"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Promotion de l’émergence au Bénin :

La presse du changement en question

In Matinal[28 août 2007]La volonté du chef de l’Etat, Yayi Boni, de s’appuyer sur les médias pour créer une synergie entre les efforts des responsables du pays et ceux des populations à la base est altérée depuis quelques temps par une presse nationale qui donne de plus en plus dans le panneau de politiciens préoccupés par autre chose que les objectifs du président de la République. ...

S’il y a aujourd’hui des travailleurs d’une catégorie socioprofessionnelle du Bénin qui ne risquent pas de descendre dans la rue dans les prochains jours pour solliciter l’aide du chef de l’Etat parce que leur emploi est menacé, c’est bien les journalistes béninois. Et si l’on devait demander à la « très célèbre » Marie Soleil Frère de revenir au Bénin à l’ère du Changement pour analyser la presse nationale, avec ce style propre à elle qui a déjà fait bougonner bien de personnes autrefois, il est fort à parier que la journaliste française aura assez de matière pour une étude bien particulière de notre presse. Car, il y a aujourd’hui, dans le pays sous « les soleils du Changement », une intense activité médiatique. Il ne se passe pratiquement plus de jour que l’on n’assiste à travers le pays, à des sorties médiatiques de toutes natures. Et toutes les heures sont bonnes à cet effet. Conférence de presse à huit heures, part de vérité de tel directeur de société d’Etat à midi, couverture médiatique des activités de tel ministre à vingt heures, rencontre du chef de l’Etat avec telle catégorie socioprofessionnelle à minuit : les journalistes au Bénin sont « très » occupés sous l’ère du Changement. Et sur ce point, on bat désormais tous les records. A défaut d’une statistique fiable, on peut avancer sans risquer de se tromper qu’il ne se passe également pas de mois dans le pays où n’apparaît dans les kiosques, un nouveau titre de quotidien ou de magazine, « dédié au changement » et dont l’ambition, toujours, est « d’accompagner le Changement incarné par le chef de l’Etat ». Entre l’endoctrinement et la propagande révolutionnaire du régime marxiste léniniste des années 70-80, et la libre expression démocratique suscitée par le Renouveau démocratique en 1990, l’ère du Changement a engendré actuellement une certaine forme de libre expression qui suscite bien des interrogations. Car, depuis quelques mois maintenant, la volonté des médias béninois d’accompagner le gouvernement du Changement dans son ambition de sortir le pays de la pauvreté endémique, s’accompagne d’une certaine fébrilité et d’une « hyperthermie » qui mérite bien quelques études. On « communique » à en avoir mal à la tête, on intoxique, on désintoxique, on vilipende, on assomme les populations de communiqués et d’avis divers, de notes de service et d’arrêtés télévisés et radiodiffusés. Les uns et les autres semblent avoir, en effet, trouvé le secret de la bonne gestion et de la bonne visibilité : on se convainc que si le chef de l’Etat a une idée assez ouverte et professionnelle de la communication, ce que l’Autorité manage de fait si bien à son niveau, il semble que ceux qui cherchent à en faire autant n’ont rien compris ou ont mal compris la démarche du Timonier. Pour une vétille ou pour un lapsus languae sorti par un quidam de peu de foi, les séides d’un « nouveau » Changement parlementent par presse interposée, se pavanent devant les caméras de télévisions pour se faire voir du chef, testent leur éloquence devant les journalistes et se plaisent à se voir au moins une fois par semaine sur les écrans de télévisions. C’est à se demander si ceux qui communiquent à ce point ne cherchent pas qu’à se convaincre de quelque chose : qu’ils sont aussi importants et aussi entreprenant que le chef.

Pour le bonheur des hommes de médias. Car, avec l’emploi du temps de communication assez chargé des ministres qui effectuent des sorties médiatiques d’explication pour chaque acte qu’ils posent, des directeurs de sociétés qui relaient par voie médiatique chaque négociation et chaque réunion de cabinet sur tel ou tel sujet, des syndicalistes qui donnent des points de presse à tout propos et des politiciens en mal de visibilité dans la cour du chef, les journalistes sont fortement « sollicités » et, évidemment, débordés. Ce qui s’accompagne depuis quelques mois dans le pays d’interprétations de faits et de relais d’informations aussi tronqués que les sources et les journaux sont variés. Que le chef de l’Etat, le Dr Yayi Boni envisage au cours de son mandat de donner une visibilité au Changement en utilisant la presse en tant que moyen de communion avec le peuple, c’est un fait. Mais que des individus, sans autre ambition que celle de rester à côté du chef, utilisent cette même presse comme méthode d’évaluation de leurs performances personnelles auprès du président de la République, on peut craindre pour l’émergence dans notre pays d’une presse plurielle contribuant au développement de la démocratie et favorisant la lutte contre la pauvreté par l’éducation et la sensibilisation des populations.

A. B.



28/08/2007
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