"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Jeudi 9 Aout 2007

PORTO-NOVO

 Le chantage de l'isolement ?

 

Le week-end dernier, un séminaire s'est réuni sur le sort politique de la Ville des Aïnonvis à l'ère du « changement ». Il a été initié et animé par l'Association des cadres pour un Porto-Novo Emergeant. Le ton était clair et les termes du débat limpides : « Porto-Novo peut-elle éternellement s'opposer aux gouvernements qui se succè­dent dans notre pays ? ». « Son développement et surtout ses intérêts – aux mains du Gouvernement –, n'impli­quent t-ils pas qu'elle se solidarise du pouvoir actuel ? »

 

Comme si une menace planait sur la ville, ses filles, ses fils et ses habitants, des Porto-noviens se sont dépêchés de plancher sur son sort. Ces Porto-noviens à part entière par ailleurs et aussi authenti­ques que les autres, ont levé un coin de voile sur une des questions majeures qui hanterait Porto-Novo et ses fils : La ville aux trois noms sera-t-elle avec ou sans le « change­ment » ? Porto-novo sera-t-elle dans ou en dehors de « l'émergence » ? Bref, Porto-novo sera-elle opposante ou moumancière ?

 

A première vue, la question parait complètement stupide. S'est t-on jamais posé la question de la couleur et de l'opinion politiques de Natitingou ? Ou encore celles d'Abomey ou de Lokossa ? D'ail­leurs, Abomey est-elle de l'opposition ou de la majorité présidentielle ? Lokossa soutient-elle le Président Boni Yayi ou s'oppose t-elle à son Gouvernement ? Depuis quand se pose t-on la question de l'adhésion ou non des populations, considérées comme telles, aux actions d'un Chef d'Etat ? Depuis quand s'in­quiète t-on de la position politique d'une ville, en tant que personnalité juridique et entité territoriale, par rapport au Chef de l'Etat ?

 

Mais comme le débat sur Porto-Novo a été ouvert par des Porto-noviens responsables et très respectables, on ne peut qu'y prêter attention. Parmi ceux qui ont interpellé la conscience de Porto-Novo le week-end dernier, je ne compte que des amis et des proches, même des maîtres au sens propre du terme. Au nombre des amis, je nom­merai Agapit Napoléon, Conseiller à la Haac, comme proche, le Ministre Albert Agossou, et comme un des maîtres dont je tiens mon initia­tion à la politique, le Ministre Joseph Gnonlonfoun.

 

Avant d'explorer l'inquiétude de mes anciens compagnons, soucieux de l'émergence de Porto-Novo, je tenterai de poser autrement la question de « l'émergence » de notre Capitale. Qui me­nace les Porto-noviens et à cause de quoi ? De quoi les Aïnonvis doivent-ils avoir peur ? De qui doivent-ils se méfier ? Qui en veut à Porto-Novo ?

 

Au fond, l'inquiétude exprimée par Agapit Napoléon, le Ministre Gnonlonfoun et tous les autres trahit la pensée qu'il y aurait un mal pour la ville à exprimer son état d'âme et ses choix tel qu'elle le fait actuellement. Les organisateurs du séminaire sur l'arrimage de Porto-Novo au train de l'émergence donne l'impression de vouloir éviter à la ville une foudre qui s'abattrait sur elle au cas où elle s'obstinerait à exprimer une opinion jugée hostile au Chef de l'Etat. Les séminaristes ont-il été informés d'une mise à l'écart en préparation ou d'un isolement possible de la ville du fait de ses opinions politiques et surtout de sa réserve légendaire à l'égard de tous les pouvoirs ?

 

Dans tous les cas, le séminaire de Porto-Novo a le mérite d'ouvrir un débat dont les pou­voirs publics devraient s'approprier. Mais le nouveau thème du débat ne sera pas, comme mon ami Agapit Napoléon l'a fait, celui de s'avoir « si la ville de Porto-Novo peut ou doit éternelle­ment s'opposer aux gouvernements ? » L'objet du nouveau débat ne consistera pas à tenter de forcer la main aux Porto-noviens. Il ne consistera pas non plus à les obliger à divorcer  avec un Mari qu'ils semblent bien connaître pour un nouvel amant – un autre encore – qu'ils ne connaissent pas bien, pour ne pas dire : pas du tout !

