"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Hégémonie du médiatiquement construit

La médiatisation est importante pour une démocratie. Mais son hégémonie est anti-démocratique.

En effet, selon la pensée chrétienne, la Parole créatrice de l'univers a réservé aux hommes une autonomie relative pour une certaine construction sociale de la réalité. Logiquement, le phénomène humain de la communication sociale joue un rôle capital dans la construction de la cité humaine, dans tous les types de société, mais encore plus dans une société démocratique pour laquelle la liberté d'expression est particulièrement chère. En ajoutant à cela les facilités technologiques qu'offre l'ère de l'information, la construction sociale de la réalité en démocratie tend à devenir beaucoup plus du médiatiquement construit. Mais quand celui-ci prend des allures d'hégémonie, la démocratie elle-même s'en trouve menacée.

Pour ces raisons, il faut d'une part se féliciter de la pratique très poussée maintenant de la médiatisation des actions de l'équipe du changement. Car, pour donner un exemple, l'histoire politique béninoise peut montrer que si, pendant son mandat à la Marina, le président Nicéphore Soglo avait eu la même intelligence communicationnelle, peut-être bien que malgré son impopularité parmi les autres leaders politiques, il aurait pu mieux vendre ses actions aux populations pour se faire réélire. L'équipe du changement qui en sait des choses du scénario Soglo veille au grain pour l'éviter. Il faut lire et respecter cette logique politicienne. Et point n'est besoin de tenir rigueur à cette équipe pour sa passion et sa pratique de la médiatisation.

Mais en observant le silence total des autres leaders politiques (dans l'hypothèse qu'il y en ait encore) et l'inaction des associations de parents d'élèves dans la crise de la rentrée scolaire, pour ne donner que l'exemple le plus récent, on peut se demander si la médiatisation par un seul camp ne devient pas déjà excessive, exclusive et finalement hégémonique. Une évidence fait jour au Bénin : un seul son de cloche dans les média et du coup, le silence des autres voix. Mais le pire à craindre se sont les conséquences dangereuses parce que subreptices de cette évidence: le primat de la communication sur l'action, de la mise en image et en scène sur la réalisation, de la perception sur la réalité. C'est cela l'hégémonie du médiatiquement construit.

Abbé André S. Quenum