieur le journaliste (traits tendus,
visiblement contrarié et presque courroucé…). Si Fagbohoun n’avait pas été
libéré pour raison de maladie nonobstant la procédure judiciaire qui interdit
la détention préventive sur une durée donnée, échéance dépassée dans cette
affaire, que lui serait-il arrivé ? Si malgré la violation des textes de loi et
l’incapacité pour la haute cour de justice de le juger Alain Adihou continue de
faire l’objet d’une détention préventive, où allons-nous ? Je peux multiplier
les exemples. La démocratie a reculé au Bénin. Les droits de l’Homme ont
régressé dans mon pays. Moi-même, j’ai été victime d’actes liberticides. Le 30
juillet dernier, je devais intervenir sur l’Ortb en tant que citoyen Béninois
qui paie ses impôts pour que l’Etat puisse faire face aux dépenses publiques,
pour commenter le discours du Chef de l’Etat. Mais des personnes mal
intentionnées ont téléphoné à la directrice de la chaîne à l’époque pour que je
ne puisse pas intervenir et qu’on me signifie que je suis personna non gratta.
Ce qui fut fait ! J’ai honte pour mon pays.
Les exemples isolés que vous évoquez
sans preuve palpable ne semblent pas coller à la situation de grand malaise que
vous décriviez ?
Vous êtes journaliste, faites un tour au marché Dantokpa et
interroger les bonnes dames. Vous savez, pour prendre le pouls du pays, il faut
commencer par Dantokpa. Les vendeuses vous diront que ça ne va pas. Evoquez le
nom de Boni Yayi et elles vont vous rabrouer ! C’est un malaise général qui
n’est pas seulement lié au malaise économique mais à une crise sociale
profonde. Vous souvenez-vous des grèves perlées même dans l’administration y
compris dans les centres hospitaliers ? Cela ne va pas !
Votre dernier mot ?
Je dis au peuple béninois que la nuit sera longue mais le jour
se lèvera. La nuit durera cinq ans mais le jour finira par se lever. Je suis
partant aux élections de
Propos recueillis par Orédola FALOLA
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