"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Suspension provisoire de l’exécution des arrêts relatifs au foncier :

 La faiblesse de la décision

 

Pour une décision, que de désapprobations enregistrées ! Presque de concert, les différentes associations de professionnels du secteur judiciaire de notre pays ont volé dans les plumes du gouvernement. Ceci pour dénoncer ce qu’ils appellent « immixtion de l’exécutif dans le judiciaire en violation du principe de la séparation des pouvoirs ». Mais, à bien analyser, ces dénonciations en valent-elles vraiment la peine ? Le gouvernement a-t-il raison sur toute la ligne ?

 

Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI

 

Toute attitude visant à fouler arbitrairement aux pieds les droits des citoyens, à remettre en cause les acquis démocratiques, doit être combattue avec énergie, d’où qu’elle vienne. Y compris du gouvernement de la République. Mais, lorsqu’une décision est prise pour assurer la quiétude à tous les citoyens, pour prévenir les troubles à l’ordre public, même si on imagine qu’elle ne sera pas du goût de tout le monde, on se doit d’en reconnaître le bien-fondé. Et, en l’occurrence, la décision de suspendre provisoirement l’exécution des arrêts de justice relatifs au foncier, rentre bien dans ce cadre. En effet, qui ignore les dégâts causés aux citoyens, les risques encourus par les exécutants lors des casses et autres déguerpissements provoqués par la mise en œuvre de décisions de justice ? Tout le monde convient que c’est souvent un drame social que nous vivons. Là-dessus, on a encore en idée, les casses de Agla en 2005, qui ont fait au moins deux morts, et ont conduit les populations à barrer la route, en brûlant sur le goudron nouvellement réalisé, des pneus. De même, nul ne devrait être insensible aux souffrances de ceux qui, souvent de toute bonne foi, ont acquis des domaines qu’ils ont mis en valeur et qui, des décennies plus tard, leur sont disputés.
Par ailleurs, quand on sait qu’en prenant sa décision, le gouvernement l’a revêtue du caractère provisoire, quand on sait qu’il dit envisager de discuter avec les acteurs de la justice par rapport à la question, on se demande le bien-fondé de certaines réactions. C’est vrai que certains ont de gros intérêts dans cette filière qui ne dit pas son nom. Et cela pourrait expliquer certaines attitudes.
En tout cas, et magistrats, et tous autres acteurs de la justice savent très bien que, même s’il peut paraître parfois un fourre-tout, le principe de l’ordre public, lorsqu’il est invoqué, est imparable. Et que, dans cette hypothèse, il y a effectivement lieu de suspendre momentanément l’exécution de toute décision qui pourrait le troubler. Si on ne perd pas de vue ces considérations, on pourrait comprendre la décision du gouvernement.
Toutefois, lorsqu’on s’aperçoit que le relevé du Conseil des ministres vise aussi les affaires en instance, c’est-à-dire en instruction, lesquelles, pour tenir compte des recommandations dudit Conseil, devraient être suspendues, on cesse de comprendre la logique du gouvernement. En effet, par rapport à ce pan du dossier, on perçoit clairement l’intrusion de l’exécutif dans le judiciaire. Et c’est donc à bon droit que, de ce point de vue, les praticiens du droit dénoncent « l’immixtion de l’exécutif dans le judiciaire », ce qui est de nature effectivement à violer le principe de la séparation des pouvoirs.
A ce niveau, apparaît donc la faille du gouvernement qui, quoique mû par la volonté de préserver l’ordre social, aura manqué de circonspection. Car, en définitive, viser les affaires en instruction peut avoir des conséquences imprévues mais graves. En effet, connaissant la mentalité qui est la nôtre pour l’instant dans le pays, il ne serait pas exclu que des individus malintentionnés s’engouffrent dans cette brèche pour semer le désordre.



02/11/2007
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