"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Rejet du rapport Nago:

Des députés donnent leurs explications de vote

 

 

 

Ecrit par Tobi P. Ahlonsou   

lundi, 26 mai 2008 02:08

Le Président de l'Assemblée Nationale devra revoir sa copie. 47 des 83 députés que compte le Parlement ont rejeté son rapport d'activités le 23 mai dernier. Ce qu'il redoutait pour ne pas convoquer à temps les séances plénières après l'ouverture de la première session ordinaire de l'Assemblée nationale est donc arrivé. Les explications de vote ci-après donnent les raisons qui  ont conduit certains députés à rejeter ou accepter ce rapport.

 

Epiphane Quenum ( Député RB)
« Je voudrais faire constater qu'à la suite du peuple béninois qui souhaite une amélioration de la gouvernance, qu'elle soit exécutive ou législative, les députés que nous sommes, avons accompli notre devoir. La gouvernance législative telle que exercée ne permet pas un meilleur fonctionnement de notre parlement et de notre démocratie. Ceci étant et eu égard à tout ce qui est dit, vu les graves lacunes que comporte votre rapport et vu les réponses insatisfaisantes données à certaines questions,  je voudrais vous dire tout simplement que je tiens ici une proposition de résolution relative à la mise en place d'une commission d'enquête sur vos activités et la gestion du parlement ».

Gabriel Tchokodo ( Député PSD)
« J'ai été obligé de voter contre votre rapport parce qu'aujourd'hui, l'image de marque de notre parlement est complètement par terre. Qu'il vous souvienne, Monsieur le président, que j'ai été député de la deuxième législature et lorsque je compare cette 2è législature à la 5è, il y a une grande différence. J'ai voté donc contre pour qu'ensemble nous puissions discuter sur comment le parlement peut  retrouver ses lettres de noblesse ».

Edmond Zinsou ( Député Prd)
« Je pense comme mon prédécesseur que l'heure est grave (...) J'ai voté contre votre rapport tout simplement, parce que j'ai voté la volonté des populations (…). Je souhaite vivement qu'au niveau du sommet on repense autrement la gestion de ce pays. Regardez un peu ce qui s'est passé lors des dernières élections, nous n'avons jamais vu ça dans notre pays. Les violences au Rwanda, au Libéria, en  Somalie et autres ne sont pas nés un jour. C'est de frustrations en frustration qu'ils  en sont  arrivés là. Il faut arrêter l'hémorragie. Il faut repenser le pays. Il faut appeler les collègues  et voir ce qu'il faut faire pour que les choses changent. Je souscris à cette démarche et je sais que vous êtes un homme de science, respecté et respectable et parfois je suis très peiné de vous voir dans de mauvais draps. Ce n'est pas votre formation. Ce n'est pas votre attitude habituelle à la faculté des sciences agronomiques. Vous pouvez mieux faire et je pense que vous allez mieux faire ».

François Abiola (Député Madep)
« Je n'ai pas pu me départir de mon tempérament de conciliateur et de médiateur que je veux être. Je pense que ce vote va nous permettre d'exorciser beaucoup de choses. Ce n'est pas une chose extraordinaire et ce n'est pas la première fois qu'on rejette un rapport d'activité. Si je me suis finalement associé à ceux qui m'ont demandé de le faire, c'est parce que je voudrais espérer que  ce vote va nous permettre de discuter entre-nous et de faire revenir la convivialité dans cette salle ».

