"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Pénurie de gasoil:

Le Bénin dans le noir dans trois jours

3 juillet 2008

Depuis deux semaines, on trouve difficilement du gasoil dans les stations-services surtout à Cotonou et à Porto-Novo. Dans 72 heures, le peu du précieux carburant qui est dans les stations-services des régions septentrionales va finir et tout le pays sera dans le noir.

Les sociétés distributrices du gasoil (la Sonacop, Oryx, Total) ne sont plus en mesure de fournir le carburant aux consommateurs. Leurs stocks sont épuisés. A part les quatre départements du Nord où la réserve peut tenir encore pour trois jours, toutes les autres régions n’ont plus rien. En clair, le stock de sécurité est atteint. Le constat a été fait au cours d’une réunion de crise en l’absence du ministre en charge de l’énergie, Saca Lafia qui était en mission à l’extérieur du pays. Et, les sociétés privées ne sont pas en mesure d’en acheter dans un bref délai faute de liquidité financière. Les autres types de carburants sont aussi presque épuisés. C’est pourquoi, on assiste à leur rationnement. L’essence, par exemple, n’est livrée qu’aux véhicules administratifs et la quantité livrée ne dépasse pas 50 litres. L’Etat doit plusieurs milliards de subventions impayées aux sociétés privées. Parce qu’il a visiblement aujourd’hui d’énormes difficultés de trésorerie. Ce qui fait d’ailleurs que les mandats d’une quarantaine de millions sont payés très difficilement par le trésor public aux destinataires.

Le Bénin privé d’électricité

Le Bénin risque de plonger totalement dans le noir et de retourner à l’ère du néolithique et pour cause. Plus aucune centrale électrique du Bas-Bénin qui fonctionne grâce au gasoil ne tourne. Les centrales d’Akossombo, du groupe Aggreko, d’Akpakpa donc de la Sbee sont arrêtées. Les populations de Cotonou, de Porto-Novo et d’Abomey-Calvi, le ressentent déjà. Elles ont constaté que le délestage est plus fréquent et plus long. Le peu d’énergie consommée présentement vient du Nigéria qui ne fournit que 40 mégawatts que se partagent le Bénin et le Togo à concurrence de 20 mégawatts par pays. Alors que pour satisfaire la demande béninoise, il faut 170 mégawatts. C’est pourquoi d’ailleurs, des observateurs avertis soutiennent qu’à cette allure, les Béninois et principalement les populations des principales villes du Bas-Bénin vont connaître des délestages qui peuvent durer 24 heures. Le coût social de cette pénurie sera incalculable. Tous les secteurs vitaux de l’économie seront atteints : les industries, le transport (déjà, des centaines de camions poids lourds sont bloqués dans Cotonou), les hôpitaux, la flambée des prix des denrées de première nécessité, etc. surtout que parallèlement, le prix du ciment a déjà augmenté. En clair, on va vers la paralysie des activités économiques.

Une gestion hasardeuse

La raison essentielle de cette crise qui va faire très mal aux couches les plus démunies est la gestion approximative des finances publiques. En effet, les observateurs avertis ne comprennent pas pourquoi le gouvernement du changement subventionne les sociétés privées qui importent du pétrole. Surtout qu’il ne maîtrise pas leurs stocks. En Côte-d’Ivoire (qui dispose de raffineries) et au Togo voisin, les sociétés privées ne sont pas subventionnées. Parce que les subventions et le blocage des prix pèsent lourdement sur les finances publiques. L’autre aspect de la mauvaise gestion est le blocage des prix des produits pétroliers. C’est pourquoi, les voisins du Bénin évitent de prendre de telles mesures. Aussi, les sociétés privées s’arrangent pour alimenter en quantité suffisante ces pays en carburant. C’est d’ailleurs pourquoi, le comité de crise s’active pour importer, dans les brefs délais tous les types de carburants et surtout du gasoil du Togo et du Nigéria, afin de faire face à la gravité de la situation.

