"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Suspension des décisions de démolition et de déguerpissement :

 S’achemine-t-on vers la guerre des institutions ?

L'Autre quotidien - La décision prise par le gouvernement le 12 octobre dernier en conseil des ministres au sujet de la suspension de l’arrêt des décisions de justice relatives à la démolition et au déguerpissement des maisons objets de litige continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive au sein de l’opinion publique. Après la réaction des magistrats et de la chambre des notaires, le gouvernement est revenu à la charge à la faveur d’un communiqué pour préciser à nouveau ses intentions. Mais que peut-on retenir de ce malentendu né entre les deux institutions.

La mauvaise compréhension de la décision du gouvernement de faire surseoir provisoirement à toutes les décisions de justice relatives aux conflits domaniaux fait apparaître au grand jour un problème de droit. C’est celui de la primauté de la notion de la paix sociale et nationale sur le droit. Le gouvernement a fondé sa décision sur la quiétude et la paix nationale. En effet il n’est pas rare de constater que l’exécution des décisions domaniales ordonnées par les cours et tribunaux du pays donnent souvent lieu à des scènes de mécontentement et de désolation. Le cas d’Agla zone C est encore vivace dans les esprits. On avait même déploré la mort d’une femme en état de grossesse, lors des opérations de démolition. Pour ce cas précis porté à l’attention des élus du peuple au moyen d’une pétition des habitants de cette localité, plus de 2000 parcelles doivent être rasées au profit d’une seule propriétaire. Certains acquéreurs ont affirmé avoir acheté leurs parcelles et l’habitent depuis plus de 30 ans. Et un beau matin les agents de force de sécurité se sont présentés pour démolir leurs habitations. Le cas d’Agla zone C concerne plus de 20 000 âmes. Devant cette situation sociale les députés avaient suggéré dans le rapport de la commission du plan et de l’équipement d’approcher l’huissier de justice et l’avocat ayant en charge le dossier. Dans le rapport de la commission, les députés ont également recommandé une rencontre entre la justice, le législatif et le gouvernement pour que le problème du foncier soit véritablement posé et débattu afin de prendre des mesures appropriées pour cesser les désordres qu’on y note. C’est dire que la décision du gouvernement n’a fait qu’entériner l’une des recommandations du parlement soucieux d’un règlement à l’amiable de ce problème. Saisi par plusieurs plaintes, des populations disent être victimes d’injustice et de la mauvaise foi de certaines personnes qui se présentent comme des propriétaires terriens.

Les députés ont pris conscience du désordre qui règne dans ce domaine où la main d’une mafia continue de manipuler les opérations de lotissements et d’influer sur le règlement des contentieux créés par l’indélicatesse des propriétaires terriens avérés ou escrocs, souvent en complicité avec l’administration locale. Sans un règlement de ces conflits le Bénin ne connaîtra pas la paix et la quiétude sociale encore moins la sécurité foncière. Car en réalité toutes les parcelles au Bénin sont peu sûres. La question foncière constitue ainsi une bombe sociale qui peut exploser à tout moment. Vu sous cet angle la décision du gouvernement apparaît comme une solution sage pour calmer les esprits déjà surchauffés et rechercher les meilleures façons de gérer ces types de dossiers, administrativement et judiciairement sans créer des injustices. La spéculation foncière ne permettant pas souvent la sérénité et la clairvoyance qui permettent des décisions justes pour tous, surtout les plus fragilisés de la société. Mais malheureusement elle a été mal comprise et diversement interprétée par les acteurs du monde judiciaire qui ont dénoncé à travers cette décision une immixtion de l’Exécutif dans le judiciaire en fondant leur argumentation sur la notion de la séparation du pouvoir principe à valeur constitutionnelle. La question de droit qu’on peut poser est de savoir si le respect de la loi surpasse la recherche de la paix.. Doit on au nom de la loi exécuter des décisions de justice qui pourraient provoquer des révoltes populaires, semer des troubles sociaux ? La question reste du tout de même posée. La décision du gouvernement est d’ordre moral alors que les magistrats sont collés au respect de la loi. C’est vrai que le droit et la morale s’ignorent. Mais le but des deux est la recherche de la quiétude et de la paix. Le but de la loi est de bâtir une nation juste où règne la paix. Mais si cette loi doit provoquer des troubles, ne doit-on pas la préférer à la morale ? C’est une question de bon sens.


Fortuné AGUEH
29 octobre 2007


29/10/2007
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