Jude Lodjou (Député Force Clé)
« Lorsqu'en 1990, le peuple béninois a décidé d'aller à la Conférence nationale, c'est qu'il a voulu construire un Etat de droit et un Etat de droit a des exigences. Le problème du Parlement n'est pas un problème d'individu. C'est un problème concernant des institutions. Et notre pays a besoin de consolider sa démocratie. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que chaque institution joue pleinement son rôle. En votant contre ce rapport, je voudrais appeler tout le monde à réfléchir dans ce sens. Le rôle qui doit être celui de l'Assemblée, il faut que le président et aussi les députés le sachent, est à trois niveaux et il faut qu'on puisse le jouer pleinement. En tout cas, personne ne m'a obligé à voter contre votre rapport. Je l'ai fait parce que j'estime que mon pays en a besoin. Et je souhaite qu'au lieu qu'on cherche à emmener des gens sur des rails, qu'on cherche à comprendre ce qui se passe. C'est ainsi que nous allons évoluer… ».


Clément Houinou : (Député)
« Permettez-moi de paraphraser l'auteur de l'ouvrage intitulé le nouveau guide du militant. Il disait : « les problèmes de tout le monde sont des problèmes politiques et les problèmes politiques sont des problèmes de tout le monde». Vous conviendrez avec moi que la politique est une œuvre humaine. Dans toute entreprise humaine, au-delà du caractère objectif des rapports entre les composantes de la société, c'est d'abord le résultat de la volonté des hommes de vivre ensemble, de conjuguer leurs efforts dans des actions positives en vue d'atteindre des objectifs fixés et de satisfaire leurs besoins qui compte. Et si cette volonté n'est pas la condition sine qua none pour conduire toute entreprise humaine au succès, elle en est alors l'une des conditions essentielles. Si j'ai voté contre votre rapport, ce n'est pas par rapport à un individu, mais par rapport à un système que je veux combattre. Dans son ouvrage intitulé « Les damnés de la terre », Frantz Fanon disait : « le torrent emporte tout quand il resserre sa fureur. Au contraire quand il se laisse détourner en courant divergent, sa force se perd dans les sables». Cette pensée est à méditer ».

Seydou Adambi ( Député Fcbe)
« A entendre mes prédécesseurs, j'ai été transporté dans la compréhension que j'avais de ce vote. L'honorable Edmond Zinsou a tout dit en disant simplement que votre rapport, M. le président a été adopté. C'est-à-dire tous ont voté pour le rapport. Le problème est ailleurs et pour l'atteindre, c'est par vous qu'il faut passer. Vous êtes le chat à abattre pour pouvoir atteindre le propriétaire du chat. De ce fait, ne vous fatiguez pas, ne cherchez pas loin. Nous avons tous félicité votre rapport, donc en réalité votre travail est un travail bien fait. La solution, M. le président, prenez votre bâton de pèlerin. Rencontrez-les, parce que vous êtes le président de tout le monde ici. Rencontrez-les en Président de l'Assemblée nationale parce que, qu'on le veuille ou pas, le premier patron du Palais des gouverneurs, c'est vous et pour ce fait, vous êtes notre papa ici dans cette maison. Rencontrez vos fils qui ont décidé de se faire entendre par une autre voix, par les moyens les plus forts. Ramener-les à la maison et ils ne demandent que ça ».

Boni Tessi :(Député Fcbe)
« A travers les débats, j'ai senti que tous les députés sont d'accord pour que nous continuions ensemble la main dans la main. Et nous avons eu des échanges informels à la pause. Et comme l'a dit mon prédécesseur, rassurez-vous. Ce qui s'est passé illustre une citation du Général de Gaulle qui dit que «le plus difficile en politique, c'est de ne pas tailler d'importance aux choses qui n'ont pas d'importance». Vous comprenez très bien ce que ça veut dire. Nous sommes interpellés tous. Nous avons intérêt à ce que les choses aillent mieux. Les efforts qui sont faits sont louables, mais nous sommes en politique, et la politique est le domaine de l'irrationnel. Un plus un ne fait pas toujours deux. Un plus un peut faire mille ou zéro. C'est une interpellation et ce n'est pas au président seul que le message est adressé mais à nous tous. Nous devons œuvrer pour que nous puissions éviter d'en arriver là prochainement. Mon souhait est que tout le monde comprenne que l'enjeu c'est le Bénin. Ce n'est pas un problème d'individu. C'est le problème de toute la nation. On ne peut réussir à trouver la solution qu'en échangeant, en se parlant pour que la vérité transparaisse. Je suis un peu choqué par le premier orateur qui a parlé de résolution et je suis très heureux que tous ceux qui ont suivi ne soient pas revenus là-dessus. Je pense que nous ne devons pas aller plus loin que le message, le message doit être reçu et compris ».