Les secteurs vitaux menacés

Encore un autre coût dur pour le citoyen béninois. La pénurie du gasoil qui est actuellement perceptible partout à Cotonou et ses environs , ne sera pas sans conséquences sur la condition plus ou moins précaire des citoyens béninois, affaiblis et déboussolés déjà par l’augmentation du prix de certains produits. Les indicateurs sont au rouge et sans être un oiseau de mauvais augure, le Bénin sera dans les jours à venir sans gasoil. Les hommes avertis de la situation rencontrés exposent les conséquences d’une telle pénurie. « Encore une série de difficultés sociale pour les citoyens, parce que le pire arrive ». C’est en ces termes qu’un agent d’une société de la place, ayant requis l’anonymat, et qui a voulu se prononcer sur la question de la pénurie du gasoil, a planté le décor. Les boulangers, de la place d’ici peu, seront dans l’obligation de déposer les clés sous le paillasson parce qu’ils n’auront plus de quoi alimenter les machines pour la fabrication du pain. Là sera également un coup très dur pour les populations dont 95% des habitants consomment le pain. La situation sera encore plus dramatique du côté des hôpitaux dont les machines fonctionnent à base de ce produit (le gasoil), qui sera inexistant .Imaginez dans un hôpital où les appareils ne peuvent pas fonctionner faute de gasoil ? Les hommes avertis projettent le pire et les hôpitaux pour les jours à venir vont doubler leurs cas de décès. Ce sera très fatal pour les hommes de santé qui pour faute de carburant resteront impuissants devant des corps inanimés qu’ils auraient pu sauver. Les meuniers ne feront plus de cadeaux à leurs clients, si ces derniers arrivaient à se procurer du gasoil pour moudre le maïs. Ils ne seront point indulgents. En dehors de la flambée du prix du maïs la ménagère doit encore débourser un peu plus d’argent afin de moudre son maïs. Simplement parce que l’indisponibilité du gasoil ne serait pas sans conséquence sur le coût du maïs à moudre. Le transport sera rendu plus coûteux. Comment mettre un véhicule à gasoil en marche si le moteur ne contient pas ce produit ? Sur le plan social, c’est le pire qui attend encore les citoyens, en mal de supporter l’augmentation tous azimuts du prix du ciment des produits pétroliers et des produits de première nécessité. Les conducteurs de camions poids lourds se retrouveront au chômage, parce qu’ils ne pourront plus se déplacer avec leurs moyens roulants, faute de gasoil. Les citoyens béninois sont encore dans l’impasse.

Dieudonné Lokossou : Secrétaire de la Csa-Bénin et agent de la Sonacop

« La question de la pénurie du gasoil est autrement plus sensible que celle de l’essence pour autant que c’est un produit stratégique dont la commercialisation est contrôlée par le gouvernement. C’est l’inexistence d’une filière de commercialisation informelle de ce carburant qui exacerbe la moindre situation de rareté de ce produit. La hausse du prix de ce carburant est due à une raréfaction artificielle. En effet, le produit subit certes la conjoncture internationale mais la situation tient beaucoup plus au fait que certaines sociétés distributrices pratiquent une stratégie de rétention sur le gasoil parce que le prix fixé ne les satisfait pas. Nous sommes dans une économie de libéralisme parfait qui n’autorise pas le gouvernement à pratiquer une rétention des prix. Ce faisant, il s’est confié dans une situation qui finalement lui a échappé, vu les pressions qui venaient de toutes parts. Mêmes les prix actuels ne reflètent pas encore la vérité et on n’est pas à l’abri d’une autre augmentation. Maintenant le constat est que le gasoil est rare sur le marché. Cela aura forcément des répercussions dans beaucoup de domaines vitaux notamment dans les secteurs alimentaire et énergétique ainsi que dans celui des transports. Jusque-là, le contrat qui nous lie à la Sbee est exécuté et la fourniture du gasoil à cette société est assurée. C’est important, car il lui permet de faire tourner les centrales thermiques afin de garantir la fourniture de l’énergie électrique aux populations. Mais la crainte légitime est que la Sbee ne puisse, à terme, supporter ce coût élevé et sera confrontée à des difficultés d’approvisionnement. Ce qui risque d’aggraver la crise énergétique au Bénin. Je ne saurais dire si à court ou à long terme, il se posera un problème d’indisponibilité du gasoil mais tout au moins le coût sans cesse croissant pèsera sur le quotidien des Béninois ».

 


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04/07/2008
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