LA VILLE DE COTONOU,
CE N’EST PAS QUE DANTOKPA
Chronique du 27/09/07
Je dois vous
présenter des excuses parce que l’essentiel de mon propos aujourd’hui est la
reprise d’une chronique vieille de trois ans. Bien entendu, il y a une
explication à ce retour dans le passé.
Depuis quelque temps, je constate, comme vous, ce qu’il faut bien appeler le
grand réveil du maire de Cotonou. Réveil qui se traduit par d’harassantes
tournées qu’il entreprend dans les arrondissements de la ville, pour expliquer
à ses administrés – pédagogie et cartes à l’appui – pourquoi les fruits actuels
n’ont pas tenu la promesse des fleurs du passé.
La démarche a, pour moi, un côté surréaliste pour ne pas dire pathétique. Avoir
laissé au premier plan le premier adjoint au maire, qui se trouve être son
fils, conduire la ville pendant plus de trois ans, sans parvenir à grand chose,
et se mettre à présent soi-même à courir par monts et vaux, à présent que va
sonner l’heure du bilan, est une stratégie qui a pour moi – je l’ai dit –
quelque chose de surréaliste, et surtout de pathétique ; parce que la défense
du bilan municipal de Cotonou, ne saurait être le travail d’un homme d’âge
certain qui, quoi qu’on dise aujourd’hui, a déjà fait ses preuves ailleurs,
mais plutôt le travail du jeune homme qui a effectivement semblé gérer la ville
et n’a rien prouvé, hélas !
La deuxième
raison qui motive la reprise de la vieille chronique que j’évoquais plus tôt,
c’est l’entretien que Daniel Tawéma vient d’accorder à un quotidien de la
place. Qu’un taiseux légendaire comme l’ex-ministre de l’Intérieur de Kérékou
se décide à parler, c’est déjà un événement en soi. Mais l’événement dans
l’événement, c’est que le taiseux légendaire ne reconnaît pas avoir été
l’obstacle N°1 au transfert du marché Dantokpa à la ville de Cotonou. La preuve
n’est-elle pas que même avec le nouveau pouvoir – qui lui est à priori moins
hostile que le précédent – la ville n’a toujours pas réussi à récupérer le
fameux marché. Le taiseux n’a d’ailleurs pas manqué de souligner, avec une
certaine perfidie, que la ville a quand même une trentaine de marchés sous sa
tutelle. Une autre façon de dire : il n’y a pas que Dantokpa, que diable !!!
Il y a trois ans, le titre de ma chronique était justement, mais plus poliment:
«
« Dans ce pays appelé Bénin où, depuis des lustres, l'anormal est devenu la
norme, il arrive qu’il se passe encore des choses qui laissent sans voix, les
quelques Béninois qui s'entêtent à penser que dans un pays normal, l’anormal ne
peut pas devenir la norme.
Au nombre de ces choses, la fameuse affaire du transfert des compétences par
l'État central aux nouvelles communes décentralisées. En l’occurrence, ce qui
laisse effectivement sans voix, c'est le refus par le ministère de l'Intérieur,
du transfert du marché Dantokpa à la mairie de Cotonou.
Dans cette histoire où l'impudeur, la mauvaise foi, la rapacité le disputent au
foulage au pied et des lois de
D'abord, d’où est-ce qu’elle était venue naguère, cette idée saugrenue de
mettre une société de gestion des marchés sous l'autorité directe d'un ministère,
en l'occurrence le ministère de l'Intérieur ? Une manne financière de cette
importance, qui tombe régulièrement dans l’escarcelle d'un ministère réputé
"non juteux", il est facile d'imaginer qu’en cas de nécessité, le
ministre en exercice n'accepterait de s’en dessaisir qu'à l'issue d'une
bataille digne de la bataille d'Okinawa. Et tout le monde peut bien voir que la
bataille que mène l'actuel ministre de l'Intérieur, le sieur Daniel Tawema, est
pire que la bataille de Stalingrad.