Rachidi Gbadamassi ( Député G13)
« Je sais appeler le chat, chat et le lion, lion. M. le président, le virus qui est en train de détruire votre personne se trouve en vous, à côté de vous. Nous, nous n'avons pas de problème avec vous. Nous n'avons pas de problème avec la personne de M. Nago. Mais, ne laissez pas ceux-là qui n'ont pas une conviction politique, qui n'ont  pas une auto suffisance alimentaire vous induire en erreur. Les va-t-en-guerre qui vous demandent de foncer, ne peuvent pas gérer les conséquences avec vous. Le parlement est un lieu hautement politique et ce n'est que par la solution politique qu'on peut résoudre les problèmes politiques. Chacun de nous ici est député. Quand les gens vous disent laissez-les, ils ne peuvent rien, demain ce sont ces mêmes personnes qui voudront prendre votre place. Nous, on vous dit la vérité, il faut être un fin négociateur. Vous êtes le président de tout le monde, vous n'êtes pas le président d'un groupe isolé. Vous êtes la deuxième personnalité de l'Etat et il faut restaurer l'autorité de notre Parlement. Même quand on a un chef, il faut parfois pouvoir lui dire la vérité. La seule manière d'aimer son chef, c'est de lui dire la vérité. Mais ici, il suffit de critiquer et on vous traite d'opposant. S'il faut critiquer pour que le Bénin avance,  nous sommes prêts à être appelés  opposants éternels. Mais le moment venu, le peuple béninois saura faire la différence entre le bon grain et l'ivraie. Nous pensons que c'est en votre temps qu'il y a de problème. Nous n'avons aucun problème avec vous, parce que nous ne sommes pas esclave, nous ne sommes pas des poltrons. Nous sommes libres de nos pensées. Rien n'est gâté. Nous avons voté en toute conscience et nous ne sommes pas des manipulés politiques. On ne nous manipule pas.  Nous sommes des hommes de conviction politique. Nous savons d'où nous venons. Mais c'est ceux-là qui ne savent pas où est-ce qu'ils vont qui vous demandent de foncer la tête baissée, parce qu'ils ont intérêt que vous fonciez aveuglément pour après chuter. Nous qui vous disions la vérité, on nous traite d'opposant, c'est la même chose que je dirai devant le chef de l'Etat. Nous ne savons pas nous passer les pommades. Nous ne savons pas gravir les marches. Nous ne sommes ni des griots, ni des adolescents politiques. Alors j'appuie mon ami Epiphane Quenum. S'ils veulent vous dire d'aller contre nous, alors nous aussi nous avons des stratégies politiques que nous allons mettre en place. Adoptons donc une résolution et continuons, parce que vous ne pouvez pas nous forcer la main de faire ce que nous ne voulons pas faire. Pour finir, je demande humblement de privilégier la voie du dialogue et peut-être vous aller réussir là ou les autres ont échoué ».


