"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Le Béninois libéré
3 juillet 2008

Eric MORE

Jérôme Dandjinou a été limogé. Ce n’est pas une surprise diront certains tant le fauteuil du désormais ex-Dg Port était devenu éjectable depuis sa déroute aux dernières élections municipales. Pourtant, les raisons évoquées pour son limogeage prennent le soin de ne pas faire une corrélation avec son échec électoral. Tout comme le chien qu’on accuse de rage afin de le noyer, il fallait un prétexte pour mettre Dandjinou à la porte. Son ministre de tutelle Armand Zinzindohoué a prétexté d’un ‘’manquement à l’autorité’’ pour mettre fin à ses fonctions. Le moins que l’on puisse dire c’est que ça sent l’intrigue et la politique politicienne car en réalité Dandjinou paye son indépendance d’esprit dans un environnement où le béni-oui-oui envers le chef Boni Yayi est de rigueur pour ne pas dire de règle. Ce n’est en effet pas aujourd’hui qu’on connaît l’inflexibilité et l’intégrité de Jérôme Dandjinou. C’est cette réputation d’homme intègre qui a présidé au choix du chef de l’Etat. En effet, au jour du 1er novembre qui a précédé sa nomination, Jérôme Dandjinou était à son domicile avec son épouse lorsqu’il reçut un coup de fil du chef de l’Etat. Ce dernier voulait savoir pourquoi il avait été démis de ses fonctions sous Kérékou. Comme réponse, il dit au chef de l’Etat qu’il a découvert que sa vision de la gestion du port de Cotonou n’était pas la même que celle de son ministre de tutelle. Il affirma à cet effet que sa volonté de se mettre au service de la nation heurtait des intérêts particuliers. A la question de savoir à quelle condition il accepterait revenir à ce poste, Jérôme Dandjinou a répondu que c’était à la condition d’avoir la confiance expresse et absolue du chef de l’Etat. C’est ainsi que Boni Yayi lui a promis de manière ferme et sans ambiguïté son appui direct s’il acceptait revenir à la direction du Port Autonome de Cotonou. Autrement dit, le chef de l’Etat lui promettait sa protection contre toutes sortes d’embûches qui pouvaient l’empêcher de s’écarter de la lettre de mission qu’il arrêterait ensemble pour le redressement du Port de Cotonou. Ainsi, au regard de l’engagement pris par le chef de l’Etat, il n’y aurait pas, de façon fonctionnelle, un intermédiaire entre eux. Le énième parjure de Boni Yayi Une fois aux commandes du port, Jérôme Dandjinou a vu en plusieurs ministres de la République les principaux artisans d’une politique de blocage et de sabotage. Plutôt que de lui apporter le soutien promis, le chef de l’Etat a laissé le Dg Dandjinou entre les mains d’une mafia qui réduisait à néant tous les efforts qu’il faisait. Le chef de l’Etat lui-même n’a pas manqué d’apporter sa touche personnelle dans ce processus de fragilisation. Lorsqu’il désignait en effet Dandjinou comme candidat à la mairie de Cotonou, n’avait-il pas conscience que non seulement il poussait cet homme vers un chemin qu’il n’avait pas souhaité prendre, mais que la nature même de cet hasardeux et aventureux choix politique s’éloignait de la mission portuaire ? Contrairement aux autres béni-oui-oui prêts à tous pour garder leur poste, Jérôme Dandjinou a préféré, dans le langage franc et direct qu’on lui connaît, dénoncer les bâtons qu’on lui mettait dans les roues. Saisissant la balle au rebond, le chef de l’Etat a utilisé comme bras armé le ministre Zinzindohoué pour accomplir le limogeage. Ceci dit, on ne peut que pointer du doigt la responsabilité du chef de l’Etat qui parfois le faisait attendre des heures durant dans sa salle d’attente avant de le recevoir. Il ne semble pas que cela soit de cette manière qu’il faille traiter un haut cadre à qui l’on a confié une mission aussi névralgique. Comme plusieurs autres personnes avant lui, l’ex-Dg Port est une victime du parjure du chef de l’Etat et de sa soif de liquider jusqu’à épuisement les cadres de ce pays. Encore donc une victime du Changement. A qui le prochain tour ? That is the questions.