Hier,
la tension est montée d'un cran à l'Agence «A» de la Caisse nationale d'épargne
située à Cadjèhoun. Les agents de guichets et les clients venus faire des
opérations n'ont pas pu s'entendre sur le minimum. On a maugréé, on a injurié,
on a même menacé. Au cœur de cette situation devenue ingérable à un moment
donné, se trouve cette affaire de billets de banque estampillés. Par ces temps
de vie chère, avouons que cela n'arrange pas le gouvernement.
« Ce n'est pas moi qui ai fabriqué les billets. Je viens de les prendre à
Ecobank. Voici mon reçu. C'est bien marqué cinq cent et quelques mille Francs
Cfa. Que voulez-vous que je fasse ? Vous êtes tenu de les prendre. En tout
cas, je ne peux plus retourner à la maison avec.
Ah
non ! Ce n'est pas normal. Qui vous a demandé de ne pas prendre les
billets cachetés ? Pourquoi n'avez-vous pas averti les clients par des
canaux appropriés et c'est maintenant que vous voulez nous faire chier ?
En tout cas, moi je ne bouge pas d'ici ». Ces propos sont ceux d'une dame
poussée à la colère hier par les agents et responsables de la Caisse nationale d'épargne
de Cadjèhoun. Cette réaction exprimée avec vigueur n'est pas restée sans
réponse. Du côté des responsables de cette institution financière sous tutelle
de la Poste du
Bénin, on a voulu aussi hausser le ton… « Mme, reprenez tranquillement vos
billets et retournez-les là où vous êtes allé les chercher. Si je les prends,
je ne peux pas servir les autres clients. Ce sont des ordres que nous avons
reçus…Vous n'avez pas à faire du bruit… », a rétorqué un responsable
habillé en chemise jaune. Il était appuyé par un autre habillé en Bazin de
couleur vert- olive. La réaction qu'ont eu ces deux responsables de la Cne Cadjèhoun a
automatiquement provoqué un levé de bouclier dans la clientèle. Un homme qui
venait de finir son opération et à qui on a aussi refusé des billets cachetés
ne pouvait plus contenir sa colère : « Mais de qui avez-vous reçu ces
ordres qui ne sont pas de nature à apaiser la tension sociale qui prévaut
aujourd'hui au Bénin…Soyez un peu plus responsables voyons…Vous avez devant
vous une cliente qui est en détresse et qui demande à comprendre une
situation…Ce n'est pas de cette manière que vous allez la recevoir. Votre
devoir est de lui fournir des explications qu'il faut par rapport à cette
nouvelle donne… ». « En tout cas, vous, vous criez seulement…Nous
n'avons pas d'ordre à recevoir de vous. Il nous a été dit de ne pas prendre les
billets cachetés. C'est cet ordre que nous respectons, un point c'est
tout… », a dit un des responsables de la Cne Cadjèhoun.
« Qui sont ceux qui vous ont donné cet ordre ? Certainement qu'ils ne
mesurent pas la portée du tort qu'ils sont en train de causer au gouvernement
du Dr Boni Yayi. Ce n'est pas en cette période de vie chère qu'on va refuser
des billets encore qu'ils ne sont pas faux », a répliqué un client qui
attendait d'être servi. A l'origine de cette ambiance inhabituelle qui a régné
hier à l'Agence «A» de la
Caisse nationale d'épargne, se trouve une affaire de billets
de banque estampillés. Selon les informations recueillies sur place, le refus
de ces billets de banque aurait été déclenché suite à un ordre venu de la Bceao. Plusieurs
billets destinés à la destruction et estampillés se seraient retrouvés en
circulation. Et c'est pour corriger la situation qu'on aurait demandé aux
institutions bancaires et financières de refuser ces billets de banque.
Respectant à la lettre cette injonction, les caisses de la Cne ont systématiquement
refusé de prendre auprès de leurs clients les billets cachetés. Hier, plusieurs
personnes se sont retrouvées avec des coupures de 10.000 F Cfa portant des
cachets sous les bras.
Des interprétations et suppositions
Cette
situation qui n'était pas du tout attendue a donné lieu à des interprétations.
Certains n'ont pas hésité à la lier à la tension sociale qui prévaut
actuellement. Pour eux, le moment est très mal choisi car ce n'est pas
maintenant où on parle de vie chère que les banques et les institutions
financières vont déclencher cette opération de refus de billets de banque
cachetés. « Les institutions bancaires qui refusent ces billets ne rendent
pas service à Boni Yayi. Elles veulent enflammer le pays et précipiter le
départ de Boni Yayi. Si c'est la
Bceao qui est vraiment à la base de cette opération, elle a
alors mal choisi le moment. Ce qui se passe est grave et on ne sait pas ce que
nous réservent les jours à venir si aucune solution n'est trouvée », a
fait observer une dame qu'on a refoulé avec des billets cachetés et signés qui
présentent pourtant toutes les garanties de sécurité acceptées par la Bceao. « Dans quel
pays sommes-nous. Les gens sont vraiment décidés à faire partir Boni Yayi. Il
lui revient de vite réagir car la tournure que prennent les choses devient
inquiétante. La vie est chère. Si les banques vont encore refuser des billets
qui ne sont pas à priori faux, on se demande là où on va », s'est exclamé
un autre client qui ne savait plus à quel saint se vouer.
La situation n'est pas spécifique à la Caisse Nationale
d'épargne. Au marché et dans certains espaces commerciaux, les échanges de
propos se terminent parfois dans la violence. La situation est bien grave et il
faut que l'autorité intervienne pour parer au plus pressé qu'il ne soit trop
tard.
Prompte réaction de Marcel de Souza de la Bceao
A la Bceao,
on ne se reconnaît pas à travers la version colportée par les rumeurs.
D'ailleurs, le Directeur national de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de
l'Ouest, M. Marcel de Souza a rétabli la vérité à la télévision nationale en
ces termes : « Nous avons été informé et nous avons reçu des billets
de 10.000 F
et de 5.000 F
sur lesquels on retrouve des cachets, des griffes des inscriptions pour lequel
il nous est revenu de constater que le public refuse. Je tiens à préciser que
d'abord les billets de banque ne sont pas des enveloppes sur lesquelles on met
des cachets…Ces billets de banque sont une propriété de la Bceao et c'est un bien
public. Lorsque vous inscrivez des indications dessus, lorsque vous mettez des
griffes ou des numéros de téléphone, vous participer à la dégradation de ce
qu'on appelle circulation fiduciaire. Ceci étant, je tiens à préciser que même
si ces billets portent des inscriptions, des cachets, des griffes, ces billets
conservent toujours leur pouvoir légal sur toute l'étendue des huit pays
membres de l'Uemoa. Nul n'a donc le droit de refuser ces billets quelle que
soit l'inscription qu'ils portent. L'essentiel, est qu'ils soient des billets
authentiques. Donc, nous demandons au public d'accepter ces billets et au cas
où il y a des rejets, qu'on s'adresse à la Bceao, aux guichets des banques et à la poste à
qui on a envoyé des précisions ».
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