Djibril Débourou ( Député Fcbe)
« Je prends acte du vote émis par l'Assemblée nationale. C'est un vote politique et je le considère comme tel. En treize ans de vie parlementaire, j'ai rarement vu un rapport  aussi clair, aussi travaillé, aussi appliqué. C'est pourquoi je dis que c'est un vote politique et il faut le prendre comme tel. Il  reflète la configuration politique de notre hémicycle. Le 30 décembre 1996, le rapport du président de l'Assemblée nationale a été rejeté dans cet hémicycle. Le 09 juin 1997, le rapport du même président de l'Assemblée nationale a été rejeté. Le rejet d'un rapport du président de l'Assemblée nationale n'est pas une chose inédite dans notre hémicycle. M. le président, il y a souvent trop de récriminations qui ne s'adressent pas à l'Assemblée nationale, ni à vous. En parlant, nous parlons au nom de toutes les populations du Bénin. Mais  la population de Bembèrèkè n'est pas associée à cela. Est-ce que cette population n'est pas la population du Bénin. J'évoque ça pour dire que le pays appartient à nous tous, personne n'a intérêt que ça dérape. Des choses comme ça, c'est comme une pente glissante, lorsque  vous commencez à glisser, vous ne vous arrêtez qu'au fond du ravin, vous ne vous arrêtez jamais en cours de route. En d'autres termes on sait toujours quand ça commence, mais on ne sait pas quand et comment ça finit.  Et si ça finit mal, personne ne sait si sa tête sera épargnée par l'orage. C'est pourquoi en toute chose, il faut toujours de la mesure. Je pense qu'il est encore temps que nous prenions de la mesure ».

Bako Arifari : (Député G13)
« Je voudrais remercier tous ceux qui ont eu le courage de manifester clairement et ouvertement leur point de vue, des points de vue qui ne sont pas orientés contre la personne du président Mathurin Coffi Nago. Mais nous avons dit en tout cas,  chez-nous au G13 en  s'appliquant, qu'il y a un certain nombre de dérives que nous avons constaté depuis un certain temps et qui constituent des menaces à terme pour le système démocratique qui, aujourd'hui, sert de boussole et de source d'équilibre pour notre pays. Nous l'avons dit, nous l'avons affirmé à travers le dernier scrutin. Mon objectif, ce n'est pas d'aller contre tel ou tel système. Le régime du changement que nous avons tous contribué d'une manière ou d'une autre à installer, a besoin d'un autre type de fonctionnement et de gouvernance. On ne peut pas gouverner avec exclusion, en cherchant à caporaliser un pays  et l'ensemble des institutions d'un pays. Le parti gouvernemental qui, au lendemain d'une élection,  a mission d'assurer la stabilité d'un pays, le respect des lois, le respect des institutions a d'autres modes d'expression que la rue. A Karimama, on est allé fermer la mairie, parce qu'on est pas content des résultats. A Malanville, on a marché, à Glazoué, Sèmè-Kpodji, Avrankou, Kétou. Partout où on a marché, quand on demande qui marche, les marcheurs n'ont qu'une seule couleur. De grâce, devant  une responsabilité historique à assumer à un moment donné, il faut un minimum de retenue. On ne peut pas comprendre que le bras politique de l'exécutif soit ce bras qui contribue à fossoyer l'Etat, à porter atteinte à l'autorité de l'Etat. Les dérives dont nous avons parlé il y a quelques mois, le 30 décembre avec la naissance du G13, et  le mémorandum de janvier 2008 continuent. Nous voudrions qu'il y ait un nouveau pacte politique réel, pour que ce pays vive en paix, pour que les institutions fonctionnent normalement. Nous avons trop de défis à relever. Nous avons besoin d'une autre façon de gouverner et de créer un minimum de consensus pour faire face à ces grands défis. Ce n'est pas dans l'exclusion, ce n'est pas en descendant dans les rues, ce n'est pas en vilipendant tel ou tel groupe qu'on parviendra à relever ces défis. C'est pour cela que pour nous, ce vote marque le début d'un moment fort de l'expression de cette volonté de sauvegarder notre système démocratique, l'intérêt général de ce pays et ce qui sert de principale ressource politique et diplomatique pour notre pays, la démocratie. C'est cela la raison de notre vote et c'est pour cela que nous voulons aller jusqu'au bout ».

Compilation Tobi P. Ahlonsou



26/05/2008
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