Un citoyen demande à Yayi Boni de rectifier le tir
In le MATINAL [26 octobre 2007]
La suspension de l'exécution des décisions de justice ayant pour objet les déguerpissements et les démolitions continue de faire couler beaucoup d'encre et de salive. Dans une lettre ouverte au chef de l'Etat, le citoyen béninois Martin Kougblénou qui a de l'admiration pour Yayi Boni, pense que celui-ci a commis une erreur en décidant de cette suspension. C'est d'ailleurs pourquoi, M. Kougblénou invite le chef de l'Etat à rectifier le tir. Lire cette lettre ouverte ...
Je me fais l'insigne honneur de vous présenter mes salutations citoyennes et saisir cette opportunité pour dire combien j'ai de l'admiration pour votre personne et pour la gouvernance empreinte de rigueur et de transparence que vous vous évertuez à asseoir dans notre pays. Le citoyen qui vous écrit est aussi un homme de rigueur qui tient le scrupule, l'équité et le respect des valeurs républicaines pour des règles fondamentales. Alors, ayant constaté que vous partagez ces mêmes qualités, je me réjouis d'ores et déjà de ce que notre beau pays a de bonnes perspectives devant lui quant à son développement socio-économique. Excellence Monsieur le Président de la République, j'aurais pu utiliser la voie administrative pour m'adresser à vous si j'avais la certitude qu'avec ce canal, ma correspondance avait toutes les chances de vous parvenir. Mais, à défaut, j'ai choisi la formule d'une lettre ouverte pour exprimer publiquement mon admiration pour tout ce que vous faites en vue d'engager notre pays sur la voie de l'émergence à travers prioritairement la lutte contre la corruption. Permettez-moi de vous en féliciter et de demander à Dieu tout puissant de vous donner la santé, la force et le courage de poursuivre l'œuvre salvatrice que vous avez entamée à la tête du pays. Excellence, Monsieur le Président de la République, en observateur attentif de la vie politique de notre pays et soucieux de son développement, j'ai eu pendant la période révolutionnaire à critiquer les dérives dictatoriales et la mauvaise gestion économique du pays par le régime marxiste-léniniste. Cela m'a valu plusieurs années de détention et vous pouvez en vérifier la véracité sur la base de la loi d'amnistie : mon nom est affiché au numéro 847.
Par ailleurs, depuis l'avènement du Renouveau démocratique, j'ai choisi le mutisme et n'ai pris aucune position politique. Ma déception est d'autant plus grande que j'ai constaté que rien n'a vraiment changé et que le pays était toujours aux mains des anciens barons du Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB). Excellence Monsieur le Président de la République, je romps à présent avec le silence parce que je me retrouve dans votre méthode de gestion où l'impunité n'a plus droit de cité-vous sanctionnez quand il le faut et vous savez prendre vos responsabilités- et où l'intérêt de la nation est au cœur de toutes les préoccupations. Ma fierté d'être Béninois est grande et il ne peut en être autrement pour celui qui avait publiquement déclaré qu'il fallait un homme comme John Jerry Rawlings pour ce pays. Pour avoir osé, j'ai été traité de tous les noms. Aujourd'hui, tout le peuple constate avec vous l'ampleur des dégâts de toutes ces années d'impunité, de corruption, de gabegie, de laxisme et que sais-je encore ? Excellence, Monsieur le Président de la République, il n'est point une flatterie que de dire que vous êtes dans le droit chemin et que personnellement, je n'ai relevé aucune dérive qui puisse compromettre l'avenir de notre pays. Toutefois, comme dit l'adage : « il n'y a que ceux qui ne font rien qui ne commettent pas d'erreurs ». Ainsi, vous venez d'en commettre une sur laquelle, je tiens à attirer votre attention. Il s'agit, vous en doutez, de la décision du Conseil des Ministres du 12 octobre dernier par laquelle vous suspendez l'exécution des arrêts de justice relatifs aux litiges domaniaux notamment les démolitions sur le foncier bâti.
Excellence, Monsieur le Président de la République, je pense à mon humble avis, que notre justice n'est pas pourrie au point où on doit mettre en doute les décisions rendues dans nos cours et tribunaux. Et pour ce que je sais de ce pays et de ses hommes, je ne suis pas sûr que cette décision soit la solution adaptée dans le cadre du règlement des problèmes fonciers. Ceci est d'autant plus vrai que pour les litiges domaniaux, les juges prononcent toujours l'avant -dit- droit (ADD). Et c'est alors que ceux qui savent qu'ils n'ont pas raison, s'empressent d'aller investir sur les parcelles. Dans de pareilles conditions, ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux- mêmes si au bout de la procédure judiciaire, on décide de les déguerpir. Le droit à la propriété est un droit inaliénable et consacré par la Constitution du 11 décembre 1990. Permettez-moi de rappeler que même les Ecritures Saintes précisent que Dieu a remis aux juges l'épée de la justice et qu'il ne peut y avoir autre forme de procès si ces juges venaient à faire parler l'épée. En cela, je pense qu'il faut rectifier le tir. Excellence, Monsieur le Président, s'il est une chose sur laquelle je voudrais attirer également votre attention, c'est bien le cas de ceux qui ayant construit dans les bas-fonds en connaissance des risques encourus, vous appellent au secours. Quel théâtre ? Ne vous laissez pas distraire car, il vous faut vous concentrer sur les dossiers importants de la nation. Il faut éviter de faire trop de faveurs aux Béninois de peur qu'ils n'en abusent. Et Dieu sait qu'ils le font si bien au point de donner même dans du chantage. Vous en avez eu récemment la preuve avec les instituteurs. Et laissez-moi vous dire que les Béninois ne comprennent que le langage de la rigueur. C'est d'ailleurs pour cette raison que je voudrais vous suggérer de ne jamais penser à abolir la peine capitale. Si votre foi ne vous permet pas d'autoriser des exécutions, alors vous pouvez vous en abstenir jusqu'au moment où le pays aura à sa tête un homme que cela ne gênerait guère. J'exagère à peine si on sait à quel point les valeurs morales se sont effondrées dans notre société. Dans l'espoir que mes remarques retiendront l'attention de votre Haute Autorité, je vous prie d'agréer, Excellence, Monsieur le Président de la République, l'expression de mes sentiments déférents.
Martin Kougblénou