Parce que aujourd'hui, tout le tintamarre qui se fait autour du marché Dantokpa
se résume à ça, à savoir que ce marché est une grosse pompe à finances, dont le
ministre de l'Intérieur refuse obstinément de se dessaisir. Un refus de se
dessaisir qui, comme je le disais au départ, laisse bien des Béninois sans
voix. Car tout de même, voilà un patrimoine national dont la loi sur la
décentralisation, sans aucune ambiguïté, demande le transfert à la mairie, mais
que pour des intérêts évidents, le ministre refuse mordicus de transférer.
Malgré les injonctions – il est vrai très peu énergiques – du président de
Avec autant d'acharnement mais, en tout cas, moins d'arguments bidons. Le
premier de ces arguments bidons, c'était, il y a quelque temps encore, que
Dantokpa est un marché international, donc absolument intransférable à la
mairie de Cotonou. Cet argument ridicule a, si j’ose dire, fait long feu très
vite. Puis il fut question d'opposer le statut d'autonomie de
Il faut préciser qu'avant la création de cette commission, le chef de l'État
avait accordé une multitude d'audiences au maire à qui il avait – de façon
parfaitement hypocrite – donné des assurances quant au transfert certain et
prochain, de ce marché de toutes les convoitises.
Depuis, rien ne bouge !… Et pourtant, si !, quelque chose a quand même bougé :
à la dernière rencontre de la commission paritaire, la délégation
ministérielle, par la voix de monsieur le ministre lui-même, a martelé que
Dantokpa, en l'état, est intransférable et a fait la proposition lumineuse
qu'il faudrait transformer désormais
Incroyable !...
Personnellement, je crois rêver parce que je croyais savoir que le FMI et
Décidément – on a d'ailleurs noté la chose au cours de l'inénarrable affaire
Hamani Tidjani – l'idée que le sieur Daniel Tawéma se fait des affaires de
l'État a, si l’on peut dire, une hauteur inversement proportionnelle à celle du
bâtiment central du marché Dantokpa.
Cependant, il convient de noter que le sieur Tawéma n'aurait pu réussir à faire
son cinéma autour de Dantokpa s'il n'avait en face de lui, à la mairie de
Cotonou, une équipe où la naïveté le dispute aux erreurs de jugement et aux
errements stratégiques les plus incroyables.
Je suis pour ma part littéralement fasciné par la facilité avec laquelle le
ministre a réussi à faire croire au maire et à ses collaborateurs, depuis un
an, que l'essentiel de leur travail à la tête de Cotonou se résume à la
récupération d'un marché, fût-ce le marché Dantokpa.
Ainsi, pendant qu'il les tourne en bourrique, les agace, les fait enrager, leur
fait perdre du temps et de l’énergie en quantité, les Cotonois – qui se sont
quand même battus comme des lions pour les porter à la tête de leur ville – les
pauvres Cotonois attendent toujours des lendemains chantants et, entre autres,
un peu moins d'ordures au coin des rues de la ville.
C'est affligeant !
C'est affligeant et, j'en ai peur, sans espoir ; car le risque est réel que
quand ces « artistes » de la mairie vont enfin réussir à obtenir le transfert
du fameux marché – objet de toutes leurs obsessions actuelles – le risque est
réel qu'ils mettent autre chose en avant, pour expliquer leur incroyable
immobilisme. »
Voilà donc ce que j’écrivais il y a trois ans. Depuis, vous êtes témoins, la
lagune de Cotonou a coulé abondamment sous les trois ponts de la ville ; la
ville qui n’a toujours pas réussi à récupérer le marché de toutes ses
obsessions. C’est pourquoi les « artistes » de la mairie, qui s’activent déjà
pour décrocher un second mandat, ont beau jeu de désigner le non transfert de
Dantokpa, comme l’explication première de leur quasi-immobilisme de quatre ans.
Il est pourtant à souhaiter que leurs administrés, eux, ne trouvent pas cette
explication un peu courte.
Il est évident en effet que la ville de Cotonou, ce n’est pas que Dantokpa.
C'est ce que je crois.
T.L.F.
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