 

Je propose que le nouvel objet de réflexion sur Porto-Novo soit sa réhabilitation. Il s'agi­ra cette fois-ci des conditions raisonnables, des modalités pratiques et surtout de l'agenda  ou du chronogramme de sa réhabilitation. Parce qu'en fait, l'opinion politique porto-novienne jugée « désagréa­ble » pour et par les gouvernements prend sa source dans les frustrassions de cette ville. Porto-Novo est désormais la Capitale incontestée de notre pays. Dieu merci. Mais elle est, aux yeux des Porto-no­viens, une mariée sans robe de mariée. Une Capitale sans ses attributs et son statut. Et pourtant, la Capitale et tous ceux qui y tiennent ont vécu d'espoirs et de promesses toutes non tenues depuis bien longtemps. La ville a vécu d'engagements, toujours restés électoralistes et cyniquement politi­ques.

 

Pour mes compatriotes qui ne le savent pas, notre capitale est une citée faite de frustra­tions. Et de frustrations en frustrations, Porto-Novo a finalement décidé de se confier politique­ment à ceux qui, même avec peu de pouvoir, ont porté sur les fonts baptismaux, les quelques infrastructures qui lui donnent des allures, dérisoires peut être, mais allures quand même, de ville à statut particulier.

 

C'est pour tous ces faits qu'il faut essayer de comprendre le comportement politique de cette ville. A mon avis, ce n'est ni de l'opposition, ni une quelconque rébellion contre un gouvernement, mais seu­lement une certaine façon d'exprimer son état d'âme et de marquer sa prudence à l'égard de tout volonté politique seulement déclamée mais pas encore suivie d'actes. Seulement, ne peu­vent explorer cet état d'âme et comprendre cette prudence que ceux qui savent écouter le bruit du silence ou les vrais interrogateurs de conscience.

 

Quand on aura fini de faire le tour de ces questions, on comprendra, qu'il serait vain et sans aucune issue de vouloir choisir à la place des Aïnonvis, les nouveaux leaders de Porto-Novo. Cela se fait peut être ailleurs, dans d'autres villes de notre pays. Mais Porto-Novo n'obéit pas à cette logique. Les princes de Porto-Novo sortent des entrailles des électeurs de la ville et du Départe­ment. Ils ne sont ni choisis dans les palais officiels ni parachutés comme des comman­ditaires d'une œuvre dont les Porto-noviens eux-mêmes n'ont pas préalablement déter­miné les termes de référence.

 

Nous devons nous mettre rapidement au travail. Et je suggère modestement que nous nous mettions à respecter les engagements que nous avons pris à l'égard de toutes les cités de notre pays. Reconstruisons, sans exclusive ni exclusion, les villes de notre pays qui doivent lui servir de vitrine. Et comme Porto-Novo est actuellement au cœur du débat politique, comme elle tient, de­puis 1960, le record des promesses de reconstruction et de réhabilitation non tenues, il serait bien, que dans un esprit républicain, les pouvoirs publics s'attèlent à cela sans chercher à forcer la main aux habitants de la ville ou à violer leur conscience politique.

 

Il ne faut surtout pas aller au chantage qui consisterait à intimer aux Porto-noviens, de façon subliminale, l'ordre de divorcer avec leur actuel mari, sans chercher à comprendre les rai­son de leur mariage et surtout celles de la longévité de leur union malgré la « traversée du dé­sert ». Grosso modo, il faut éviter d'inviter les Aïnonvis à « céder », au risque d'être isolé ou d'être mis à l'écart des grands travaux de développement.

 

Avec des résultats, Porto-Novo suivra. N'inversons donc pas l'ordre des choses.

 

C'est ma conviction profonde.

 

Frédéric Joël AIVO



09/08/2007
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