Je marche, tu marches, nous marchons…
La chronique du jour du 17 septembre 2007
« Un seul âne a mangé de la farine et tous en ont le museau blanchi ». C'est un proverbe bambara qui le dit. Ce proverbe ramené à l'actualité au Bénin pourrait se traduire ainsi comme suit : le Président de
Oui, la marche partout et par tous les temps, pour tout et pour rien, voilà le nouveau sport national auquel s'adonnent massivement et joyeusement les Béninois. Et tout semble bon et bien trouvé comme prétexte pour mettre en marche… la marche : un grand et impressionnant mouvement qu'il faut qualifier de démocratique, puisqu'il confond toutes les générations, toutes les conditions, toutes les fonctions.
Autorités publiques, personnalités diverses et de divers horizons se laissent ainsi prendre à cette frénésie de la marche tous azimuts. Il y a tout lieu de penser que, pour ces autorités et personnalités, ces récréations à répétition sont aussi agréables qu'un bain de foule. Adieu donc le costume cravate et le boubou empesé en basin riche. Le temps d'une marche. Quand les grands s'avisent d'être au plus près de leur peuple, comme des poissons dans l'eau, ils savent si bien se faire les clones parfaits des plus petits. Le temps d'une marche.
Et quel bonheur, justement pour ces plus petits, petits non par la taille, mais par la bourse et la condition sociale, de cheminer avec les grands, de fraterniser avec les grands, toutes barrières balayées, tous barrages effacés. Le temps d'une marche. Qu'elle est tout de même merveilleuse cette délicieuse proximité entre des demi dieux et les représentants de notre sous-prolétariat. Le temps d'une marche. Qu'il est tout de même impressionnant ce mélange des genres et des classes, ce coude à coude fraternel de tous ceux là que la nature avait pris soin pourtant de séparer, un peu comme l'on sépare le son de la partie vraiment alimentaire d'une céréale ou le bon grain de l'ivraie. Le temps d'une marche.
La démocratie de la marche est ainsi devenue une réalité. Car, à défaut d'avoir prise sur la marche de la démocratie, il suffit de marcher pour se convaincre que la démocratie marche. On rapporte l'histoire de cet opérateur économique qui, à la suite du chef de l'Etat, voulait marcher contre la corruption alors que pesaient sur lui de fortes présomptions de corruption. Rendu à la conscience que le ridicule tue, il sut vite se laisser convaincre du caractère plutôt ridicule de son entreprise.
Quand la marche est à ce point galvaudée, banalisée, mise à toutes les sauces, il va sans dire qu'elle perd toute sa valeur, qu'elle n'est plus qu'un exercice vain, qu'une manière d'amuser la galerie, de faire du cinéma. Et l'on devrait faire de vives remontrances à tous ceux qui ont contribué, d'une manière ou d'une autre, de près ou de loin, à vider la marche de tout contenu, de toute substance.
Mais il ne servira à rien de se morfondre, de pleurnicher. On ne ramasse plus l'huile qui s'est répandue à terre. Si les marches, telles que nous les avions conduites jusqu'ici, ne peuvent plus nous être utiles, nous pouvons encore ou tout au moins concevoir d'autres manières de faire la marche ou de marcher. Ne commettons pas cette erreur que souligne fort judicieusement le proverbe suivant : « Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre. Mais nous perdons très souvent notre temps derrière la porte fermée. »
Gardons-nous donc de perdre trop de temps derrière nos marches en panne. Alors, en avant marche, en nous accrochant ferme, comme à une bouée de sauvetage, à trois locutions qui comportent une idée de marche et qui ont surtout une forte charge positive. Il s'agit notamment de « marche à suivre », de « ordre de marche » et enfin de « en marche ».
D'abord, marche à suivre. Cette locution indique les différentes opérations à faire, les différentes démarches à observer pour obtenir ce qu'on veut, pour enregistrer un résultat déterminé. L'expression dit qu'on ne peut rien réaliser sans prendre préalablement la peine de se donner un objectif clair, de déterminer ses moyens d'action, en précisant les mesures diverses à prendre.
La marche à suivre, c'est la culture des procédures. Il s'agit de l'ensemble des règles, des formalités qui doivent être observées, des actes qui doivent être accomplis pour parvenir à une solution. La marche à suivre, c'est le refus et le rejet de l'improvisation. La marche à suivre, c'est la feuille de route du changement que nous réclamons à cor et à cri.
Ensuite, ordre de marche. Pour dire très exactement la logique d'une marche, ceci en parfaite conformité avec les dispositions prises, les règles arrêtées, les normes posées. Parce qu'une marche doit être régulée. Parce qu'une marche doit être contenue dans des cadres stricts de temps et d'espace, maîtrisée quant à son sens et sa direction, quant à son rythme. C'est le plus sûr moyen de s'assurer que tout peut aller bien, sans hésitation, sans précipitation, sans surexcitation, sans dispersion ni dissipation. L'ordre de marche, c'est la culture des normes de conformité. Car le changement n'est pas désordre, absence de règles et de discipline. Il s'opère toujours à travers des décisions mûrement préparées et promptement engagées.
Enfin, en marche. Pour signifier que les choses sont sur les rails, qu'elles avancent. Ce qui est en marche est en évolution, en progression. C'est la culture du mouvement, donc du changement lui-même, lequel est prioritairement et essentiellement mental. Car, comme l'a indiqué William James (citation) « Vous pouvez changer votre vie en changeant votre attitude mentale »
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