"LE BLOG DU Pr JOËL AÏVO"

Une Ironie sociologique.

24 avril 2008

Le Paradoxe du populisme

La FCBE, le camp du Président Yayi Boni, sort des élections avec une performance mitigée. Une prouesse pour le moins contrastée, qui se présente selon une double caractéristique sociologique. On constate d’une part que ce conglomérat de partis s’est imposé plus dans le Nord que dans le sud du pays. D’autre part, il apparaît clairement que sa mainmise électorale s’est faite plus sur les petites localités rurales que dans les grandes villes. Le fait que la quasi-totalité des villes à statut spécial ait échappé à son emprise en est une preuve éclatante.

Cette situation peut être appréciée diversement. Malgré la volonté du chef de l’état d’être à la tête d’une Force à envergure et à vocation nationales, tout se passe comme si la FCBE doit payer un tribut nécessaire à la culture régionaliste qui tient toujours dans ses serres les mœurs et mouvements de l’électorat. Il y aurait deux grands partis du Sud et un grand parti du Nord.

Une autre appréciation touche à la dimension sociologique de cette nouvelle distribution sous l’angle de l’instruction publique et de ce qu’on peut appeler le « Progrès des Lumières ». Par rapport à l’électorat, il semble que le Président Yayi Boni parvient plus à influencer les couches les plus ordinaires du pays, celles qui sont les moins instruites, les plus analphabètes, et qui se trouvent plus dans les villages et communes rurales ou de faible importance démographique que dans les grandes villes et communes urbanisées. Dans le territoire d’influence du pouvoir, l’électorat est plus souvent paysan, artisan et peu ou pas instruit, plus soumis au relais charismatique du fils du terroir, peu critique parce que moins exposé aux Lumières. Il semble se conformer à une solidarité mécanique de type traditionaliste. A l’inverse, dans les grandes villes gagnées par les partis d’opposition, la solidarité à l'oeuvre est plutôt organique, de type proto-moderniste. L’électorat a un faciès urbain : plus instruit, plus critique parce que plus informé et apte à démêler le vrai du faux, à saisir autant que faire se peut le dessous des cartes politiques.

Cela montre à la fois les ravages et les limites de la Propagande du pouvoir, mais aussi ses paradoxes : les formes diverses et variées de subornation, de supercherie, d’entourloupe et de farces médiatiques déroulées par le régime du changement et son chantre ont plus de prise sur les analphabètes et les paysans que sur les citadins et les gens les plus instruits.

On prête au Président Yayi Boni l’intention qui s’est fait préventivement menaçante avant les élections, de « punir » les communes qui ne voteraient pas pour son camp, en les privant au besoin d’eau, d’électricité et de subventions nationales pour leur développement. Bien qu’un tel arbitraire soit contraire à l’équité et à la paix nationale, le cas échéant,  il aurait au moins un avantage : celui de faire progresser les localités les plus obscures et les plus pauvres de notre pays et d’y promouvoir les conditions sociologiques d’émergence des Lumières, c’est-à dire aussi du minimum d’esprit critique ; de quoi en faire des citoyens à part entière, un peu plus maîtres qu’à l’ordinaire de leur vote. Dans la mesure où, à l’instar des grandes villes, plus elles progresseront moins les contrées les plus pauvres de notre pays se laisseront dicter leurs choix électoraux, on voit mal comment Yayi Boni peut mettre à exécution le chantage indigne qu’on lui prête sans du même coup scier la branche sur laquelle il est assis.

D’une manière générale, le progrès est incompatible avec le populisme. Vouloir conjuguer les deux c’est prendre le risque du paradoxe. Et du même coup se condamner au cachot politique.

 



06/05/2008
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